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samedi 1 septembre 2018

L'Europe fracturée

La crise migratoire en Europe est loin d'être réglée. L'Italie, prête au bras de fer avec Bruxelles, est le symptôme d'un mal plus profond.

« I want my money back ». Margaret Thatcher menaçait l'Europe pour obtenir une ristourne au budget communautaire. Quarante ans après, le gouvernement de coalition italien a brandi l'arme budgétaire si Bruxelles ne parvient pas à une répartition plus juste des migrants entre pays européens. Il s'agit cette fois non pas de « rendre de l'argent »  mais de ne pas payer.
 
Certes le dernier drame autour du navire de garde-côtes italiens « Diciotti » s'est résolu par un accord entre plusieurs pays européens. Cet été une solution avait été aussi trouvée pour l'« Aquarius », obligé de débarquer ses passagers à Valence en Espagne. Mais il ne s'agit que de répondre à des urgences depuis la décision du gouvernement italien formé en juin d'interdire le débarquement dans ses ports de navires de rescapés en mer, et non pas de s'attaquer aux causes de la crise. 

Les dirigeants européens auraient tort de sous-estimer la volonté du nouveau gouvernement italien. La fermeture des ports est, certes, une décision inspirée par des considérations de politique interne en Italie. Elle est l'objet d'une surenchère entre les deux hommes forts du gouvernement de Giuseppe Conte, d'une part le ministre de l'intérieur  Matteo Salvini, leader de la Ligue chaque jour plus populaire, d'autre part le ministre du développement économique  Luigi Di Maio, chef de file du M5S décidé à reprendre du poil de la bête. Mais cette crise n'est pas qu'italienne. Elle est européenne. Elle intervient à un moment où l'Union, Bruxelles, les élites « européistes », les partis politiques traditionnels sont déconsidérés en Europe aux yeux des opinions publiques.

Le désenchantement des Italiens

Et l'on ne peut simplement détourner l'attention de ce divorce en se contentant de plaider pour le respect du droit international en matière de migration ou pour la création d'un mécanisme pérenne qui évite de traiter au cas par cas les crises migratoires.
Car l'Italie n'est pas seule. La Hongrie, la Pologne, la République tchèque ou encore la Slovaquie et l'Autriche, sont bien décidées à limiter l'afflux de migrants, sans parler des autres pays, Allemagne, France, où le thème anti-immigrés est payant pour les mouvements radicaux. Dramatique pour l'avenir de l'idée européenne est aussi le profond désenchantement à son égard des Italiens qui furent, il n'y a pas si longtemps, ses plus chauds partisans.

L'erreur à ne pas commettre est de croire que le mouvement contre l'Europe et contre les migrants sera calmé le jour où l'Italie réglera bien sa note à Bruxelles ou encore de penser que les courants incarnés par Salvini et Di Maio ne dureront pas. La situation actuelle, par sa gravité, oblige les dirigeants les plus européens, Emmanuel Macron en tête, à se lancer avant tout dans une stratégie de reconquête de l'opinion publique sans agiter seulement des chiffons rouges ou promettre de nouveaux mécanismes. Ce n'est pas gagné. Car ce qui se passe en Italie est le résultat d'une fracture traversant désormais toute l'Europe.

Jacques Hubert-Rodier
 
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