Le pays est d’autant plus fondé à le
faire qu’il n’existe pas de contentieux majeur avec l’Afrique car,
l’habilité des dirigeants britanniques fut d’avoir décolonisé avant même
que la demande leur en soit faite. Puis, une fois la décolonisation
opérée, de tourner définitivement la page. Voilà pourquoi nul ne fait à
la Grande-Bretagne le reproche d’avoir prolongé la période coloniale à
travers une « françafrique » au demeurant largement fantasmée.
Jacques Berque avait parfaitement résumé
l’originalité britannique d’une phrase : « Dans l’entreprise impériale
anglaise, j’admire profondément le sens du mouvement, et plus encore que
le crescendo, le génie du decrescendo, du pouvoir absolu au départ
absolu. Admirable dextérité. »
Et pourtant, en 1940, l’empire colonial
africain britannique s’étendait en Afrique de l’Ouest (Gold Coast -
l’actuel Ghana -, Sierra Leone, Nigeria et Gambie, plus une partie du
Togo et du Cameroun) ; en Afrique de l’Est (Kenya, Uganda, Zanzibar,
plus l’ancien Tanganyika allemand sur lequel elle exerçait une Tutelle) ;
en Afrique australe (Nyassaland, - l’actuel Malawi -, Rhodésie du Nord -
l’actuelle Zambie -, Rhodésie du Sud, l’actuel Zimbabwe, plus les
protectorats du Bechuanaland - l’actuel Botswana -, du Basutoland -
l’actuel Lesotho - et du Swaziland). La Grande-Bretagne exerçait
également sa souveraineté sur le Soudan-anglo-égyptien.
Mais, à partir de 1942, la difficile
situation des armées britanniques face aux Japonais obligea Londres à
demander de plus fortes contributions à ses colonies africaines. En
échange, d’importantes réformes y furent introduites, notamment au
Nigeria et en Gold Coast.
La politique britannique de
décolonisation fut ensuite très différente de celle suivie par la
France. Londres ayant admis très tôt que le mouvement des indépendances
était inéluctable, il lui importait donc de ne pas se laisser acculer à
des situations conflictuelles, tout en organisant la transition au mieux
de ses intérêts. De plus, et encore à la différence de la France, il y
eut en Grande-Bretagne un consensus de toute la classe politique.
Les indépendances furent donc acquises
sans heurts, sans ruptures majeures et au terme d’une évolution
constitutionnelle contrôlée de bout en bout. Les seules exceptions
furent le Kenya où, en 1952, éclata la révolte des Mau-Mau, et la
Rhodésie du Sud où la minorité blanche proclama unilatéralement son
indépendance en novembre 1965."