La chasse aux abuseurs sexuels se
transforme pour certains en lynchage des hommes hétérosexuels, tous
accusés d’être des agresseurs sexuels en puissance. Virginie Vota
analyse cette aberration.
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vendredi 30 mars 2018
Jean Parvulesco. Les aventuriers de l'esprit
Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale
Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale
par Laurent James
Ex: http://parousia-parousia.blogspot.com
Le Comité Jean Parvulesco a l’honneur d’être l’un des organisateurs de ce colloque de Chisinau (Moldavie).
Ce Comité a été fondé par les descendants de Jean Parvulesco, Constantin et Stanislas (co-auteurs du texte de cette intervention) en date du 12 novembre 2016 à Câmpulung-Muscel, en Roumanie, non loin de Pitești, lieu de naissance de l’écrivain Jean Parvulesco (et jumelée avec Chișinău). Un service religieux orthodoxe fut alors célébré en l'église princière du Monastère de Negru Voda, commémorant le décès de Jean Parvulesco survenu le 21 novembre 2010, à l’intention à la fois du repos de son âme, de l’unité de l’Eglise et de la plus grande Europe. Une réunion fut ensuite tenue sur le thème : "Les racines spirituelles de la grande Europe eurasiatique".
(Une publication de ces allocutions est présentement en cours, il est possible d'en commander un exemplaire sur le lien suivant : https://www.lepotcommun.fr/pot/0u22zl5r ).
Ce thème a été la ligne de fond de toute sa pensée, aussi bien poétique que géopolitique, affirmée au cours de ses nombreux textes et ouvrages, dont certains sont actuellement en cours de traduction en langues roumaine et russe.
Il est parfois difficile pour nombre d’entre nous d’établir un lien direct entre la spiritualité et la politique. On se souvient que Charles Péguy craignait que « la mystique soit dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ». Or, il est fort possible que nous nous trouvions aujourd’hui à une époque si particulière que ce soit au contraire la politique qui donne naissance à la mystique, et afin précisément de pouvoir être dévorée par celle-ci.
Ou, dit autrement : les événements politiques majeurs de notre temps sont tous concernés directement par la spiritualité, et de plus en plus, car la politique se débarrasse aujourd’hui complètement de l’idéologie pour entrer tête la première dans la géopolitique. Et, comme l’écrivait Jean Parvulesco en 2005 : « C’est la géopolitique en tant qu’expérience gnostique abyssale de l’histoire qui en pose les buts ultimes, et tend en avant les ultimes raisons eschatologiques en action ». Ou alors, de manière encore plus claire : « La géopolitique transcendantale est, en effet, une mystique révolutionnaire en action ».
Deux événements très importants eurent lieu en Europe durant la même période que la fondation du Comité Jean Parvulesco en fin d’année dernière, deux événements politiques absolument opposés l’un à l’autre.
L’élection de M. Igor Dodon à la présidence de la Moldavie d’une part, et la transformation du Régiment Azov en parti politique à Kiev, le 14 octobre 2016, d’autre part. Une dénommée « Marche de la Nation » menée par Azov, Praviy Sektor, C14 et d'autres formations nationalistes a alors réuni plusieurs milliers de personnes dans les rues de la capitale ukrainienne.
Ces deux événements témoignent de la présence réelle, dans le champ politique européen, de deux pôles spirituels absolument opposés entre eux, deux ennemis irréconciliables dont la lutte sans merci se tient depuis les origines de l’humanité.
D’abord un pôle continental anti-atlantiste, régi par la volonté d’unification de destin des peuples eurasiatiques, porté par une foi vivante et agissante, catholique à l’ouest et orthodoxe à l’est, un pôle d’obédience christique et mariale pour lequel Jean Parvulesco a combattu durant sa vie entière.
Et puis, en face, un pôle violemment nationaliste, en réalité dépendant intégralement des forces atlantistes.
Les discours tenus publiquement par les dirigeants du Corps National, la branche politique du mouvement Azov, évoquent ouvertement une volonté d’en finir avec l’Eglise et toutes ses valeurs. Les textes théoriques et publics des intellectuels d’Azov, tels que Olena Semenyaka, coordinatrice du projet « Reconquista Azov » et membre du service de presse du Parti, mettent en avant une conception gnostique et anti-cosmique du monde basée sur le rejet absolu de l’idée messianique chrétienne au service intégral des Dieux des profondeurs. Ils estiment que le monde moderne, qu’ils prétendent combattre sans merci, est symboliquement incarné par le christianisme. Différentes modalités de la Voie de la Main Gauche sont proposées dans ses textes afin de faire intégrer la musique Black Metal et ses valeurs « nationalistes et chthoniennes » dans l’espace politique de l’assemblée de Kiev. Ces modalités peuvent être (je cite) : l’athéisme radical et nihiliste, l’occultisme, le satanisme théiste, et les cultes païens archaïques reliés à l’« aryano-luciférianisme ».
Je rajoute que le 17 mars 2017, un Manifeste politique national pan-ukrainien a été signé à la Maison des professeurs à Kiev entre les responsables des forces nationalistes les plus importantes du pays. Parmi les vingt points du Manifeste se trouve ceux-ci :
« Reconnaître la fédération de Russie comme un pays agresseur à tous les niveaux de la diplomatie internationale. » ; « Reconnaître juridiquement certaines zones des régions de Donetsk et Louhansk comme des territoires occupés et développer un véritable plan pour libérer la Crimée et le Donbass de leurs occupants. Procéder immédiatement à la mise en œuvre d’actions concrètes allant de la reconnaissance militaire et du sabotage à la guerre économique et de l’information. » ; « Assurer à la langue ukrainienne le statut de langue d’État unique. ». Le texte de ce véritable manifeste de guerre ouverte a été déclamé par le chanteur du célèbre groupe de rock gothique ukrainien Komu Vnyz.
Il faut bien comprendre que ces mouvements ne se déclarent pas anti-eurasistes, dans la mesure où ils estiment être les seuls véritables pan-européens, revendiquant l’héritage de la Révolution Conservatrice. C’est la vieille tradition bien connue de l’inversion des paramètres : le vrai soleil c’est la lune, l’enfer est la porte du paradis, etc.
Nous comprenons donc aisément que ces deux pôles politiques très récemment inscrits dans l’espace européen sont la face visible de deux pôles spirituels antagonistes : le premier pôle est christique, ecclésial et favorable à la notion d’Empire comme serviteur du Christ, basé sur un faisceau d'alliances pacifiques entre souverainetés européennes et une synergie économique au service de l'homme, un Empire de la Paix ; le second pôle peut également être favorable à l’Empire mais avec une finalité toute différente, c’est l’Empire du Dragon détourné du Christ et résolument hors de l’Eglise, un pôle nationaliste par idolâtrie et ouvertement luciférien.
Les ramifications françaises du luciférianisme sont également très importantes, et elles ne sont pas près de faiblir depuis que la carte du Tarot « Le Pendu » vient d’être élue président de la République, l’envoyé des profondeurs parrainé par le maître Barack Obama.
On évoque toujours, à juste titre, la Révolution française, mais ces événements sont également la prolongation directe de la Révolution américaine, dont les Pères fondateurs n’étaient absolument pas chrétiens. Thomas Paine, qui en fut l’inspirateur, publia après celle-ci « The Age of Reason » qui constitue une des plus violentes attaques jamais écrites contre la Bible et les Evangiles. Il y dénonce la conception virginale du Christ, et écrit des phrases comme :
« Ce n’est pas un Dieu, juste et bon, mais un diable, sous le nom de Dieu, que la Bible décrit ».
« Un bon maître d’école est plus utile qu’une centaine de prêtres ».
« Le Vatican est un poignard au cœur de l’Italie ».
ou encore des professions de foi progressistes comme : « La nature humaine n’est pas vicieuse d'elle-même ».
Une véritable littérature de Pendu par les pieds, d’homme à l’envers.
Un écrivain russe encore trop peu connu en France a donné des prédictions qui correspondent tout à fait à notre monde contemporain. Il s’agit de Daniel Andreiev, qui prévoit dans son ouvrage « Roza Mira » (La Rose du Monde), écrit en prison sous Staline et parfois comparé à la Divine Comédie, la transformation des Etats nationaux en machines infernales, en centrales de production d’énergie négative.
Le seul avantage de notre époque repose sur le fait que la visibilité politique de ces deux pôles spirituels (l’un christique et l’autre luciférien) soit d’une clarté absolue. Néanmoins, la dernière chance pour certains est de tenter d’introduire la confusion et de mélanger ces deux pôles, ou plutôt de les inverser, et ceci au seul bénéfice du mal, bien entendu. L’inversion des paramètres dont je parlais à l’instant.
Il y a le détournement en Ukraine du principe de la Révolution Conservatrice par des nationalistes autoproclamés lucifériens. Et puis, en ce moment même, a lieu en France une tentative de récupération de Jean Parvulesco au service intégral de la puissance des ténèbres, essayant d’inverser sa pensée et de le faire passer pour un membre de la secte des Adorateurs du Serpent, c’est-à-dire un contempteur des religions assimilées à des égrégores dégénérés et des vampires psychiques, un ennemi absolu des trois monothéismes vus comme des trahisons de la spiritualité première, un opposant radical au processus de la création démiurgique et un gnostique fidèle de Lilith l’avorteuse.
