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samedi 8 septembre 2018

Vers une catastrophe humanitaire en Syrie ? À qui la faute ?

La notion de « prophétie autoréalisatrice » éclaire la situation de la Syrie, et plus particulièrement le devenir de la province d’Idlib. De plusieurs sources s’élèvent des voix autorisées qui annoncent une catastrophe humanitaire dans cette région. Le pape, toujours en phase sur certains sujets avec la voix qui domine le monde occidental, vient en effet de rejoindre le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, pour craindre cette catastrophe. Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, s’est exprimé dans le même sens, en laissant percer deux des intentions qui se cachent dans cette inquiétude orchestrée, chez les politiques : le « régime syrien », c’est-à-dire le gouvernement légitime de Damas pour le droit international, qui a été depuis 2011 la cible des Occidentaux et de leurs alliés du Golfe, sera le responsable du « bain de sang ». 

Il va sans doute utiliser, selon l’habitude qu’on lui prête, des armes chimiques, qui permettront une riposte au moins symbolique. Telle est la première « prophétie » destinée à permettre une intervention capable de redonner un peu de poids aux Occidentaux dans le règlement définitif du conflit syrien. Le Drian ajoute, avec dépit, que si Bachar el-Assad a gagné la guerre, il n’a pas gagné la paix. La seconde idée consiste donc à dissocier la victoire de la Russie de celle du « régime », en espérant sauver la face, sinon l’honneur, en obtenant le départ prochain du président syrien. Que cette prévision suscite chez les terroristes d’Idlib une manœuvre visant à organiser ou à simuler l’emploi d’armes chimiques contre la population, dans une mise en scène à grand renfort de Casques blancs, n’aurait rien d’étonnant.

Car, comme de coutume, la désinformation par omission règne sur les médias occidentaux, au sein d’un monde qui proclame sa foi dans la démocratie et les droits de l’homme. La poche d’Idlib n’est pas le dernier territoire qui échappe au gouvernement légal. Les Occidentaux, les Américains essentiellement, occupent encore l’est de la Syrie autour de Raqqa et au-delà de l’Euphrate, ainsi qu’un saillant autour d’une base parfaitement illégale à la frontière jordanienne. Comme depuis le début de la guerre, cette présence est masquée par l’emploi de milices identifiées comme rebelles, kurdes ou « démocrates ». Il est quand même paradoxal que des États « démocratiques » qui campent sur des positions illégales viennent donner des leçons à un gouvernement légitime et pas seulement légal, dans la mesure où ses seuls vrais opposants sont des djihadistes que, paraît-il, l’Occident combat aussi. Hayat Tahrir al-Cham (HTS) occupe 60 % du secteur d’Idlib et n’accepte aucune négociation avec Damas. Malgré le changement régulier du nom, il s’agit d’Al-Nosra, alias Al-Qaïda, dont les seules différences avec l’État islamique sont que cette organisation préfère la guérilla à l’instauration du califat, et qu’elle souhaite tuer des non-musulmans en priorité. 

Que nous ayons aidé directement ou indirectement ces terroristes ne fait pas l’ombre d’un doute. Le reste des « rebelles » d’Idlib est formé d’une myriade de factions plus ou moins islamistes, regroupées sous le sigle FLN, et qui n’existent que grâce à la Turquie. Les 2,9 millions d’habitants menacés par la catastrophe humanitaire comprennent donc ces terroristes plus ou moins « modérés », leurs familles venues de toutes les zones libérées par l’Armée nationale syrienne, et beaucoup sont des étrangers. La population qui n’aspire qu’au calme et à une vie normale est utilisée comme bouclier humain par les terroristes. Les discours alarmistes des Occidentaux ne font que renforcer ce bouclier, alors qu’il serait plus humain d’aider la Russie à mettre fin à la guerre en Syrie, et à son cortège d’horreurs pour les civils.

Christian Vanneste

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