Hervé Bouloire, juriste, collaborateur politique et parlementaire ♦
L’intériorisation de la diabolisation du FN, en vogue depuis 30 ans, n’a jamais vraiment disparu. Alors que les électeurs votent de plus en plus FN et le disent explicitement, les barons de la droite restent figés dans cette attitude de rejet systématique du FN. Et plus on s’élève dans la hiérarchie, plus les oppositions au FN deviennent fortes, voire hystériques.
Ce à quoi nous assistons depuis quelques jours, c’est à la réactivation du logiciel du front républicain, non seulement périmé, mais qui risque conduire tout simplement la droite parlementaire à sa macronisation inéluctable. Sauf réactions contraires, c’est malheureusement la perspective qui se profile. Il y a urgence, car seuls certains ingrédients favorables à ce scénario sont présents (l’appel à voter Macron par les élus Les Républicains et UDI), alors que d’autres éléments sont absents : l’électorat de droite est déboussolé et hostile au vote Macron et la direction du FN ne cherche pas à ostraciser les électeurs de Fillon, même si elle ne cherche pas à l’appeler.
L’auteur de ces lignes le dit ouvertement : il n’y aucune envie, dans l’électorat Fillon, de voter pour Macron. Et ce, nonobstant les sondages que l’on commence à multiplier depuis ce jeudi 27 avril pour contredire cette tiédeur. Mais il ne faudrait pas trop longtemps attendre.
Soyons honnêtes : Les Républicains restent une machine affaiblie où les militants sont souvent des élus ou des cadres. A ce rythme, c’est le danger d’une transformation en petit parti satellite qui guette la formation qui siège encore au 238 rue de Vaugirard. Cette transformation pourrait être concomitante à une réduction progressive des électeurs. Obtenir des investitures, pour un parti, n’est nullement un gage d’indépendance politique : l’UDI et les écologistes – en voie de disparition au demeurant – le savent bien… Les Républicains pourraient ainsi subir le sort de ces partis importants durant la IVe République, mais transformés en syndicats déclinants d’élus à l’instar du CNI ou des radicaux sous la Ve République, notamment après 1962. Il est vrai que les électeurs n’avaient guère résisté au siphonage gaulliste, alors qu’aujourd’hui une grande partie des électeurs de droite reste encore imperméable au macronisme triomphant. Les électeurs radicaux, démocrates-chrétiens ou indépendants ne résistèrent guère au siphonage gaulliste entamé dès 1958 et pleinement réalisé en 1962. Mais si rien n’est fait, il est à craindre que Les Républicains ne s’agrègent au magma macronien en entraînant, par ricochet, certains électeurs qui continueront à être sensibles aux consignes partisanes. Sans jeu de mots, il est possible que la macronisation soit en marche. Elle n’est pourtant pas inéluctable.
Pourtant, la réalité semble dire le contraire : jamais les électeurs de droite n’ont été aussi peu empressés de suivre les consignes des Républicains. Le malaise est si perceptible que les électeurs s’expriment ouvertement. Je n’ai pas senti, à droite, un quelconque désir de faire barrage à Marine Le Pen, sauf quand la position émane d’un cadre élevé dans la hiérarchie. Au contraire, il y a beaucoup de perplexité.
Dans une perspective de recomposition, le FN doit rapidement réfléchir. Il dispose de huit jours pour ramener le maximum d’électeurs de droite dans son giron, s’il veut précisément donner à Marine Le Pen le plus grand nombre de suffrages.
Source : Polémia
♦ Hervé Bouloire, collaborateur
politique, donne ici le point de vue d’un cadre Les Républicains sur le
second tour de l’élection présidentielle. Il craint la « macronisation »
de son mouvement. Il estime aussi que les réserves de Marine Le Pen
sont davantage du côté des électeurs de droite que de Mélenchon (dont la
moitié des voix au moins provient de l’électorat musulman ou de
l’électorat bobo, aussi peu récupérables l’un que l’autre). Encore
faudrait-il envisager des messages aux orphelins de la droite.
Polémia.
Mollement et sans conviction, les ténors des Républicains se sont mis
d’accord pour faire barrage à Marine Le Pen en appelant à voter Macron,
mais sans le dire ouvertement. Cette posture s’associe au souhait
concomitant d’une majorité législative favorable aux Républicains, ce
qui, au passage, relève de la quadrature du cercle (le choix
présidentiel est généralement confirmé par des élections législatives).