Notre grand écrivain catholique, notre grand visionnaire de l’Empire Eurasiatique du Saint-Esprit a écrit de nombreux textes très clairs sur toutes ces questions, et notamment deux que l’on peut trouver dans « Le Retour des Grands Temps ». Il pressentait sans doute déjà, de son vivant, l’éventualité d’une telle malversation.
Il est beaucoup plus simple d’attendre qu’un écrivain soit mort pour lui faire dire le contraire de ce qu’il a toujours dit.
La notion d’Empire défendue tout au long de sa vie par Jean Parvulesco ne doit pas être confondue avec la volonté d’hégémonie politique au service d’un seul pays.
D’abord, il livre un appel à ce que (je cite) « les uns et les autres nous trouvions comment revenir à la vision contre-révolutionnaire de l’Empereur Mystique, le grand Alexandre Ier, et de la Sainte Alliance des Trois Empires chrétiens, l’Empire d’Allemagne, l’Empire d’Autriche et l’Empire Russe, ce qui revient à prévoir à terme l’intégration du catholicisme et de l’orthodoxie en une seule instance impériale de présence et de témoignage de vie au sein d’une même et seule structure impériale d’Eglise ».
N’oublions pas que Guillaume II, qui se considérait lui-même comme l’Empereur de l’Atlantique, appelait son cousin Nicolas II, l’Empereur du Pacifique.
« Ainsi les actuelles retrouvailles nuptiales de la Russie et de l’Europe vont-elles devoir imposer le retour du sacré vivant au sein de la communauté impériale grand-continentale », écrivait encore Jean Parvulesco.
L’Empire est la structure naturelle de toute organisation communautaire. Il est basé sur le principe de subsidiarité : tout ce qui peut être réglé politiquement par la base doit être réglé par la base.
Ce sont les communautés naturelles qui régissent elles-mêmes leur propre organisation, l’économie de leur territoire.
Le principe de l’Empire est celui de l’unité suprême au sommet, et de l’hétérogénéité à la base.
On retrouve le principe spirituel de la monarchie, liée à une logique organique de la vie des peuples, et qui fait qu’un empire est naturellement lié à la notion de civilisation.
Le philosophe catholique et anti-communiste Jean Daujat a parfaitement décrit la manière dont les corporations de métiers des XIIè et XIIIè siècles en France furent codifiés par Saint Louis, mais pas organisés ni dirigés par celui-ci. « Ce qui couronnait tout l’intense mouvement de la vie sociale du XIIIè siècle était l’inspiration chrétienne de la politique mise au service du règne du Christ dans l’ordre temporel dont les souverains se considéraient comme les ministres », écrit-il. Et encore : « Tous les rois de France, en étant sacrés à Reims, s’engageaient à préserver le peuple contre toutes rapines et iniquités. »
Des événements historiques tels que la querelle des Investitures puis, bien plus tard, le Traité de Westphalie, ont engendré la dislocation des Empires, et conséquemment de leurs spiritualités, puis l’avènement des nations athées et orgueilleuses qui se sont toutes mises à guerroyer les unes contre les autres. Au seul bénéfice intégral de la puissance financière régnant sur le chaos.
Personne ni aucun peuple ne doit être identifié ni s’identifier lui-même au pouvoir impérial. Le pouvoir impérial n’est pas l’attribut d’une nation, mais un attribut divin prêté et repris au souverain. Et il a pour seule fin le service des communautés.
Aucun pays européen, aucune nation européenne n’a hérité de l’Empire de Rome. C’est l’Eglise elle-même qui en a hérité, comme l’a bien expliqué Soloviev dans son ouvrage « La Russie et l’Eglise Universelle », où il écrit les phrases suivantes :
« Les grandes puissances du monde ancien n’ont fait que passer dans l’histoire : Rome seule vit toujours. La roche du Capitole fut consacrée par la pierre biblique, et l’empire romain se transforma en la grande montagne qui, dans la vision prophétique, était née de cette pierre. Et la pierre elle-même, que peut-elle signifier, sinon le pouvoir monarchique de celui qui fut appelé Pierre par excellence et sur qui l’Église Universelle — cette montagne de Dieu — fut fondée ? »
L’Eglise est une et indivisible, à la fois catholique (universelle dans l’espace) et orthodoxe (permanente dans le temps).
L’Empire et l’Eglise sont donc indissolublement liées l’un à l’autre.
C’est ce que démontre avec superbe Dante dans son De Monarchia.
Je terminerai ma courte allocution en citant une phrase très significative de Jean Parvulesco, extraite d’une conférence donnée à Neuilly le 20 décembre 1994, titrée « La signification suprahistorique du massacre des Romanov ». Cette phrase permettra d’effectuer une ouverture à la fois sur nos origines les plus lointaines et sur la thématique précise de notre colloque.
« Ainsi que l’observait Guido Giannettini dans un de ses essais géopolitiques d’avant-garde, pour la première fois depuis des temps indéfinis, depuis la fin même, peut-être, du néolithique, les hommes d’un même sang et appartenant à la même vision fondamentale de l’être et du monde, à une même civilisation profonde, se retrouvent à nouveau ensemble, prêts à intégrer l’ancienne unité de leur prédestination commune, de l’Atlantique au Pacifique. »
https://www.geopolitica.ru/fr/studio/jean-parvulesco-et-l...
http://www.estica.eu/article/jean-parvulesco-si-geopoliti...
http://flux.md/opinii/jean-parvulesco-si-geopolitica-tran...
Source
An evocation of Ludwig Klages
An evocation of Ludwig Klages
by Thierry Durolle
Some of us would think that Friederich Nieztsche would represent the zenith of this movement, whose ideas would consist of a « surhumanism », as per the Italian thinker Giorgio Locchi’s writtings. For sure Nietzsche is a good start so to speak and he obviously influenced and will influence a lot people out there. Thinking of Nietzsche’s heirs, the names of Oswald Spengler and Ludwig Klages immediately come to mind. If the first one became famous with his Decline of the West, Ludwig Klages remains quite unknown to some.
Ludwig Klages was a one-of-a-kind brilliant man who is firstly known for his graphology work. But it is his philosophical work especially which deserves our attention. In fact, Klages belongs to what used to be called Lebensphilopsohie, a term that applies to Nietzsche’s. One thing they share is this dionysiac view on life which is often called « biocentric » when applied to Klages’ philosophy. His anti-christianity is another common point with Friedrich Nietzsche, and the same goes for a genre of paganism, or pantheism, shared by both philosophers.
Nevertheless, Nietzsche’s famous concept of Wille zur Macht (Will to Power), a concept often misunderstood, does not meet Ludwig Klages’ approval. Indeed, he considers it to be a spark which lit the fire of modern technician craziness - working hand in hand with the worst kind of capitalism at some point. For if Klages is against capitalism, in a wider view, he is against liberalism in general. One important criticism he addresses to both technician and capitalist systems is the destructive effect they both exert on nature.
Ludwig Klages is to be considered as a pioneer of ecology. In 1913, he delivered a speech which was later turned into a small book called Man and Earth. In his speech, Klages foresaw the future devastation caused by capitalism on nature such as the animal extinction, the alienation of the producer/consumer system and even mass tourism. This text must be read by any Right-Wing ecologist.
Thanks to Arktos, glimpses of Ludwig Klages work are now available to the public in English in the form of two books. The first one - entitled Ludwig Klages The Biocentric Worldview - consists of a collection of selected texts which stress the author’s biocentrism. The second one - Ludwig Klages Cosmogonic Reflections - is a collection of aphorism. Both books contain foreword by Joseph D. Pryce who excellently introduce the reader to Ludwig Klages. The reading of Ludwig Klages texts completes those written by Nietzsche and Spengler in a poetic manner typical of Germany’s best authors.
Source
Dans l’antre du Minotaure
Dans l’antre du Minotaure
par Georges FELTIN-TRACOL
Ex: http://www.europemaxima.com
En 2014, les éditions Le Cercle publient Le Minotaure planétaire. L‘ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial,
de Yanis Varoufakis, un professeur d’économie gréco-australien qui a
participé à la rédaction de la partie économique du programme de Georges
Papandréou, futur Premier ministre socialiste grec entre 2009 et 2011.
L’auteur ne sait pas encore qu’il rencontrera souvent ce Minotaure au
cours de ses 162 jours de ministre grec des Finances.
Yanis Varoufakis raconte dans Conversation entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe
cette brève expérience ministérielle et les négociations âpres avec
l’Eurogroupe, la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire
international (FMI), la Commission européenne et ses homologues, en
particulier avec le plus puissant d’entre eux, l’Allemand Wolfgang
Schäuble, qui en découlent. Il offre ainsi un témoignage de première
main sur les mécanismes de ce qu’on croit être l’« eurocratie ». On
reste cependant confondu devant sa naïveté et son absence de sens
politique. L’« Homme de connaissance » se mue rarement en « Homme de
puissance »…
Extérieur à Syriza dont il désapprouve publiquement le projet économique et affligé par l’alliance scellée avec les souverainistes des Grecs indépendants,
Yanis Varoufakis se revendique libéral-démocrate, progressiste,
pro-européen et humaniste. C’est par amitié pour Alexis Tsipras et par
devoir envers ses compatriotes pressurés et appauvris qu’il accepte
cette mission impossible : renégocier la dette de la Grèce. Il croit
bénéficier de l’appui total du jeune et nouveau Premier ministre de
gauche radicale. Or, dès son entrée en fonction, il apprend que son
ministère dépend d’un ministère de l’Économie dont le titulaire n’est
autre que le vice-Premier ministre, très lié à certains milieux
bancaires. On lui impose ensuite un directeur de cabinet, véritable œil
du parti à ses côtés. Varoufakis reconnaît volontiers « avoir été
aveugle à une réalité aussi dure et déplaisante (p. 302) ».
