Le cardinal Merry del Val, plus grand secrétaire d'État du Vatican (c'est à dire Premier ministre du Saint-Siège), a légué à l'Église de bouleversantes "Litanies de l'humilité".
Le 3 octobre dernier, le cardinal Pietro Parolin célébrait une messe à Saint-Pierre de Rome à la mémoire d’un lointain prédécesseur au poste de secrétaire d’état du Vatican pour le 150e anniversaire de sa mort : le cardinal Rafael Merry del Val.Secrétaire d’État de saint Pie X de 1903 à 1914, il est issu d’une famille aussi prestigieuse que celle de son Souverain Pontife est modeste. Éduqué en Angleterre et en Belgique, polyglotte, membre de la haute aristocratie européenne, fréquentant l’élite diplomatique du continent, sa carrière à Rome est fulgurante. Il entre à l’Académie des nobles ecclésiastiques, établissement qui forme les futurs cadres de la diplomatie vaticane, obtint deux doctorats (philosophie et théologie) à l’Université pontificale grégorienne ainsi qu’une licence de droit canonique.
Un moine diplomate, cardinal à 38 ans
Il est l’envoyé du pape Léon XIII qui mène à bien les missions diplomatiques les plus délicates : jubilé de la reine Victoria, dialogue avec l’Église anglicane ou situation des catholiques du Canada. Prêtre d’une grande piété, il conjugue agilité relationnelle à la Curie et discipline de vie ascétique et monacale. Ses œuvres de charité auprès de la jeunesse défavorisée de Rome sont reconnues de tous.Il est secrétaire du collège des cardinaux en 1903 lors du conclave qui élit un quasi inconnu, Giuseppe Sarto, qui prend le nom de Pie X et le jeune Merry del Val pour secrétaire d’État. Rafael est le premier espagnol à occuper cette fonction prestigieuse. Évêque depuis moins de trois ans, il est aussitôt élevé à la pourpre cardinalice à l’âge de 38 ans.
« Ne pas faire de politique et toujours choisir la voie droite »
L’histoire des relations entre un Pape et son secrétaire d’État (véritable « Premier ministre ») est si riche en rebondissements, que l’entente harmonieuse et efficace qui régna entre les deux hommes fait figure de bienheureuse exception. Pourtant, l’Histoire ne fut pas tendre avec l’Église sous le pontificat du pape Pie X mais la loyauté du cardinal Del Val ne se démentit jamais. Lois de 1905 en France privant l’Église de ses biens, persécutions religieuses au Portugal et en Amérique latine, crise moderniste… en dépit des difficultés, la politique du Saint-Siège fut de ne « pas faire de politique et de toujours choisir la voie droite ».À la mort de Pie X en 1914, il est remplacé par son successeur Benoît XV qui le nomme secrétaire de la Congrégation du Saint-Office (équivalente aujourd’hui à celle de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi). Poste qu’il occupera pendant 16 ans.
Retiré des affaires politiques de l’Église, le cardinal avait composé une très belle litanie de l’humilité qu’il récitait chaque jour après la célébration de la Sainte Messe :
V. O Jésus, doux et humble de cœur, R. Rendez mon cœur semblable au vôtre.
De ma volonté propre, délivrez-moi, Seigneur
Du désir d’être estimé,
Du désir d’être affectionné,
Du désir d’être recherché,
Du désir d’être honoré,
Du désir d’être loué,
Du désir d’être préféré,
Du désir d’être consulté,
Du désir d’être approuvé,
Du désir d’être compris,
Du désir d’être visité,
De la crainte d’être humilié,
De la crainte d’être méprisé,
De la crainte d’être rebuté,
De la crainte d’être calomnié,
De la crainte d’être oublié,
De la crainte d’être raillé,
De la crainte d’être soupçonné,
De la crainte d’être injurié,
De la crainte d’être abandonné,
De la crainte d’être refusé,
Que d’autres soient plus aimés que moi, Accordez-moi, Seigneur, de le désirer
Que d’autres soient plus estimés que moi,
Que d’autres grandissent dans l’opinion et que je diminue,
Que d’autres soient loués et que je sois oublié,
Que d’autres soient employés et que je sois mis de côté,
Que d’autres soient préférés en tout,
Que d’autres soient plus saints que moi,
Pourvu que je le sois autant que je puis l’être,
D’être inconnu et pauvre, Seigneur, je veux me réjouir,
D’être dépourvu des perfections naturelles du corps et de l’esprit,
Qu’on ne pense pas à moi,
Qu’on m’occupe aux emplois les plus bas,
Qu’on ne daigne même pas se servir de moi,
Qu’on ne me demande jamais mon avis,
Qu’on me laisse à la dernière place,
Qu’on ne me fasse jamais de compliment,
Qu’on me blâme à temps et à contretemps,
V. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, R. Car le Royaume des Cieux est à eux.
Prions
Mon Dieu, je ne suis que cendre et poussière. Réprimez les mouvements d’orgueil qui s’élèvent dans mon âme. Apprenez-moi à me mépriser moi-même, vous qui résistez aux superbes et qui donnez votre grâce aux humbles. Par Jésus, doux et humble de Cœur. Ainsi soit-il.
Source