Cette attitude en dit long.L’intériorisation de la diabolisation du FN, en vogue depuis 30 ans, n’a jamais vraiment disparu. Alors que les électeurs votent de plus en plus FN et le disent explicitement, les barons de la droite restent figés dans cette attitude de rejet systématique du FN. Et plus on s’élève dans la hiérarchie, plus les oppositions au FN deviennent fortes, voire hystériques.
Ce à quoi nous assistons depuis quelques jours, c’est à la réactivation du logiciel du front républicain, non seulement périmé, mais qui risque conduire tout simplement la droite parlementaire à sa macronisation inéluctable. Sauf réactions contraires, c’est malheureusement la perspective qui se profile. Il y a urgence, car seuls certains ingrédients favorables à ce scénario sont présents (l’appel à voter Macron par les élus Les Républicains et UDI), alors que d’autres éléments sont absents : l’électorat de droite est déboussolé et hostile au vote Macron et la direction du FN ne cherche pas à ostraciser les électeurs de Fillon, même si elle ne cherche pas à l’appeler.
L’auteur de ces lignes le dit ouvertement : il n’y aucune envie, dans l’électorat Fillon, de voter pour Macron. Et ce, nonobstant les sondages que l’on commence à multiplier depuis ce jeudi 27 avril pour contredire cette tiédeur. Mais il ne faudrait pas trop longtemps attendre.
Une disparition programmée des Républicains ?
Avec peu de parlementaires, mais également moyennant un électorat réduit (les retraités pas totalement fâchés avec la mondialisation, mais qui restent attachés aux valeurs), les Républicains peuvent disparaître, coincés entre un « enmarchisme » consensuel et attrape-tout et un FN qui continue à être perçu comme un repoussoir et que le Système continuera à diaboliser. Ne pouvant peser dans un cadre bipolaire, c’est forcément vers l’un des blocs que Les Républicains risquent de tendre, avec une désagrégation rapide de la machine et des électeurs. Le risque est clair : celui que Les Républicains deviennent un satellite macronien. Cela pourrait se faire par étapes et de différentes manières, que ce soit par des appels à des « majorités de projet » (ce n’est pas seulement caressé à l’UDI), qui finiront par se pérenniser, par des ralliements d’élus en mal de strapontins ministériels ou même par des garanties accordées à tel sortant de garder sa circonscription électorale (facteur non négligeable)…Soyons honnêtes : Les Républicains restent une machine affaiblie où les militants sont souvent des élus ou des cadres. A ce rythme, c’est le danger d’une transformation en petit parti satellite qui guette la formation qui siège encore au 238 rue de Vaugirard. Cette transformation pourrait être concomitante à une réduction progressive des électeurs. Obtenir des investitures, pour un parti, n’est nullement un gage d’indépendance politique : l’UDI et les écologistes – en voie de disparition au demeurant – le savent bien… Les Républicains pourraient ainsi subir le sort de ces partis importants durant la IVe République, mais transformés en syndicats déclinants d’élus à l’instar du CNI ou des radicaux sous la Ve République, notamment après 1962. Il est vrai que les électeurs n’avaient guère résisté au siphonage gaulliste, alors qu’aujourd’hui une grande partie des électeurs de droite reste encore imperméable au macronisme triomphant. Les électeurs radicaux, démocrates-chrétiens ou indépendants ne résistèrent guère au siphonage gaulliste entamé dès 1958 et pleinement réalisé en 1962. Mais si rien n’est fait, il est à craindre que Les Républicains ne s’agrègent au magma macronien en entraînant, par ricochet, certains électeurs qui continueront à être sensibles aux consignes partisanes. Sans jeu de mots, il est possible que la macronisation soit en marche. Elle n’est pourtant pas inéluctable.