En Grèce néo-colonisée
Son
livre est poignant quand il mentionne les souffrances endurées par
l’héroïque peuple grec. Celles-ci résultent des recommandations de la troïka
(la BCE, le FMI et la Commission européenne). Cette officine guère
respectable s’indigne de la diminution du traitement des
haut-fonctionnaires grecs qui la servent, mais exige la suppression
immédiate des aides financières aux plus défavorisés, la réduction du
montant des pension des retraités, la hausse des taxes et le paiement
immédiat des impôts par des entreprises exsangues. Les versements
consentis à la Grèce en font selon l’expression de l’auteur un «
Renflouistan » ! Il s’agit en réalité d’une « économie de la canonnière
».
Yanis
Varoufakis dénonce l’indéniable processus de colonisation 2.0 de son
pays par l’engeance financière cosmopolite. Par exemple, «
l’administration fiscale grecque est un des exemples les plus sidérants
de régime néocolonial des temps modernes (p. 172) ». En pratique, « le
directeur de l’administration [fiscale et douanière] devait désormais
être approuvé par la troïka et ne pouvait être renvoyé sans son
approbation (p. 57) ». Pis, « certains départements des
ministères-gruyères envoyaient d’abord leurs données et leurs documents à
la troïka, qui les approuvait, et seulement ensuite à leur ministre. Comme si ce n’était pas assez, la troïka
exigeait le droit d’envoyer des émissaires à Athènes, lesquels se
rendaient dans les mêmes ministères et rassemblaient des données qu’ils
triaient et vérifiaient avant que nous ne les ayons vues (pp. 307 – 308)
». Après juillet 2015, toutes les lois votées par la Vouli, le Parlement monocaméral, devront être en préalable approuvées par la troïka.
Certes,
« l’insuffisance du développement, la mauvaise gestion et la corruption
endémique de la Grèce expliquent sa fragilité économique permanente (p.
32) ». Il est possible d’y remédier alors que « son insolvabilité, plus
récente, est due aux défauts de fabrication fondamentaux de l’Union
européenne et de son union monétaire, autrement dit l’euro. À l’origine,
l’Union européenne était un cartel de grandes entreprises conçu pour
limiter la concurrence entre les principales industries lourdes d’Europe
et s’assurer des marchés dans les pays périphériques – l’Italie et,
plus tard, la Grèce. Les déficits de pays comme la Grèce étaient le
reflet des excédents de pays tels que l’Allemagne. Tant que la drachme
était sous-évaluée, les déficits étaient maîtrisés. Mais le jour où la
drachme a été remplacée par l’euro, les prêts des banques françaises et
allemandes ont envoyé les déficits grecs dans la stratosphère (p. 33) ».
Yanis Varoufakis explique qu’avec les difficultés hellènes, «
l’austérité révèle sa vraie nature : une politique économique de l’échec
fondée sur un moralisme immoral (p. 51) » parce que le renflouement de
la Grèce organisé sous la présidence de Sarközy « faisait reposer le
plus gros du sauvetage des banques françaises et allemandes sur les
contribuables de nations plus pauvres que la Grèce, par exemple la
Slovaquie et le Portugal. Ces contribuables-là, de même que ceux de pays
co-fondateurs du FMI comme le Brésil et l’Indonésie, seraient
contraints, à leur insu, de virer de l’argent aux banques de Paris et de
Francfort (pp. 36 – 37) ». Les médiats de propagande ont-ils répercuté
cette information ? Non, car, comme le dit le président aviné de la
Commission européenne, Jean-Claude Juncker : « Quand les choses
deviennent sérieuses, il faut mentir (p. 35). » Sinon la vérité aux
peuples contribuables serait insoutenable d’autant que « plus un
banquier est insolvable, surtout en Europe, plus il a de chances de
s’approprier des parts importantes des revenus de tous les autres – :
ceux qui triment, ceux qui innovent, les pauvres et, bien entendu, ceux
qui n’ont aucun pouvoir politique (p. 38) ». Les petites frappes de la
délinquance quotidienne devraient devenir des criminels de haut vol
intouchables, c’est-à-dire des banksters.
Ses
compétences économiques et son ignorance des codes de la
politique-spectacle font de Yanis Varoufakis une proie facile pour la
désinformation bankstériste. Contre lui, « la machine de
propagande de Bruxelles fonctionnait à plein régime (p. 287) ». Sachant
que les « banquiers ont simplement pris le relais et financé les médias
afin de manipuler l’opinion publique, donc de contrôler le jeu
politique, qui lui permettait de garder les commandes des banques en
faillite. Cela dit, contrairement aux promoteurs, ils ont été assez
astucieux pour éviter de devenir propriétaires de chaînes de télévision
et de journaux déficitaires. Ils ont maintenu en vie les médias en leur
offrant des clopinettes en échange de publicités pour leurs banques (p.
66) », il estime qu’« à l’heure où l’establishment dit libéral se récrie face aux fake news de l’alt-right en pleine insurrection, il est utile de se rappeler que, en 2015, ce même establishment
a lancé une campagne de retournement de la vérité et de diffamation
terriblement efficace contre le gouvernement pro-européen et
démocratiquement élu d’un petit pays européen (p. 10) ». La
revendication du credo libéral n’est pour lui qu’un prétexte.
Critique envers « les télé-évangélistes de l’asservissement (p. 164) »,
Varoufakis considère qu’« un establishment qui exploite sans
vergogne des contre-vérités pour annuler un mandat démocratique et
imposer des politiques dont ses propres fonctionnaires savent qu’elles
ne sont pas efficaces ne saurait être qualifié de “ libéral ” (p. 476)
». Tout sera mis en œuvre pour briser cet opposant farouche « aux prêts
en série insoutenables qui maquillent une faillite pour en faire un
problème d’illiquidité (p. 46) ».
De féroces descriptions
Certains
portraits croqués dans ce livre sont féroces. L’auteur se surprend de
découvrir le socialiste Michel Sapin, ministre français des Finances,
tout ignorer de la langue anglaise, maîtriser plus qu’imparfaitement les
arcanes économiques et montrer une incroyable duplicité à son égard :
cordial en privé, cassant devant les journalistes et les officiels. « La
comédie de Michel Sapin était à l’image de ce qui ne fonctionne pas
dans la République française (p. 198). » Quelques instants plus tôt, le
même Sapin lui avait déclaré : « – Yanis, il faut que vous compreniez.
La France n’est plus ce qu’elle était (p. 198). » Que voulait dire le
vieux pote de « Flamby » ?
Au
fil de ses rencontres électriques avec le président de l’Eurogroupe, le
ministre néerlandais Jeroen Dijsselbloem, Varoufakis le trouve « encore
plus vil que d’habitude (p. 429) ». Son jugement cinglant embrasse les
socialistes français et les sociaux-démocrates allemands qui « n’ont
cessé de se contredire, entre promesses creuses et vaines paroles (p.
397) ». L’auteur éprouve en revanche un véritable respect pour Wolfgang
Schäuble. Ce partisan implicite du Grexit pense que « des
élections ne sauraient changer une politique économique (p. 241) ». À
quoi bon alors en organiser et ensuite tenter d’exporter ailleurs les «
démocraties » occidentales ? Schäuble jette un temps le masque et se
montre tel qu’il est : libéral et sécuritaire. Ancien du FMI et
collaborateur de Varoufakis, Glenn Kim présente dans un courriel la
personnalité de Schäuble qui « déteste au plus haut point les marchés.
Pense qu’ils sont contrôlés par les technocrates. […] C’est un
européiste ardent. Il croit au destin d’une Europe à l’allemande (pp.
216 – 217) ». L’auteur évoque un esclandre lors d’une réunion
ministérielle, le 16 avril 2015. Ce jour-là, Michel Sapin envoie paître
Schäuble qui envisageait accroître l’influence de la troïka au sein de l’Eurolande. En effet, « Wolfgang Schäuble rêvait de voir la troïka
dicter sa loi à Paris (p. 479) ». Ce n’est que partie remise. L’auteur
se montre en revanche assez bienveillant envers la directrice générale
du FMI, Christine Lagarde, et couvre d’éloges Emmanuel Macron.
Yanis Varoufakis n’approuve pas le Grexit autant de la Zone euro que l’Union pseudo-européenne. Il cherche plutôt une « politique de désobéissance constructive
au sein de l’Union européenne. […] La seule alternative possible à la
dystopie qui se met en place à mesure que l’Europe se désintègre (p.
