La crise migratoire en Europe est loin d'être réglée. L'Italie, prête au bras de fer avec Bruxelles, est le symptôme d'un mal plus profond.
« I want my money back ».
Margaret Thatcher menaçait l'Europe pour obtenir une ristourne au
budget communautaire. Quarante ans après, le gouvernement de coalition
italien a brandi l'arme budgétaire si Bruxelles ne parvient pas à une
répartition plus juste des migrants entre pays européens. Il s'agit
cette fois non pas de « rendre de l'argent » mais de ne pas payer.
Certes le dernier drame autour du navire
de garde-côtes italiens « Diciotti » s'est résolu par un accord entre
plusieurs pays européens. Cet été une solution avait été aussi trouvée
pour l'« Aquarius », obligé de débarquer ses passagers à Valence en
Espagne. Mais il ne s'agit que de répondre à des urgences depuis la
décision du gouvernement italien formé en juin d'interdire le
débarquement dans ses ports de navires de rescapés en mer, et non pas de
s'attaquer aux causes de la crise.
Le désenchantement des Italiens
Et
l'on ne peut simplement détourner l'attention de ce divorce en se
contentant de plaider pour le respect du droit international en matière
de migration ou pour la création d'un mécanisme pérenne qui évite de
traiter au cas par cas les crises migratoires.
Car l'Italie n'est pas seule.
La Hongrie, la Pologne, la République tchèque ou encore la Slovaquie
et l'Autriche, sont bien décidées à limiter l'afflux de migrants, sans
parler des autres pays, Allemagne, France, où le thème anti-immigrés est
payant pour les mouvements radicaux. Dramatique pour l'avenir de l'idée
européenne est aussi le profond désenchantement à son égard des
Italiens qui furent, il n'y a pas si longtemps, ses plus chauds
partisans.
L'erreur à ne pas commettre est
de croire que le mouvement contre l'Europe et contre les migrants sera
calmé le jour où l'Italie réglera bien sa note à Bruxelles ou encore de
penser que les courants incarnés par Salvini et Di Maio ne dureront pas.
La situation actuelle, par sa gravité, oblige les dirigeants les plus
européens, Emmanuel Macron en tête, à se lancer avant tout dans une
stratégie de reconquête de l'opinion publique sans agiter seulement des
chiffons rouges ou promettre de nouveaux mécanismes. Ce n'est pas gagné.
Car ce qui se passe en Italie est le résultat d'une fracture traversant
désormais toute l'Europe.
Jacques Hubert-Rodier