Un électorat de droite qui ne veut pas voter Macron
La consultation des réseaux sociaux est éloquente, ne serait-ce que par les nombreuses positions et les hashtags qui fleurissent, clairement hostiles au vote Macron. Les électeurs de droite fillonistes ne veulent pas voter Macron et le disent ouvertement. On le voit clairement par les critiques du probable futur président, mais également par le souhait de voter blanc, qui peut traduire un vote Marine Le Pen inavoué. Rappelons-le : le vote Macron n’est nullement le fruit de la « base » militante et sympathisante, ni un élan spontané d’une base déçue, mais seulement la stratégie de survie et de communication servile des grands barons des Républicains, qui veulent se racheter de la défaite d’un candidat qu’ils n’avaient jamais véritablement soutenus. Et c’est là une différence sensible par rapport à l’élection présidentielle de 2002 : la qualification de Jean-Marie Le Pen avait, en effet, suscité une vive réaction de la part du « peuple de gauche », alors que, cette fois-ci, le « peuple de droite » est davantage choqué par la qualification de Macron que par celle de Marine Le Pen. La différence est bien notable : l’objet de la colère est l’ancien ministre de François Hollande, non la fille de Jean-Marie Le Pen. C’est précisément un élément que le FN pourrait exploiter. La diabolisation d « Emmanuel Hollande », lancée dans les dernières semaines de la campagne de Fillon, a en partie porté ses fruits chez les électeurs de droite, lesquels résistent clairement aux sirènes du macronisme. Quant à Macron, la diabolisation du FN auquel il se livre est assez maladroite et grossière. Osons le dire : les électeurs sont plus intelligents que leurs appareils. Encore faut-il leur parler, les écouter et, surtout, ne pas les faire fuir. Car le risque est de les jeter définitivement dans les eaux macroniennes.Un appel au FN : les réserves sont aussi à droite !
A ce jour, le FN s’est limité à chercher officiellement à conquérir les électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Si l’intention est louable et la raison certainement compréhensible (des voix en faveur d’un populiste critique à l’égard de la construction européenne), l’électeur de Mélenchon est moins évident à conquérir que l’électeur filloniste. Comme pour le Macron, le vote Mélenchon se concentre surtout dans les zones urbaines, donc dans des zones déjà peu sensibles au vote pour le Front national. Le vote Le Pen et le vote Mélenchon ne sont pas toujours des votes concurrents, tant leurs clientèles sont différentes. Les couches de l’électorat Mélenchon sont mêmes variées. S’il y a encore des personnes sensibles à l’héritage ouvrier, les bobos et les minorités – le vote Mélenchon dans les cités et les banlieues pourrait s’expliquer par cet élément d’origine exogène – sont difficilement gagnables par le FN. Le bobo du XVIIIe arrondissement ou le Beur de banlieue est difficilement transformable en électeur de Marine Le Pen de second tour. Même avec la meilleure volonté du monde. Le risque est de ne retrouver, dans ce segment, que des réserves limitées (entre 5 et 10%, soit la moitié des 20% de Mélenchon), alors qu’elles restent encore importantes à droite, mais à la condition de ne pas les rétrécir et de laisser les sondages accréditer l’idée qu’ils se rétrécissent.Il faut clairement « draguer » les électeurs de Fillon
Le FN devrait lancer un appel aux électeurs de droite. Evidemment, pour faire comprendre que le vote Marine est parfaitement envisageable pour un électorat sensible aux valeurs et aux discours du FN, à l’exception de l’Union européenne et de l’euro. Autrement dit, si l’on excepte les questions économiques – qui ne font d’ailleurs pas nécessairement l’unanimité au FN – et européennes, l’électeur de droite est sensible à certains thèmes qui restent encore soulevés par le FN, même à reculons : l’immigration, le Grand Remplacement, l’ouverture incontrôlée des frontières, la soumission des élites françaises à la doxa mondialiste, etc. Au-delà, ce peut même être un discours civilisationnel, appelant aux valeurs et aux traditions. Enfin, la dénonciation des médias par le FN peut constituer un point de convergence pour les électeurs de François Fillon ; après tout, ils ont assez soupé d’une diabolisation qui a duré trois mois. C’est peu dire. François Fillon avait plutôt bien exploité ce potentiel de droite qui lui est resté fidèle jusque dans les urnes du premier tour, en se stabilisant aux alentours de 20% (le socle de François Fillon ne s’est pas écroulé, à la différence de l’électorat de Benoît Hamon, phagocyté par Macron et Mélenchon) : c’est au tour du FN de le récupérer, tant il reste encore soudé – et même consolidé par la pression médiatique –, et non de le négliger en se réfugiant dans le mirage de la conquête d’un mythique électorat antisystème unitaire. Il y a urgence.Le risque d’une catastrophe électorale et durable