481) ». Il soumet donc à la troïka plusieurs plans, mais elle «
refusait systématiquement nos propositions sans en avancer une seule de
son côté (p. 348) », non seulement pour des motifs techniques ou
politiques, mais parce qu’il comprit bientôt que « ce que tous ces
hommes avaient en commun : c’étaient tous des transfuges de Goldman
Sachs (p. 244) ! » Cela expliquerait-il l’absence de vision politique
dans les instances européennes et leur neutralisation par des procédures
loufoques ? « La démocratie était morte le jour où l’Eurogroupe avait
obtenu le pouvoir de dicter leur politique économique à des États privés
de toute souveraineté fédérale démocratique (p. 241). » L’auteur
apprend ainsi qu’il ne peut pas distribuer le moindre document de
travail informel à ses homologues de l’Eurogroupe sous peine que ce
papier soit ensuite débattu au Bundestag. Et si Varoufakis
l’envoie en pièce jointe par courriel, il romperait le protocole et le
document en question ne serait pas pris en compte ! L’inertie comme
direction du désordre…
Yanis
Varoufakis déplore en particulier le juridisme tatillon et les pesants
rituels qui paralysent les séances de l’Eurogroupe et du conseil
européen des ministres. Il apprend vite que les fonctionnaires européens
lui mentent, le prennent de haut et ne lui communiquent jamais les
documents officiels. Il regrette que la rédaction du communiqué final de
l’assemblée soit plus importante que les choix adoptés (ou non). Il
s’étonne de règles qui contreviennent aux propres valeurs de la
démocratie délibérative. Le président de l’Eurogroupe introduit le
sujet; il donne ensuite la parole respectivement aux représentants de la
Commission européenne, du FMI et de la BCE; il laisse enfin s’exprimer
dans un temps imparti relativement court les ministres. « Un spectateur
impartial et sensé en conclurait que l’Eurogroupe n’est là que pour
permettre aux ministres de valider et légitimer les décisions prises en
amont par les trois institutions (p. 238). »
L’Eurogroupe existe-t-il vraiment ?
«
Les représentants de l’Europe officielle sont formatés pour exiger des
ministres, des Premiers ministres, même du président de la France,
qu’ils plient dès les premières menaces des gros bras de la BCE (p.
176). » La réalité est plus féroce encore. Jeroen Dijsselbloem ose
tancer Pierre Moscovici, le Commissaire aux Affaires économiques et
financières, ce qui « trahissait l’inféodation de la Commission à des
forces qui manquent de fondement légal ou de légitimité démocratique.
[…] Par la suite, chaque fois que [… Pierre Moscovici] ou Jean-Claude
Juncker essaieraient de nous aider, j’avais des frissons parce que je
savais que ceux qui détenaient le pouvoir nous taperaient dessus sans
pitié pour leur montrer l’exemple et remettre la Commission européenne à
sa place (p. 265) ». Exaspéré, Varoufakis balance à Christine Lagarde :
« Quand la BCE s’acoquine avec des banquiers corrompus et corrupteurs
qui sabotent sciemment la démocratie, ça s’appelle une action ennemie
(p. 362) ».
Les
souvenirs de l’auteur prouvent que ministricules et bureaucrates font
en sorte d’exclure et de nier tout cadre politique avec la ferme
intention de mettre sur le même niveau fonctionnaires de la troïka
et membres de gouvernement. « Les discussions techniques et les
discussions politiques doivent être fusionnées et organisées au même
endroit (p. 378) », affirme Pierre Moscovici. Le 27 juin 2015, suite à
sa demande, le secrétariat de l’Eurogroupe lui répond que « l’Eurogroupe
n’a pas d’existence légale, dans la mesure où il ne relève d’aucun des
traités de l’Union. C’est un groupe informel réunissant les ministres
des Finances des États membres de la la zone euro. Il n’existe donc pas
de règles écrites sur ses procédures que son président serait tenu de
respecter (p. 441) ». C’est exact, mais la reconnaissance de son
caractère informel invalide toutes les restrictions que Jeroen
Dijsselbloem a imposées à Yanis Varoufakis ! Oui, « l’Eurogroupe est une
drôle de créature. Les traités européens ne lui confèrent aucun statut
légal, mais c’est le corps constitué qui prend les décisions les plus
importantes pour l’Europe. La majorité des Européens, y compris les
politiques, ne savent pas exactement ce que c’est, ni comment il
fonctionne (p. 237). » L’auteur s’aperçoit que « le Groupe de travail
Eurogroupe (EWG) [est] sur le papier […] l’instance au sein de laquelle
se préparent les réunions de l’Eurogroupe; en réalité, ce groupe est une
sorte de sombre creuset dans lequel la troïka concocte ses
plans et ses politiques (p. 127) ». Relais direct d’Angela Merkel,
Thomas Wieser « était président du Groupe de travail Eurogroupe, cet
organe dont le rôle est de préparer les réunions de l’Eurogroupe, là où
les ministres des Finances de chaque pays prennent les décisions clés.
En théorie, donc, Wieser était le délégué de Jeroen Dijsselbloem,
ministre des Finances néerlandais et président de l’Eurogroupe. Ce que
je ne savais pas et que je mesurerais plus tard, c’est que c’était
l’homme le plus puissant de Bruxelles, beaucoup plus puissant que
Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, ou que
Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques et financières
(le ministre des Finances de la Commission), voire, en certaines
occasions, plus puissant que Dijsselbloem lui-même (pp. 143 – 144) ».
Plus qu’une crise monétaire, financière ou économique, on devine que la
crise est avant tout politique du fait de l’occultation
volontaire et souhaitée du politique. Pourtant, « l’Europe peut donner
naissance à des institutions efficaces : la Banque européenne
d’investissement. La BEI appartient en effet aux États membres et elle
est gouvernée par les ministres des Finances européens (p. 268) ». Le
plus grave demeure le consentement béat de la plupart de minables
politiciens. Wolfgang Schäuble le reconnaît volontiers au cours d’un
échange privé avec Varoufakis : « Vous êtes le seul de l’Eurogroupe à
avoir compris que la zone euro est insoutenable. L’union monétaire a été
mal conçue. Nous avons besoin d’avoir une union politique, ça, ça ne
fait aucun doute (p. 402). » Schäuble applique cependant une politique
contraire parce qu’il écarte son européisme militant par rapport à de
puissants intérêts atlantistes et mondialistes qu’il représente.
Mieux
soutenu par son Premier ministre, Yanis Varoufakis serait peut-être
parvenu à négocier avec les usuriers rapaces de la Grèce, car les «
institutions », à savoir l’abjecte troïka, commençaient à se
diviser entre elles et en leur sein autour de l’acceptation ou non des
solutions réfléchies du gouvernement grec. Ce ne fut pas le cas. Dépité
par les manœuvres politiciennes tortueuses de Tsipras, prêt à renier ses
engagements de campagne afin de rester au pouvoir et d’en jouir
quotidiennement, et écœuré par le viol gouvernemental du référendum du 5
juillet 2015 (61,31 pour le « non »), l’auteur démissionne dès le
lendemain. La dissolution de la Vouli lui fera ensuite perdre
son mandat de député, ayant refusé de se représenter. Aujourd’hui, il
fait l’objet d’une accusation de « haute trahison » devant les
parlementaires. Un comble ! En devenant ministre, Varoufakis savait
qu’il servirait de fusible, mais pas si vite et pas comme bouc
émissaire.
Conversation entre adultes est un ouvrage essentiel pour mieux comprendre les rouages absurdes de la machinerie pseudo-européenne, bankstérisée
et effectivement proto-maffieuse qui massacre toute véritable idée
européenne. Le récit de Yanis Varoufakis est un avertissement pour tout
gouvernement qui tenterait de discuter avec les « institutions ».
Celles-ci ne connaissent qu’un seul langage : la force. Heureusement que
la France détient toujours de l’arme nucléaire…
Georges Feltin-Tracol
• Yanis Varoufakis, Conversation entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Éditions Les liens qui libèrent, 2017, 526 p., 26 €.
Sans arme, ni haine, ni violence
Sans arme, ni haine, ni violence
par Antonin Campana
Ex: http://www.autochtonisme.com
Pour
le pouvoir en place, les Français de souche n’ont aucune existence
juridique et le peuple autochtone n’existe pas. Or, dire d’un peuple
qu’il n’existe pas est d’une violence inouïe, d’autant que les ressorts
psychologiques de cette négation sont toujours à rechercher dans le
désir malsain d’effacer physiquement le peuple en question. La négation
généralisée du droit à l’existence des peuples autochtones européens est
une extermination symbolique qui se double d’une extermination réelle
puisque ceux-ci tendent à disparaître sous l’effet d’une submersion
migratoire organisée. La question de la contestation du régime politique
en place revêt donc un caractère vital pour les peuples autochtones.
Mais quelle forme doit prendre concrètement la lutte ? Doit-elle être
aussi violente que peut l’être le régime ou doit-elle, au contraire,
faire appel à une forme de « désobéissance civile » ? Notre position sur
le sujet est sans ambigüité : nous considérons que l’usage de la
violence est à bannir absolument. Cela pour plusieurs raisons :
Premièrement,
les Européens ont été largement domestiqués. Ils furent autrefois des
conquérants capables de soumettre le monde, mais force est de constater
qu’ils n’ont plus qu’une lointaine ressemblance avec leurs ancêtres. On
ne doit rien attendre de gens qui laissent sans réagir leurs femmes se
faire violer, comme à Cologne en décembre 2015. L’Européen type est un
quinquagénaire isolé qui n’aspire plus qu’à une retraite paisible.
