Entretien avec Sylvain Crépon
Propos de Sylvain Crépon recueillis par Abel
Mestre, "Municipales : comment le FN va-t-il gérer ses villes ?", Le
Monde, 25 mars 2014.
Assiste-t-on à la naissance d’un « frontisme municipal » ?
Sylvain Crépon : Les résultats du premier tour des municipales marquent la renaissance d’un Front national local tel qu’il a pu se constituer dans les années 1990 avec Bruno Mégret. Ce dernier avait essayé de professionnaliser le parti et de l’implanter localement. Il n’avait pas été aidé en ce sens par Jean-Marie Le Pen. C’est la grande différence avec sa fille Marine Le Pen. Elle reprend l’oeuvre de Mégret en essayant de constituer un réseau d’élus locaux sans lequel elle ne peut pas arriver au pouvoir. C’est pour cela qu’elle a nommé Steeve Briois secrétaire général : pour qu’il fasse au niveau national, ce qu’il a fait à Hénin-Beaumont.
Quelles sont les différences avec le FN des années 1990, qui, lui aussi, avait gagné des villes ?
Aujourd’hui, on demande aux candidats qui peuvent être élus de ne pas relayer le message national. On leur a demandé de se donner l’apparence de gestionnaires, avec un programme local. Ils font campagne sur la voirie, les commerces, l’emploilocal, pour ne pas faire peur. Ils n’appliqueront pas la préférence nationale comme Bruno Mégret l’avait fait à Vitrolles. C’est là toute la différence avec 1995. Le Front a conscience des erreurs qui ont été commises, et ne veut pas reproduire cela. Il y a une obsession de ce qui s’est passé à cette époque.
Le résultat de dimanche est-il dû à l’implantation des candidats ou à la déception envers l’UMP et le PS ?
Les deux. La plupart des villes où les candidats FN se sont implantés sont des villes qui ont été très mal gérées. Cela atténue la peur du FN.
Que fera le FN de ces résultats ?
Le FN veut se « désidéologiser » au niveau local. Il veut que ses candidats apparaissent comme des gestionnaires, qu’ils se normalisent pour, in fine, faire de ses élus locaux les relais des idées du FN pour les échéances nationales. En somme, ils font d’abord profil bas pour mieux rebondir. Dans les conseils municipaux, les élus frontistes pourront relayer les idées de leur parti et devenirune force idéologique d’appoint en lançant des débats comme sur les Roms ou les subventions aux associations. Le Front national va essayer de capitaliser sur ce nouveau personnel politique pour avoir des candidats crédibles pour les prochaines échéances, les sénatoriales mais surtout pour les législatives.
Le FN manque de cadres. Aura-t-il les moyens humains de gérer plusieurs villes ?
C’est la grande question. Un cadre me disait qu’ils pouvaient gérer « sept ou huit villes ». Ils y mettront toutes leurs ressources humaines. Il y aura des transfertsinternes au parti entre différentes communes, pour prendre les « technos » et ceux qui ont un peu d’expérience. Ils savent qu’ils sont sur la sellette. Il faudra aussi surveiller les débats dans les conseils municipaux. Les dérapages sont possibles.
Ces résultats auront-ils des répercussions internes ?
Les rapports de force peuvent être chamboulés. Est-ce que Marine Le Pen est prête à cela ? Dans un parti d’extrême droite, le leader est omnipotent et on ne le remet pas en question. C’est aussi pour cela qu’elle a investi beaucoup de proches dans les villes gagnables.
Le Front national a-t-il réussi sa campagne municipale ?
Le FN a réussi à faire campagne au niveau local, à redynamiser des endroits où il n’y avait plus de militants. Il y a une vraie amorce, une vraie dynamique. Par ailleurs, Philippe Juhem a montré, dans ses travaux sur le socialisme municipal, que ce n’est pas parce que l’on a un afflux de militants que l’on gagne une municipalité, mais c’est gagner une municipalité qui suscite un afflux de militants, parce qu’il y a l’espoir d’obtenir quelque chose, des rétributions.