Si le FN s’ingénie à se persuader qu’il n’a vocation qu’à capter le seul vote populiste, notamment de gauche, son risque est, tout simplement, de faire fuir un grand nombre d’électeurs, lesquels finiront inéluctablement par voter Macron. D’abord par résignation, puis par habitude. En macronisant des électeurs qui pourraient voter Marine, le FN prend le risque paradoxal de se marginaliser davantage. Amputé d’électeurs de droite, le FN deviendrait une formation repoussoir, répondant aux besoins du Système et enfermée dans un discours de gauche sociale, dont on a vu qu’il pouvait encore être récupéré par un candidat de gauche radicale (les gesticulations de Mélenchon l’ont bien démontré : elles se sont révélées attractives pour presque 20% des électeurs français) ; le FN n’a pas de domaine réservé, surtout quand les thèmes qu’il met en avant ne sont pas originellement les siens, à la différence de l’immigration. Quant au macronisme, gonflé aussi bien sur sa gauche que sur sa droite, il pourrait rester longtemps au pouvoir, à l’instar des socialistes suédois qui se maintinrent plus d’un demi-siècle, entre 1928 et 1996. Dans une telle perspective, privé d’une part substantielle d’électeurs, le FN pourrait, à terme, disparaître, alors qu’il a vocation à frayer avec la droite. Pour la simple et bonne raison qu’il est né à droite, et non aux confluents du PS, du PC et de l’extrême gauche. Si le FN était conforme aux canons de la gauche, il n’aurait jamais été diabolisé. Son existence révèle clairement que l’opinion est en attente d’un discours et d’une action de droite. Si cela n’avait pas été le cas, en se limitant aux seules réclamations sociales, le PCF, l’extrême gauche et le chevénementisme auraient suffi.N’attendons pas que les sondages soient trop nombreux pour préparer les électeurs de Fillon à l’idée d’un ralliement massif à Macron !
Il faut agir rapidement, car les premières enquêtes d’opinion visent à faire croire que les électeurs de Fillon voteront majoritairement Macron ! Les premières enquêtes sortent et cherchent à accréditer l’idée que les électeurs de Fillon sont plus favorables à Macron qu’à Marine Le Pen (pour Mélenchon, n’en parlons pas). Elles risquent de se multiplier dans les jours à venir pour mieux préparer les électeurs de droite à un vote massif en faveur de Macron. Les sondages ont préparé l’opinion pour les votes : ils sont en train de la préparer (ou de chercher à la préparer) pour les reports.Pourtant, la réalité semble dire le contraire : jamais les électeurs de droite n’ont été aussi peu empressés de suivre les consignes des Républicains. Le malaise est si perceptible que les électeurs s’expriment ouvertement. Je n’ai pas senti, à droite, un quelconque désir de faire barrage à Marine Le Pen, sauf quand la position émane d’un cadre élevé dans la hiérarchie. Au contraire, il y a beaucoup de perplexité.
L’élection présidentielle du 23 avril 2017 a révélé bien des surprises
L’une d’elles est que les positions et les qualifications ne sont pas acquises. Tout ce qui semblait acquis peut se briser très rapidement. François Fillon en a fait les frais, croyant que les primaires valaient ipso facto qualification au premier tour, puis élection au second. De même, le fort vote Mélenchon démontre que le FN est loin d’avoir le monopole de l’électeur contestataire antisystème. Enfin, l’arrivée rapide de l’« offre » Macron sur la scène électorale a non seulement déboussolé, mais éliminé les candidats du PS et des Républicains. Enfin, il s’en est fallu de peu que le FN soit éliminé, le 23 avril 2017, de la qualification en vue du second tour au profit des Républicains et non de Macron (le duel pour la seconde place a finalement eu lieu non entre Fillon et Macron, mais entre Fillon et Marine Le Pen, ce qui change beaucoup de choses).Dans une perspective de recomposition, le FN doit rapidement réfléchir. Il dispose de huit jours pour ramener le maximum d’électeurs de droite dans son giron, s’il veut précisément donner à Marine Le Pen le plus grand nombre de suffrages.
Source : Polémia