Jean-Marc Leclerc |
INFOGRAPHIE - Les dépenses prévues en 2013
dépasseront les 800 millions d'euros, en hausse de 16,4 %, selon un
rapport parlementaire qui appelle à tout réformer.
Des dépenses de santé pour les étrangers les plus démunis, chaque jour plus nombreux, qui cheminent vers le milliard d'euros annuel. «Le système actuel de l'aide médicale de l'État (AME) est totalement à bout de souffle. Des adaptations marginales ne suffiront pas ; il convient de repenser globalement le dispositif en s'interrogeant sur sa philosophie même.» Connu pour son franc-parler, le député UMP de Paris, Claude Goasguen, jette un sérieux pavé dans la mare au détour de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2014 relatif à la santé. Ce document, dont Le Figaro a eu connaissance, décrit notamment la folle dérive de l'AME accordée aux personnes étrangères résidant en France depuis plus de trois mois. En voici les points clés:
Le ministère de la Santé soupçonné d'entretenir l'opacité
«En vigueur depuis janvier 2000, l'aide médicale de l'État s'applique aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de régularité du séjour exigées pour bénéficier de la couverture maladie universelle», explique le rapporteur. Principalement des sans-papiers. Selon lui, «l'État rembourse aux organismes sociaux les frais médicaux pour ces personnes». Or, «pour analyser les crédits», face à l'obstruction du ministère de la Santé, Claude Goasguen a été contraint de faire usage d'un pouvoir parlementaire spécial l'autorisant à aller chercher sur place les informations. Une procédure exceptionnelle qui fut déjà utilisée pour connaître les dessous du scandale des vaccins de la grippe A, au temps de Roselyne Bachelot.
Plus de 250.000 sans-papiers bénéficient de l'aide médicale
L'obstination a payé. «Au 31 mars 2013, le nombre de bénéficiaires s'établissait à 264.000 personnes», a appris le député. On découvre dans son rapport un tableau officiel qui fait même état de plus de 305.000 bénéficiaires de l'AME au «1er trimestre 2013». Ils sont ainsi répartis: plus de 167.000 en Ile-de-France, dont 54.000 à Paris et 50.000 en Seine-Saint-Denis, tandis que les Alpes-Maritimes comptent 6000 bénéficiaires et les Bouches-du-Rhône 9700.
Avec plus de 30.000 illégaux, la Guyane sous-estime ses chiffres
La Guyane, à elle seule, déclare plus de 17.000 bénéficiaires de l'AME, «majoritairement du Suriname». Mais Claude Goasguen suspecte ce département de masquer la réalité. Citant la Chambre régionale des comptes, il estime localement «la population immigrée en situation irrégulière entre 30.000 et 35.000 personnes». «Certes, ajoute-t-il, tous les immigrés en situation irrégulière n'ont pas vocation à recourir au système de santé, mais ces données montrent les potentielles hausses du nombre de bénéficiaires.»
Plus de 800 millions d'euros de dépenses prévus en 2013
Au chapitre des dépenses, de janvier à septembre, l'AME aura déjà coûté 613 millions d'euros. Ce qui revient, après extrapolation, à 818 millions en 2013, contre 700 millions les années précédentes (+ 16,4 %), a calculé le député. «Et même 897 millions, si l'on inclut la perte de recettes liée à la réforme de tarification voulue par le gouvernement Ayrault», précise-t-il. À la fin des fins, c'est toujours l'État qui paie, même s'il le fait de plus en plus avec retard. «Il doit encore 40 millions d'euros à l'Assurance-maladie», révèle le rapporteur.
L'État abonde, selon le rapport, un véritable puits sans fond
Claude Goasguen n'hésite pas à l'écrire: «Que l'État se contente d'abonder et de rembourser sans contrôle propre, phénomène sans équivalent, des dépenses enregistrées par les caisses d'Assurance-maladie n'est pas acceptable dans un système qui veut faire prévaloir la transparence des comptes sociaux. Cela est d'autant plus vrai que les crédits de l'AME font souvent l'objet de tous les fantasmes, ouvrant la porte à des débats inutilement polémiques.» L'élu a découvert, effaré, que «les acteurs du système (…) n'ont aucun intérêt à contenir la dépense puisque les surcoûts sont toujours compensés.» Il ajoute: «Le système entretient donc lui-même sa fuite en avant, déresponsabilisant collectivement et individuellement tous les acteurs.» Et les déficits se creusent.
Les contrôles indispensables font totalement défaut
Le rapporteur déplore que «l'ensemble des dispositifs instaurés en 2011 (ait) été supprimé et que depuis aucun outil de suivi ou de contrôle n'(ait) été mis en place». Des contrôles qui vont être «renforcés», a assuré jeudi Marisol Touraine, la ministre de la Santé.
Une réforme indispensable
Claude Goasguen propose un remède de cheval: «tout remettre à plat» et recentrer l'AME «sur les besoins urgents, à l'instar des pratiques de nos voisins européens». Et puis regrouper les dépenses au niveau d'une Caisse d'assurance-maladie à compétence nationale, tant la gestion est actuellement éclatée.
Pour l'heure, met-il en garde, «l'AME est bien perçue comme une dépense obligatoire de guichet dont on a renoncé à contrôler l'évolution. La démission aussi bien des gestionnaires que du payeur final doit impérativement cesser dans les meilleurs délais.» Un réquisitoire impitoyable.
