Ça y est, les Décodeurs du Monde ont rendu leur verdict :« Diversité ethnique : le gouvernement Philippe ne fait pas mieux que les précédents. » Peu importe que les ministres et secrétaires d’État soient compétents ou non, ce gouvernement n’est pas assez ethniquement divers.
Il est vrai que les Décodeurs n’ont pas vocation à se prononcer sur la compétence de ministres qui n’ont encore rien fait. Car les Décodeurs sont des gens sérieux. L’impartialité est leur impératif catégorique, et leur devise « Venons-en aux faits ».
Or, il existe apparemment des faits qui permettent aux Décodeurs d’affirmer qu’Édouard Philippe s’est montré trop peu ouvert à la diversité : « Autour de 9 % de ses membres appartiennent à une minorité ethnique, selon nos calculs. » Ce pourcentage approximatif, plus anonyme, doit être moins stigmatisant qu’un nombre. Ou avoir un air plus scientifique. Mais « selon nos calculs » manque un peu de rigueur.
C’est que, la loi interdisant les statistiques ethniques, les Décodeurs ont dû bâtir les leurs sur l’« origine perçue » (sic !) des ministres.
Pas très scientifique mais, à l’échelle d’un gouvernement, une erreur de perception (qui, certes, fausserait considérablement le chiffre) est assez peu probable. À l’échelle du pays, c’est une autre histoire, et eux-mêmes sont obligés d’avouer que, tandis que, selon un sociologue, « grosso modo, près de 20 % de la population vivant en France peut être perçue comme non blanche, […] d’autres évaluent cette part de la population plutôt autour de 11 % ». Auquel cas, les 9 % du nouveau gouvernement seraient, en définitive, assez représentatifs de la composition de la population française. C’est tout le drame du politiquement correct : comment dénoncer des discriminations que votre propre idéologie vous empêche, par ailleurs, de prouver ?
Mais ce chiffre, satisfaisant ou non, masquerait de toute manière d’autres inégalités : « Les personnes issues des minorités ethniques occupent davantage des postes de secrétaire d’État que de ministre », plus prestigieux. Sans oublier que « la grande majorité des membres du gouvernement issus de minorités ethniques est […] constituée de femmes ». En effet, « lorsqu’il s’agit de composer un gouvernement en donnant à la fois plus de place aux personnes de couleur et aux femmes […], il est plus “économique” […] de faire se superposer les deux catégories : minorités et genre […], explique Didier Fassin ». Des économies qui nous ont quand même valu Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem… Cette discrimination sournoise du monde politique, finalement plus bien-disant que bien-pensant et bien-faisant, semble néanmoins une explication convaincante.
Mais les Décodeurs en ont une autre, celle de Louis-Georges Tin, le président du CRAN : « De manière plus ou moins consciente, les sociétés occidentales voient les hommes noirs ou arabes comme un groupe quelque peu anxiogène, cette mentalité collective étant toujours prisonnière des représentations coloniales, ou néocoloniales. » À moins que les Occidentaux n’aient lu les journaux ou regardé la télé ces dernière années…
Christine Célérier