Autant en être conscient.
Deuxièmement,
les Etats supranationaux européens se sont dotés de moyens qui les
rendent indestructibles frontalement : arsenal juridique (loi sur le
renseignement, lois contre le terrorisme…), capacités techniques
(satellites, logiciels espions, « boîtes noires »…), moyens de
renseignement (écoutes, balises, indicateurs…), militarisation du cadre
urbain (plan Vigipirate, opération sentinelle), forces de police
efficaces et soumises, paramétrages des moyens militaires pour répondre à
la violence civile (« opération ronces »), etc.
Troisièmement,
notre peuple ne se relèverait pas d’une défaite. En cas de défaite « à
domicile », face à l’Etat supranational, face aux communautés
allochtones, voire, ce qui est le plus probable, face aux deux réunis
contre lui, la dilution de notre peuple s’accélèrerait inéluctablement.
Quatrièmement,
voulons-nous la Syrie pour nos enfants, si d’autres solutions sont
possibles ? La violence est toujours réciproque. Décider de l’employer
est un acte grave dont il faut bien peser les conséquences sur soi, sa
famille et son peuple.
En
d’autres termes, la violence, en l’état actuel des choses, n’est pas
envisageable. Il faut faire face au régime avec réalisme et ne pas
l’attaquer sur son point fort. La population autochtone est une masse
d’individus isolés, incapables d’agir ensemble, ne se faisant pas
confiance, inconscients parfois de la situation, bref, pour tout dire :
incapables de résister. Le premier travail consistera donc à rassembler
le « reste pur » de la population (les « Réfractaires ») puis à
organiser celui-ci de manière à agréger progressivement toute la
population. Ce premier travail, non-violent par définition, devra se
concrétiser par la formation d’un Etat parallèle, d’un gouvernement
parallèle et de communautés autochtones. La proto-nation autochtone
ainsi formée et structurée sera une puissante force de résistance au
régime en place, à condition de ne pas faire le jeu d’un régime
paramétré pour vaincre toute opposition frontale et d’adopter une forme
de « désobéissance civile ».
« La
désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à
une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par
ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat
pacifique » (Wikipedia). La désobéissance civile s’adresse au sens
de la justice de la majorité au nom de « principes supérieurs » qui ont
été violés. On parlera ici du droit à l’existence du peuple autochtone,
droit ouvertement bafoué par le pouvoir républicain.
La
désobéissance civile n’est pas la passivité. C’est un combat. Comme
tout combat, la désobéissance civile a une stratégie et mène des
actions. Que ces actions soient non-violentes ne changent rien à leur
nature. Elles devront tenir compte des « ressources » disponibles
(ressources humaines, financières, médiatiques…), de la situation
(rapport de force…) et de l’état de conscience de la population
(l’action sera-t-elle comprise ?). Elles devront aussi trouver leur
place et leur justification par leur conformité à la stratégie choisie.
La
référence absolue en matière de lutte non-violente est le politologue
américain Gene Sharp. Celui que certains nomment le « Machiavel de la
non-violence » n’est certes pas un ami des peuples autochtones. L’Albert
Einstein Institution fondée par Sharp en 1983 est la vitrine séduisante
de la CIA et de l’OTAN. Financée par la National Endowment for
Democracy (CIA), l’Albert Einstein Institution travaille en étroite
collaboration avec d’autres officines spécialisées dans « l’ingérence
démocratique » comme l’USAID, Freedom House, ou l’Open Society de
Georges Soros.
Il
est admis par l’ensemble des analystes que les théories de Gene Sharp
sont à l’origine des révolutions de couleurs. L’Albert Einstein
Institution revendique d’ailleurs la « révolution originelle » (sic)
en Serbie (2000), la « révolution orange » en Ukraine (2004), la
« révolution des tulipes » au Kirghizistan (2005) auxquelles nous
pouvons ajouter la « révolution des roses » en Géorgie (2003), la
« révolution bleue » en Biélorussie (2005) et même le « printemps
arabe » en Tunisie, Egypte et Syrie durant les premières semaines
(2010-2012).
Le
lecteur accoutumé à ce blog aura compris que conformément à ce
qu’énonce Gene Sharp, nous avons défini une « stratégie globale »
(libérer le peuple autochtone du « corps d’associés » qui l’étouffe et
du régime qui l’opprime) et des stratégies plus limitées se situant dans
la stratégie globale (rassembler et organiser ; lutter pour les
droits).
La
« stratégie globale » détermine l’objectif à atteindre (la libération
du peuple autochtone). Elle coordonne l’action de l’ensemble des
organisations, des communautés, des institutions autochtones de manière à
atteindre cet objectif. Les stratégies limitées, ou intermédiaires, ont
un niveau de planification plus restreint. Nous en déterminons deux :
- Une « stratégie de conservation » : rassembler, organiser et protéger ce qui subsiste (le peuple autochtone, l’identité autochtone, les terres autochtones…). L’Etat parallèle autochtone et les communautés autochtones sont à la fois des buts et des moyens dédiés à cette stratégie.
- Une « stratégie d’expansion » : lutter pour obtenir des droits collectifs croissants, jusqu’au droit à l’existence nationale. La désobéissance civile non-violente est, selon nous, le moyen à privilégier pour atteindre les objectifs de cette stratégie.
Les
stratégies de conservation et d’expansion ont chacune leurs propres
objectifs. Ceux-ci doivent être en cohérence avec la stratégie globale
retenue. Pour atteindre ces objectifs stratégiques, il est nécessaire de
procéder par étapes en utilisant des « tactiques » appropriées en
fonction des ressources disponibles, du contexte et des opportunités.
Les engagements tactiques mobilisent un ensemble de moyens sur une
période courte, des domaines spécifiques et des objectifs mineurs
(campagne de sensibilisation à l’antijaphétisme, campagne de boycott de
produits…) . Les gains tactiques obtenus réalisent progressivement les
buts stratégiques fixés. Au contraire de la stratégie qui détermine des
objectifs plus ou moins lointains et généraux, la tactique vise donc des
actions limitées et des objectifs restreints à la portée d’un mouvement
de libération.
Les
engagements tactiques utilisent des « méthodes », c’est-à-dire des
formes d’action pour atteindre leurs objectifs. Ces « méthodes » sont
multiples et doivent toujours, selon nous, être non-violentes. Dans son
manuel, De la dictature à la démocratie (L’Harmattan 2009),
Gene Sharp répertorie près de 200 méthodes d’actions non-violentes. Le
politologue les classe en trois catégories :
1. Les méthodes de protestation et de persuasion non-violentes :- Parades, marches, veillées…
- Communications à de larges audiences (journaux, livres, sites internet…)
- Groupes de pression
- Pressions sur les individus (fonctionnaires, journalistes, politiciens…)
- Défilés de voitures, sons symboliques, port de symboles, fausses funérailles, hommage sur une tombe…
- Rassemblements publics, silence, action de « tourner le dos »
- Enseignement et formation
- Etc.
- Non-coopération sociale : ostracisme de personnes, boycott social sélectif, excommunication…
- Non-coopération avec évènements, coutumes et institutions sociales
- Boycott économique : boycott de produits, d’enseignes, de commerces, de films, refus de payer les loyers, Retraits de dépôts bancaires, refus de déclaration de revenus…
- Grèves
- Non-coopération politique : Rejet de l’autorité : rejet d’allégeance, refus de soutien public, désobéissance déguisée, docilité réticente et lente
- Boycott des élections
- Retrait du système scolaire d’Etat
- Boycott des institutions, associations, structures ayant un soutien d’Etat
- Blocage de lignes de communication ou d’information
- Non-coopération administrative, judiciaire, retards, obstructions, report des tâches…
- Etc.
- interventions psychologiques : jeûnes de pression morale, harcèlements, exposition volontaire aux éléments…
- Interventions physiques : sit-in, occupation d’espaces, invasion non-violente, obstruction non-violente, occupation avec voitures…
- Interventions sociales : engorgement de services, institutions sociales alternatives, interventions orales en public, travail au ralenti…
- Interventions économiques : grève, prise de contrôle non-violente d’un terrain, marchés alternatifs, institutions économiques alternatives…
- Interventions politiques : surcharge de systèmes administratifs, double pouvoir et gouvernement parallèle…
Dans
cette optique, la résistance autochtone peut mener une multitude
d’actions non-violentes : blocages momentanés de certains nœuds
routiers, autoroutiers ou ferroviaires ; résistance fiscale ; boycott
des élections ; lobbying ; constitution de ZAD identitaires ;
interpellation d’élus républicains ; sit-in ; occupation
d’écoles ; manifestations ; harcèlement ; etc. Il n’y a de limites que
notre imagination… et l’étendue du Grand Rassemblement, c’est-à-dire des
forces disponibles.