Aide médicale aux étrangers, la facture explose :
Des dépenses de santé pour les étrangers les plus démunis, chaque jour plus nombreux, qui cheminent vers le milliard d'euros annuel. «Le système actuel de l'aide médicale de l'État (AME) est totalement à bout de souffle. Des adaptations marginales ne suffiront pas ; il convient de repenser globalement le dispositif en s'interrogeant sur sa philosophie même.» Connu pour son franc-parler, le député UMP de Paris, Claude Goasguen, jette un sérieux pavé dans la mare au détour de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2014 relatif à la santé. Ce document, dont Le Figaro a eu connaissance, décrit notamment la folle dérive de l'AME accordée aux personnes étrangères résidant en France depuis plus de trois mois. En voici les points clés:
Le ministère de la Santé soupçonné d'entretenir l'opacité
«En vigueur depuis janvier 2000, l'aide médicale de l'État s'applique aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de régularité du séjour exigées pour bénéficier de la couverture maladie universelle», explique le rapporteur. Principalement des sans-papiers. Selon lui, «l'État rembourse aux organismes sociaux les frais médicaux pour ces personnes». Or, «pour analyser les crédits», face à l'obstruction du ministère de la Santé, Claude Goasguen a été contraint de faire usage d'un pouvoir parlementaire spécial l'autorisant à aller chercher sur place les informations. Une procédure exceptionnelle qui fut déjà utilisée pour connaître les dessous du scandale des vaccins de la grippe A, au temps de Roselyne Bachelot.
Plus de 250.000 sans-papiers bénéficient de l'aide médicale
L'obstination a payé. «Au 31 mars 2013, le nombre de bénéficiaires s'établissait à 264.000 personnes», a appris le député. On découvre dans son rapport un tableau officiel qui fait même état de plus de 305.000 bénéficiaires de l'AME au «1er trimestre 2013». Ils sont ainsi répartis: plus de 167.000 en Ile-de-France, dont 54.000 à Paris et 50.000 en Seine-Saint-Denis, tandis que les Alpes-Maritimes comptent 6000 bénéficiaires et les Bouches-du-Rhône 9700.
Avec plus de 30.000 illégaux, la Guyane sous-estime ses chiffres
La Guyane, à elle seule, déclare plus de 17.000 bénéficiaires de l'AME, «majoritairement du Suriname». Mais Claude Goasguen suspecte ce département de masquer la réalité. Citant la Chambre régionale des comptes, il estime localement «la population immigrée en situation irrégulière entre 30.000 et 35.000 personnes». «Certes, ajoute-t-il, tous les immigrés en situation irrégulière n'ont pas vocation à recourir au système de santé, mais ces données montrent les potentielles hausses du nombre de bénéficiaires.»
Plus de 800 millions d'euros de dépenses prévus en 2013
Au chapitre des dépenses, de janvier à septembre, l'AME aura déjà coûté 613 millions d'euros. Ce qui revient, après extrapolation, à 818 millions en 2013, contre 700 millions les années précédentes (+ 16,4 %), a calculé le député. «Et même 897 millions, si l'on inclut la perte de recettes liée à la réforme de tarification voulue par le gouvernement Ayrault», précise-t-il. À la fin des fins, c'est toujours l'État qui paie, même s'il le fait de plus en plus avec retard. «Il doit encore 40 millions d'euros à l'Assurance-maladie», révèle le rapporteur.
L'État abonde, selon le rapport, un véritable puits sans fond
Claude Goasguen n'hésite pas à l'écrire: «Que l'État se contente d'abonder et de rembourser sans contrôle propre, phénomène sans équivalent, des dépenses enregistrées par les caisses d'Assurance-maladie n'est pas acceptable dans un système qui veut faire prévaloir la transparence des comptes sociaux. Cela est d'autant plus vrai que les crédits de l'AME font souvent l'objet de tous les fantasmes, ouvrant la porte à des débats inutilement polémiques.» L'élu a découvert, effaré, que «les acteurs du système (…) n'ont aucun intérêt à contenir la dépense puisque les surcoûts sont toujours compensés.» Il ajoute: «Le système entretient donc lui-même sa fuite en avant, déresponsabilisant collectivement et individuellement tous les acteurs.» Et les déficits se creusent.
Les contrôles indispensables font totalement défaut
Le rapporteur déplore que «l'ensemble des dispositifs instaurés en 2011 (ait) été supprimé et que depuis aucun outil de suivi ou de contrôle n'(ait) été mis en place». Des contrôles qui vont être «renforcés», a assuré jeudi Marisol Touraine, la ministre de la Santé.
Une réforme indispensable
Claude Goasguen propose un remède de cheval: «tout remettre à plat» et recentrer l'AME «sur les besoins urgents, à l'instar des pratiques de nos voisins européens». Et puis regrouper les dépenses au niveau d'une Caisse d'assurance-maladie à compétence nationale, tant la gestion est actuellement éclatée.
Pour l'heure, met-il en garde, «l'AME est bien perçue comme une dépense obligatoire de guichet dont on a renoncé à contrôler l'évolution. La démission aussi bien des gestionnaires que du payeur final doit impérativement cesser dans les meilleurs délais.» Un réquisitoire impitoyable.
Aide médicale aux étrangers, la facture explose :