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jeudi 27 mars 2014

La poussée du FN aux municipales, un séisme politique ?

 
Françoise Fressoz 
La poussée du FN aux municipales, un séisme politique ?
 
Si Marine Le Pen dit vrai, c'est un séisme : le bipartisme est mort, place au tripartisme PS, UMP, Front national. Vainqueur incontestable du premier tour des élections municipales, la fille de Jean-Marie Le Pen a poussé autant qu'elle a pu, dimanche, son avantage sur les plateaux de télévision, projetant sur l'ensemble du paysage politique la poussée locale enregistrée par son parti. Les deux autres formations n'auraient qu'à bien se tenir. Elles ne seraient aujourd'hui que l'ombre d'elles-mêmes, bien trop faibles pour contenir l'intrus irrésistiblement porté par les urnes.
Pour appuyer sa thèse, la présidente du FN ne manque pas d'arguments. Sur fond d'abstention record qui aurait dû lui nuire, son parti a collectionné les succès. Il a arraché dès le premier tour Hénin-Beaumont à la gauche, est arrivé en tête dans une dizaine de municipalités comme Béziers, Saint-Gilles, Fréjus, Perpignan. Il s'est positionné en deuxième position dans une poignée d'autres cités comme Nîmes, Cavaillon, Istres ou Villeneuve-sur-Lot. Il a en outre réalisé des percées dans des villes aussi diverses que Marseille, Metz, Lille, Saint-Etienne, Amiens ou Quimper.


Tout à Réapprendre

Faiseur de roi dans plus de 200 villes où des triangulaires seront organisées du fait de sa présence, le FN est assuré de tenir la vedette pendant l'entre-deux-tours. Il va compter les points entre la gauche qui demande le front républicain et la droite qui le rejette, il va s'amuser à affoler l'état-major de l'UMP en faisant miroiter ici ou là quelques alliances possibles.

Plus fondamentalement encore, le parti va faire élire bien plus que le millier de conseillers municipaux auxquels il prétendait. Parler de la fin du bipartisme au niveau municipal est néanmoins erroné. Car le modèle n'est pas celui-là : si la droite a l'habitude de gouverner seule, les socialistes, qui ont largement dominé la scène municipale ces dernières années, ont au contraire fonctionné sur un principe pluriel. Ils ont fait alliance avec d'autres partis de gauche (Verts, communistes) ou du centre. C'est d'ailleurs en jouant sur le réflexe d'union entre les deux tours que le PS espère atténuer un peu sa défaite dimanche prochain : les Verts et le PC ont de fait souvent mieux résisté que lui.

Avant de prétendre être un grand sur la scène locale, le Front national a quant à lui tout à réapprendre car il revient de loin. En 1995, il avait remporté trois villes : Toulon, Marignane, Orange, qu'il n'avait pas su gérer. Puis il avait tout perdu du fait de la scission intervenue en 1999 entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret. Aujourd'hui, il repart de zéro et devra se montrer pugnace s'il veut prétendre devenir un grand parti avec tout le réseau de notables qui va avec.
 

Stratégie de la boule de neige


Mais Marine Le Pen est sur une dynamique qui dépasse les seules élections municipales. Sa stratégie est celle de la boule de neige : une victoire en appelle une autre, plus grande que la précédente. A présent qu'elle a marqué des points au scrutin de mars, elle rêve d'arriver première aux élections européennes de mai. Elle veut dépasser l'UMP et le PS, en surfant sur la crise et le ressentiment à l'égard de l'Europe. Les sondages montrent que ce n'est pas impossible. Puis viendront les élections régionales, en 2015, où elle entend consolider l'implantation entamée aux municipales. Et tout cela mènera à la présidentielle, en 2017, où elle est persuadée de bouleverser le jeu, comme l'avait fait son père en 2002. Mais avec en prime un réseau d'élus pour appuyer l'offensive.

Certes, il ne s'agit que d'un rêve mais certains commencent à le prendre au sérieux. Notamment le socialiste Jean-Christophe Cambadélis, qui, le 15 octobre, soulignait dans un entretien au Monde : « Le problème de François Hollande n'est pas que son gouvernement n'est pas très populaire. C'est qu'un tripartisme se met en place entre l'UMP, le PS et le FN. Le Front national, fort d'un abstentionnisme important au premier tour, s'est installé au centre de la vie politique française. Il constituera l'enjeu des prochaines élections. »

L'aveu n'est pas mince car cela revient à reconnaître tout ce qui différencie la situation actuelle de celle qui prévalait dans les années 1990 quand le Front national était haut. Le parti d'extrême droite s'est banalisé. Et pas seulement parce qu'il a changé de patron. Pour le contrer, la diabolisation est de moins en moins efficace parce que ses thèmes de prédilection — l'immigration, la sécurité — ont largement imprégné la droite, au point que celle-ci rejette désormais l'idée de front républicain.

Le FN est en même temps plus offensif parce que son discours, devenu ethnosocial, vise à séduire les victimes de la crise, les « laissés-pour-compte » de la mondialisation, ceux qui avaient cru au changement en 2007 puis en 2012 et n'ont rien vu venir. En ce sens, le Front national de Marine Le Pen est devenu un sérieux problème pour le PS et l'UMP.


Notes