Ce
sont en effet les ressources humaines disponibles qui conditionneront
en grande partie la nature et l’ampleur des actions entreprises. Tout
plan d’action devra au préalable évaluer le plus précisément possible la
situation et les possibilités d’action. Une action réussie est une
action qui aura d’une part entamé la légitimité du régime et qui aura
d’autre part propagé parmi les Autochtones l’idée de sécession et de
rassemblement. Gene Sharp établit que les actions initiales devront
comporter peu de risques, surtout si la population est craintive et se
sent impuissante, ce qui est le cas pour le peuple autochtone. Il faudra
alors limiter l’action à des protestations symboliques ou à des actes
de non-coopération limités et temporaires (dépose de fleurs dans un
emplacement symbolique, veillées, boycotts…). L’important est de fixer
des objectifs intermédiaires réalisables dont le succès ne peut
qu’encourager à la répétition. Il n’y a rien de plus facile que
d’engorger le standard téléphonique d’une municipalité hostile, que
d’harceler la permanence d’un politicien, que de donner de la voix lors
de la projection d’un film antijaphite. Répété 1000 fois, « sans haine,
sans violence et sans armes », ces petites actions uniront le peuple
autochtone et abattront le régime en place.
Antonin Campana
Capacité d’autodéfense et neutralité armée
Capacité d’autodéfense et neutralité armée
Dominique Baettig
Les
moyens militaires traditionnels : aviation, blindés, artillerie,
lance-mines n’auraient plus de sens puisque tous les pays voisins sont
nos Amis et que nous sommes de facto un passager clandestin de l’Otan
(alliance belliqueuse, qui intervient bien au-delà de l’Europe
continentale et qui s’est spécialisée dans des opérations criminelles de
changement de régime, de soutien à des opérations économiques au
service des compagnies multinationales, à la pratique de sanctions
économiques et de stratégie organisée du chaos migratoire). Honnêtement,
je n’ai guère confiance en ce genre d’amis (Merkel, May, Macron, le
triple M mondialiste et moraliste) qui adoptent une attitude hystérique
et hostile vis-à-vis de la Russie, des nations européennes qui
rechignent à la grande redistribution migratoire et ne considèrent pas
la théorie du genre comme une urgence sociétale impérative. Déléguer aux
voisins les missions de surveillance aérienne serait irresponsable et
téméraire. Comme confier à l’Italie et à la Grèce le contrôle des
débarquements de migrants organisés par les esclavagistes modernes de la
Libye à l’Etat déliquescent, ou au maître-chanteur Erdogan ( membre de
l’Otan aussi) qui ouvre les vannes de réfugiés à sa guise et selon ses
objectifs d’influence dans l’ancien empire ottoman en reconstruction.
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://ww.lesobservateurs.ch
Un
tabou aurait été brisé à gauche nous dit-on…La disparition totale de
l’armée ne serait plus une option raisonnable. Et dans la foulée, le
Parti Socialiste, par la voix du jurassien Fridez (qui n’a de toute
évidence pas une grande expérience de commandement militaire et se
nourrit de fantasmes germanophobes, confondant souveraineté et
« Alleingang ») a trouvé la solution. L’armée serait en fait une
assurance à redimensionner, compte tenu de la diminution des risques. Le
terrorisme, qui n’est pas une entité réelle, plutôt un processus
opératoire financé par ceux qui activent la mondialisation, serait la
tâche d’abord de la police qui est en sous-équipement. Donc il faudrait
engager 3000 agents professionnels supplémentaires. Elémentaire mon cher
Watson.
La subsidiarité (ne déléguer à l’échelon supérieur que ce qu’on ne peut pas assumer soi-même), ce n’est pas déléguer aux voisins, empêtrés dans une alliance guerrière et aux intérêts divergents, ce qu’on ne veut ou ne peut pas faire.
Bien sûr que l’armée doit être redimensionnée, compte tenu des évolutions de la technologie, de l’importance de la guerre numérique, la cyberguerre, de la mondialisation qui augmente les flux et les risques sécuritaires, la mobilité des criminels/terroristes souvent indissociables, les mafias et cartels de la drogue qui ont poussé comme des champignons sur les ruines des Etats faillis ( Kossovo, Irak, Somalie, Mexique, Colombie, etc.).De l’évolution militaire vers la privatisation transnationale, le mercenariat, les guerres par procuration.
La neutralité armée et la défense nationale sanctuarisée, enracinées, fondées sur le socle démocratique du citoyen soldat, reste l’unique voie de souveraineté, de démocratie de proximité. L’aviation reste incontournable (on l’a vu en Syrie où le gouvernement légitime n’aurait jamais pu résister à la guerre subversive imposées de l’extérieur, sans appui aérien, sans petites unités mobiles appuyées par des chars, des lance-mines, des groupes de citoyens armés).Promouvoir la paix c’est rester neutre, garder des liens multilatéraux avec tous les camps et ne pas s’impliquer dans les guerres de l’Empire. La Suisse, sous l’influence délétère du Conseiller Fédéral Burkhalter, a failli à la neutralité en soutenant les « rebelles » syriens soi-disant modérés qui ont aujourd’hui échoué , et avec quelle cruauté, à démembrer l’Etat laïc et multiconfessionnel syrien. On peut espérer qu’une plainte sera déposée, au nom du peuple syrien martyr, contre les criminels de guerre soutenus et armés par la France socialiste, la Turquie néo-ottomane, le Qatar richissime et avide de jeux de guerre par procuration. Quant à la cyberguerre, elle concerne aussi la propagande médiatique unilatérale. On a pu voir chez nous récemment comment les médias ont pu déployer leur puissance de persuasion, en s’appuyant sur le risque de pertes d’emploi si d’aventure No-Billag l’emportait. Big Brother a été plébiscité, donc la guerre de l’info diversifiée, le droit et le devoir de chacun d’être informé ne pèsent déjà plus lourd.
Quand à utiliser l’armée pour s’occuper des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, concept qui permet l’ingérence mondialiste dans notre vie quotidienne et notre environnement, cette proposition est juste surréaliste et déconnectée du réel.
La défense nationale, citoyenne, la souveraineté, la capacité d’autodéfense centrée sur les compétences professionnelles et la connaissance du terrain du milicien volontaire, sont trop importantes pour être laissée à la gestion d’un parti qui voit la vie uniquement en rose.
Dominique Baettig, ancien Conseiller national, militant souverainiste et anti-globaliste, 20.3.2018
Source
Architecture contemporaine : le triomphe de la vanité
par Pierre-Émile Blairon
La
principale, si ce n’est la seule, justification de la présence de
l’Homme sur Terre se retrouve dans le rapport charnel et spirituel qu’un
peuple formé entretient avec la terre qu’il a choisie ou qui l’a
choisi, dans des rapports de respect mutuel. Et un peuple n’est formé
que lorsque cet acte éminemment symbolique – le mythe des origines – a
été transformé en acte rituel. On sait comment nos ancêtres les Gaulois
déterminaient la fondation d’une ville en faisant descendre le ciel sur
la terre. Ils délimitaient les enceintes de la ville en répercutant sur
le sol élu la configuration stellaire au moment où ce choix, et donc ce
rituel, s’accomplissait. La pérennité du mythe d’origine, de cette
fondation bien matérielle, est assurée par les gardiens du temple, les
vestales qui maintiennent le feu sacré.
Le
rite est la répétition du mythe ; tant que ce rite est maintenu,
l’équilibre du monde, celui que le peuple a délimité aussi loin qu’il
porte le regard autour de lui, est assuré. Et tant que l’esprit de la
maison ou de la ville – les dieux lares – que l’homme antique a bâtie
est conservé.
En
ces temps de Kali-Yuga où les valeurs sont totalement inversées, les
prêtres et les sages ont laissé la place aux brigands. Ce sont ces
derniers qui règnent sur le monde sous une apparence policée de
banquiers arrogants et jamais repus.
Sans
doute la plus criante des manifestations de cette fin de cycle est
celle qui nous agresse chaque jour, visiblement, certes, mais bien plus,
invisiblement (selon la théorie de l’iceberg, dont on ne voit que le
dixième de la masse) quand on décortique le processus à la fois
historique et idéologique qui a engendré cette horreur : l’architecture
contemporaine.
Spengler, villes mondiales et villes de culture
« Aujourd’hui,
comme au temps de l’hellénisme au seuil duquel se fonde une grande
ville artificielle, donc étrangère à la campagne – Alexandrie – ces
villes de culture, Florence, Nuremberg, Salamanque, Bruges, Prague… sont devenues villes de province et opposent à l’esprit des villes mondiales une résistance intérieure désespérée. »
C’est ce que disait Oswald Spengler il y a cent ans.
C’est
en France au Moyen-Âge, avec le château ou l’église, les premiers
éléments patrimoniaux, les premières œuvres d’art, que les monuments qui
vont devenir « historiques » vont constituer la marque de la ville de
culture, pur produit du génie de la main, chef-d’œuvre des compagnons,
et de l’esprit, sanctuaire du savoir. Des villes, généralement à format
humain, c’est-à-dire où, en moins d’une heure à pied, on a pu dénombrer
une bonne dizaine de merveilles architecturales et, quelquefois,
effectuer la traversée de cette ville ancienne de part en part. Cette
ville ancienne était contenue autrefois « intramuros », à l’intérieur
des remparts qui la délimitaient et la protégeaient et qui ont
malheureusement presque tous disparus (quelques villes, comme
Carcassonne ou Avignon en France, ont pu les préserver, merci, M.