Cela pourra faire venir au FN des militants qui n’auraient pas adhéré normalement. Cela va peut-être ancrer le parti au niveau local et faire émerger un « municipalisme » frontiste.
Assiste-t-on à la naissance d’un « frontisme municipal » ?
Sylvain Crépon : Les résultats du premier tour des municipales marquent la renaissance d’un Front national local tel qu’il a pu se constituer dans les années 1990 avec Bruno Mégret. Ce dernier avait essayé de professionnaliser le parti et de l’implanter localement. Il n’avait pas été aidé en ce sens par Jean-Marie Le Pen. C’est la grande différence avec sa fille Marine Le Pen. Elle reprend l’oeuvre de Mégret en essayant de constituer un réseau d’élus locaux sans lequel elle ne peut pas arriver au pouvoir. C’est pour cela qu’elle a nommé Steeve Briois secrétaire général : pour qu’il fasse au niveau national, ce qu’il a fait à Hénin-Beaumont.
Quelles sont les différences avec le FN des années 1990, qui, lui aussi, avait gagné des villes ?
Aujourd’hui, on demande aux candidats qui peuvent être élus de ne pas relayer le message national. On leur a demandé de se donner l’apparence de gestionnaires, avec un programme local. Ils font campagne sur la voirie, les commerces, l’emploilocal, pour ne pas faire peur. Ils n’appliqueront pas la préférence nationale comme Bruno Mégret l’avait fait à Vitrolles. C’est là toute la différence avec 1995. Le Front a conscience des erreurs qui ont été commises, et ne veut pas reproduire cela. Il y a une obsession de ce qui s’est passé à cette époque.
Le résultat de dimanche est-il dû à l’implantation des candidats ou à la déception envers l’UMP et le PS ?
Les deux. La plupart des villes où les candidats FN se sont implantés sont des villes qui ont été très mal gérées. Cela atténue la peur du FN.
Que fera le FN de ces résultats ?
Le FN veut se « désidéologiser » au niveau local. Il veut que ses candidats apparaissent comme des gestionnaires, qu’ils se normalisent pour, in fine, faire de ses élus locaux les relais des idées du FN pour les échéances nationales. En somme, ils font d’abord profil bas pour mieux rebondir. Dans les conseils municipaux, les élus frontistes pourront relayer les idées de leur parti et devenirune force idéologique d’appoint en lançant des débats comme sur les Roms ou les subventions aux associations. Le Front national va essayer de capitaliser sur ce nouveau personnel politique pour avoir des candidats crédibles pour les prochaines échéances, les sénatoriales mais surtout pour les législatives.
Le FN manque de cadres. Aura-t-il les moyens humains de gérer plusieurs villes ?
C’est la grande question. Un cadre me disait qu’ils pouvaient gérer « sept ou huit villes ». Ils y mettront toutes leurs ressources humaines. Il y aura des transfertsinternes au parti entre différentes communes, pour prendre les « technos » et ceux qui ont un peu d’expérience. Ils savent qu’ils sont sur la sellette. Il faudra aussi surveiller les débats dans les conseils municipaux. Les dérapages sont possibles.
Ces résultats auront-ils des répercussions internes ?
Les rapports de force peuvent être chamboulés. Est-ce que Marine Le Pen est prête à cela ? Dans un parti d’extrême droite, le leader est omnipotent et on ne le remet pas en question. C’est aussi pour cela qu’elle a investi beaucoup de proches dans les villes gagnables.
Le Front national a-t-il réussi sa campagne municipale ?
Le FN a réussi à faire campagne au niveau local, à redynamiser des endroits où il n’y avait plus de militants. Il y a une vraie amorce, une vraie dynamique. Par ailleurs, Philippe Juhem a montré, dans ses travaux sur le socialisme municipal, que ce n’est pas parce que l’on a un afflux de militants que l’on gagne une municipalité, mais c’est gagner une municipalité qui suscite un afflux de militants, parce qu’il y a l’espoir d’obtenir quelque chose, des rétributions.
Cela pourra faire venir au FN des militants qui n’auraient pas adhéré normalement. Cela va peut-être ancrer le parti au niveau local et faire émerger un « municipalisme » frontiste.
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