Viollet-le-Duc). La plupart des villes de culture, même certaines qui
sont devenues villes mondiales, ont su conserver un centre historique
que des millions de touristes du monde entier viennent admirer,
retrouver la grandeur des temps passés… et y dépenser leurs devises,
signifiant que le passé a un avenir, même sonnant et trébuchant(1).
Nous
aurions espéré que, par ce biais – se battre avec les armes de
l’ennemi, l’argent – ces villes au passé prestigieux pourraient
s’imposer et perdurer face au rouleau compresseur des mégapoles,
lesquelles sont bâties sur du sable, sans passé – ou dont elles ont
systématiquement effacé toute trace – et donc sans avenir. Après tout,
l’industrie du tourisme bien pensée est moins polluante que bien
d’autres et aide à conserver le patrimoine.
A
vrai dire, ces villes de culture dont Spengler constatait qu’elles
opposaient aux mégapoles une « résistance désespérée » résistent de
moins en moins.
Je
vais prendre trois exemples emblématiques de ces villes moyennes,
villes de culture européennes au riche passé, que la gangrène moderniste
commence à défigurer : Bruges, Aix-en-Provence, Saint-Malo.
Bruges
Spengler
cite Bruges, l’une des plus belles villes du monde. Une ville réservée
aux piétons qui sont souvent des touristes amoureux de ses belle
pierres, de la sérénité qui s’en dégage, de sa douceur de vivre. Ici, le
seul bruit provient des notes cristallines des carillons des beffrois.
Première place financière d’Europe au XVe
siècle, on l’a appelée « la belle endormie », tout comme Aix, ou
Bordeaux, ou Reims… sans doute parce que les villes qui conservaient
leur patrimoine en quelque sorte « par défaut », comme on dit en
informatique, en ne succombant pas aux sirènes du « progrès », fort à la
mode en ces temps bénis où il n’avait pas encore démontré sa nocivité,
étaient considérées au début du siècle dernier comme des villes
n’aspirant qu’à mourir. Ce qui est le lot de tout ce qui vit, y compris
les villes mais, selon l’adage plein d’espoir : le plus tard possible !
Pour une ville, mourir, ce n’est pas comme un être humain, mourir, pour une ville, c’est perdre son âme en perdant son corps.
Une verrue au cœur historique de Bruges : la salle des concerts
Si
Bruges est belle, c’est parce qu’elle est harmonieuse, parce qu’elle a
réussi à sauvegarder la parfaite unité de son domaine architectural,
parce qu’elle a réussi à résister au chaos qui caractérise
l’architecture contemporaine ; rectifions : qu’elle avait réussi
jusqu’à ce qu’on y construise une salle de concert qui ressemble à un
immense blockhaus de brique, sur la même place que l’Office de
tourisme : le ver est dans le fruit.
Bruges
est à peu près de la même taille qu’Aix-en-Provence. 120 000 habitants
pour Bruges, 140 000 habitants pour Aix-en-Provence, à peu de chose près
aussi, la même superficie du centre historique : 186 km2 pour Aix contre 138 pour Bruges.
Aix-en-Provence
Bruges
fut la capitale économique de la Flandre, Aix-en-Provence la capitale
administrative de la Provence au Moyen-âge. La ville provençale
ressemble par maints aspects à Bruges ; ville élégante et
aristocratique, peuplée de beaux hôtels particuliers du XVIIIe
siècle et de ravissantes fontaines, elle est un centre judiciaire
important depuis des siècles et un pôle universitaire renommé qui attire
des dizaines de milliers d’étudiants chaque année qui assurent une
ambiance jeune et dynamique très appréciée des visiteurs.
Le
drame d’Aix-en-Provence, c’est d’être située à trente kilomètres de
Marseille, mégapole qui rassemble la totalité des inconvénients d’une
grande ville cosmopolite (pauvreté, mauvaise qualité de vie, stress,
insécurité, saleté, laideur architecturale avec ses tours et la
multitude de ses ensembles urbains d’après-guerre…) Quelques beaux
quartiers préservés autour du Vieux Port, de la Corniche ou du Prado,
résidus de son faste ancien, résistent avec leurs habitants tant bien
que mal à cette dégradation.
Tout
ceci serait un moindre mal si Marseille, forte de sa population
importée, n’avait eu l’ambition d’absorber, avec l’aide de l’État,
culturellement et économiquement Aix-en-Provence et le Pays d’Aix dans
son aire de métropolisation.
La
municipalité actuelle d’Aix tente d’empêcher ce phagocytage en
demandant la mise sous tutelle de Marseille, endettée, et en projetant
de créer sa propre métropole.
C’est
le moment ou jamais de faire preuve de créativité et d’intelligence, de
sortir des ornières du règne de la quantité qui submerge toute
entreprise de nos jours et de se dégager de la tutelle des « experts »
et des « prévisionnistes » qui ne voient jamais rien venir et qui se
trompent en permanence. Sans craindre le pire – la maire d’Aix
n’a-t-elle pas affirmé « vouloir construire la ville de demain à taille humaine dans le respect de son identité et de son passé(2) » – il conviendrait de rester vigilants car, si l’on en croit les premières modalités dévoilées de ce projet(3),
il semble qu’il emprunte la droite ligne de ce qui s’est déjà fait à
quelques dizaines de mètres du centre historique : de part et d’autre
d’une esplanade dénudée se dressent, comme à la parade, les œuvres
disparates et extravagantes que nous ont concoctées quelques architectes
internationaux soucieux avant tout de laisser un peu partout dans le
monde une trace de leur « génie » : Rudy Ricciotti avec le Pavillon
noir, cube de béton et de verre dédié à la danse, le Grand Théâtre de
Provence de Vittorio Gregotti, qui reste dans le désormais « classique »
style blockhaus, le Grand Conservatoire de Musique du Japonais Kengo
Kuma qui dit s’être inspiré pour construire le bâtiment du traditionnel
pliage de papier japonais, l’origami (mais pourquoi ne pas l’avoir créé
au Japon où il aurait été plus à sa place ?)
Saint-Malo
Nous allons retrouver notre Japonais Kengo Kuma à Saint-Malo ; ce sera le seul lien commun entre la Provence et la Bretagne.
Saint-Malo
ne ressemble en rien aux deux villes précédentes et, comme si sa
présence ici venait en contradiction de ce que nous voulons exprimer,
Saint-Malo n’a aucun passé architectural encore visible, excepté ses
remparts. Non, cette fois, il n’y a plus grand-chose à sauvegarder
d’ancien, tout simplement parce que la ville a été presqu’entièrement
supprimée, écrasée sous les bombes anglo-américaines (et nos pudiques
historiens oublient de dire : et les habitants avec(4) comme beaucoup de villes du littoral atlantique et comme beaucoup de villes en France.
Contrairement
à ses voisines comme Lorient, Brest, Le Havre ou Royan où l’on a opté
pour la facilité, c’est-à-dire pour l’architecture à la mode
après-guerre, celle qui avait pour dieu le béton, celle qui a créé tous
ces sinistres ensembles producteurs de tensions et qui ont défiguré la
plupart de nos villes, Saint-Malo a été soigneusement reconstruite à
l’identique, ou presque, au sein des anciens remparts miraculeusement
conservés. La cité des corsaires fut relevée avec des vrais matériaux
locaux, notamment un granit bien épais et rassurant récupéré dans les
décombres, chaque pierre soigneusement nettoyée et numérotée ; Les rues
furent élargies et les immeubles purent disposer du confort « moderne »,
eau et gaz à tous les étages !
Le futur musée d’histoire maritime de Saint-Malo de l’architecte japonais Kengo Kuma
Ce
choix ne fut pas celui artificiel d’un aréopage soumis aux diktats de
la mode et de la démocratie à usage personnel mais celui de citoyens
regroupés en association pour faire valoir leur attachement à une ville
et à ses pierres dont chacune représentait l’âme des
cent-quarante-quatre Malouins enterrés sous les gravats. Et cette
association confia ce travail à des architectes respectueux du site qui
ne pensèrent pas à laisser leur nom par une provocation égocentrique.
Les constructeurs de cathédrales – qui sont des bâtiments autrement plus
intéressants et durables que les plaisanteries éphémères contemporaines
– étaient modestement anonymes.
Mais
voilà que la municipalité s’avise de créer un Musée d’histoire maritime
qui, comme tous les musées nouvellement créés doivent ressembler à
tout, sauf à des musées. Non, non, ce n’est pas une boutade : ces
nouveaux musées sont des bâtiments qu’on dit futuristes mais qui sont
surtout des caprices de « créateurs » choisis par concours par des
édiles soucieux de leur réélection et des spécialistes (des « experts »)
qui ont, de facto puisqu’ils sont spécialistes, une culture générale
limitée pour la plupart.
Pourquoi
les musées, ces bâtiments censés accueillir les artefacts d’un passé
nécessaire à comprendre le présent, sont-ils toujours la représentation
idoine de ce qu’on présuppose, dans un délire de science-fiction de BD, être des éléments du futur ?
Parce que, dans ce domaine touchant à l’histoire et à la mémoire, là plus qu’ailleurs, il convient d’orienter les esprits.
L’idée n’est pas bien nouvelle, elle peut se résumer dans ce vers de l’Internationale : Du passé, faisons table rase, qui suppose une dictature du progrès qui n’est lui-même qu’une illusion.
Ce
qui fait que notre architecte japonais, mais néanmoins mondialiste, a
conçu le projet titanique de ce musée qui ressemble à l’empilement de
trois hangars décalés d’une hauteur de 35 mètres pour sept étages qui
surplombera la ville de Saint-Malo, « Un belvédère couvert au dernier étage du futur musée offrira une perspective sur toute la ville de Saint-Malo », selon Ouest-France. Mais le contraire est vrai aussi. A savoir qu’à Saint-Malo, on ne verra plus que ce bâtiment.
« C’est le seul endroit de la ville où je ne la vois pas » disait Maupassant quand il mangeait au restaurant de la tour Eiffel.
Quelques exemples…
Oh,
bien sûr, les trois villes que nous prenons en exemple sont loin d’être
les seules touchées par cette gangrène ; nous les prenons en exemple
parce que nous espérons qu’il est encore possible de les sauver, mais
que faire du grotesque Musée Pompidou qui défigure Paris,
Le parvis nord du centre Beaubourg accolé à l’église Saint-Merri (XVIe
siècle) et l’entrée principale du Centre Pompidou en état de
délabrement. Le bassin d’agrément (?) au premier plan égayé (?) par des
œuvres d’art (?) contemporaines (mars 2018)
• Refus de l’antériorité : le passé et le savoir qui est inclus dans ce passé.
• Refus de l’intériorité : une maison doit être de préférence installée dans un désert, espace ouvert et libre plutôt que dans une forêt ; elle ne doit pas refléter un « repli sur soi », les occupants de la maison doivent avoir une vue sur l’extérieur tout comme leur vie doit être vue de l’extérieur, elle doit être « nue », d’où la systématisation de la mise en place des grandes baies vitrées et le refus de toute décoration, ne serait-ce qu’une bordure.
du
massif et disgracieux Palais des Festivals de Cannes, du cataclysmique
Musée des Confluences de Lyon (illustration ci-dessous), qui ressemble à
une immense soucoupe volante qui se serait crashée là,
dans
un amas indescriptible de tôles et de béton qui devrait susciter la
terreur des Lyonnais s’ils n’avaient pas été bien formatés, à accepter
l’outrage de l’effrayante et agressive Philharmonie de Paris de Jean
Nouvel,
gueule
béante d’un dragon qui semble prêt à vous dévorer (la musique
adoucit-elle vraiment les mœurs ?), du Musée de la Romanité à Nîmes,
encore
un musée en forme de boîte de conserves mal ouverte jouxtant les Arènes
de Nîmes, du Stederlijk Museum (encore un) d’Amsterdam qui ressemble à
une énorme baignoire blanche accolée à un bel immeuble ancien, de la Cité du Vin à Bordeaux, sorte de monstrueux étron doré comme un staphylocoque, quel rapport avec Bordeaux ou le vin ?
« And the winner is… »
La
palme de l’infamie – ou du ridicule – est remportée par Philippe Starck
qui ne se cache pas de construire des bâtiments acculturés, « l’acculturation est son projet » nous prévient David Orbach(5).
Sa prochaine victime sera la ville de Metz où il va construire un hôtel
de treize niveaux pour une hauteur de quarante mètres. « Au sommet, l’établissement offrira sur la ville de Metz une vue à couper le souffle », précise un journal local.
Et
les Messins auront la vue sur la tour, comme les Malouins ont la vue
sur leur nouveau musée. Mais vous pensez bien que l’architecte « adulé de par le monde pour ses fulgurances et sa fabuleuse fécondité »
(selon un autre journal local qui n’est pas en mal non plus de
dithyrambe) ne s’est pas contenté de construire une tour, il fallait
aussi qu’il appose sa patte idéologique (à défaut de la lever) : il
construira au sommet de la tour la réplique d’une maison du XIXe siècle, qui va donc représenter de visu le déracinement cher au designer. « C’est un jeu sur les racines déracinées »,
explique sans complexe l’architecte. Effectivement, quel génie ! Quelle
« fabuleuse fécondité » ! Une tour stupide bien lisse trouée de
fenêtres avec au sommet une villa reconstituée (même pas l’idée d’en
construire une originale…)
L’Ordre Mondial
Spengler
avait bien montré le processus de déclin de l’Occident qui entraîne
dans sa chute tout ce qui vit sur la planète puisque l’Occident y a
instillé lentement et partout ses valeurs et surtout ses poisons(6).
Depuis
la Révolution française et l’avènement de Darwin comme nouveau
prophète, l’Occident est totalement imprégné de l’idée que le progrès
est un concept incontournable, que le monde est en constante évolution
avec l’idée d’une avancée linéaire sans fin et des lendemains qui
chantent toujours et de plus en plus fort et de plus en plus mal à
mesure qu’on croit s’approcher du paradis mais qui, inéluctablement,
comme tout ce qui vit, nous amène vers la mort, vers une fin, quelle
qu’elle soit.
Le
temps est à l’image du monde : toute vie sur Terre, quel que soit son
règne : végétal, animal, humain, et même minéral, procède d’un mouvement
cyclique et y est soumis. Tout meurt et tout revit.
On
ne peut pas comprendre, de nos jours, que passé, présent et futur
cohabitent dans un même maelström et sont interdépendants, que le passé
n’est pas un but mais un phare, qu’il n’est pas poussiéreux mais
constitue une source pure d’où procède la vie, source constamment
renouvelée lorsqu’on y revient et donc toujours jeune.
Cette
construction spirituelle est bien trop difficile à concevoir pour nos
contemporains ; un cycle se dégrade de spiritualité en matérialité ;
comme nous sommes à la fin d’un cycle, nous sommes donc en pleine
matérialité – essentiellement représentée par le culte de l’argent – et
tous les comportements humains sont conditionnés par cette dégradation, y
compris le choix de notre architecture.
Ce qu’on appelait encore Occident il y a un siècle est donc devenu l’Ordre Mondial.
L’Ordre
Mondial est dirigé par quelques sociétés plus tellement secrètes dont
font partie la plupart de nos gouvernants ; leur dessein est de
s’approprier le monde matériel en ayant soin de détruire les fondements
des sociétés traditionnelles et leur enracinement ; il ne prend plus
beaucoup de précautions pour cacher ses objectifs ; sa nuisance s’exerce
dans tous les domaines : comme le rôle de la mode actuelle est de
déstructurer les corps, celui de la philosophie de déstructurer les
esprits, celui de l’art ou de la musique, de rompre les liens avec le
sacré, celui de l’agroalimentaire consiste à habituer les estomacs à
manger des horreurs (des insectes, par exemple) et, surtout, à faire
disparaître le paysannat, et celui qui nous occupe ici, l’architecture
contemporaine, dont le but est clairement de déstructurer le bel
ordonnancement de nos villes et de faire en sorte que les peuples ne
puissent plus se référer à leur sol.
Comment en est-on arrivé là ?
Il
nous faut ici remonter avant même ce que certains sites internet qui se
consacrent à une Histoire parallèle du monde appellent la « Fraternité
du Serpent », l’ancêtre supposée des Illuminati qui aurait manifesté les
premières nocuités de ce courant à l’époque sumérienne 3 300 ans avant
notre ère, un millénaire après le commencement de notre Kali-Yuga.
Nous
allons parler plutôt de certains personnages mythologiques, des Titans,
dont Prométhée est le plus illustre exemple, puisqu’il créa l’Homme
qui, originellement, était presque semblable aux dieux mais qui, par une
faute de Prométhée – la connaissance du feu qu’il donna aux hommes –
perdit ses pouvoirs originels ; Prométhée est l’archétype même du Titan,
celui qui veut se mesurer aux dieux – c’est l’hubris, la vanité, qui le
mène – et qui utilise la ruse pour arriver à ses fins. On sait ce qui
advint de lui quand Zeus décida de le punir de son arrogance et de ses
tricheries. On comprend mieux qu’il représente à la fois l’humanisme,
l’Homme qui se veut supérieur aux autres règnes, le surhumanisme,
supérieur à lui-même, et qui va aboutir au transhumanisme, l’Homme qui
croit qu’il est l’égal des dieux, ou de Dieu. Cette vanité s’exprime par
ce qu’on appelle de nos jours le titanisme, des œuvres grandioses,
notamment en matière d’architecture, qui vont se manifester par la
construction de tours – des « gratte-ciel » – toujours plus hautes, qui
veulent arriver « jusqu’au ciel », donc jusqu’aux dieux et par les
moyens utilisés pour les construire et les faire proliférer, la ruse ou
l’escroquerie érigée en mode de relation. Nous sommes donc entrés dans
une nouvelle ère prométhéenne, Prométhée, l’archétype des origines qui
ressurgit, à la fin du cycle, comme un bateau qui, avant de couler,
montre sa proue une dernière fois comme un pied-de-nez, ou comme le
serpent, l’ouroboros, qui se mord cycliquement la queue(7).
Charles-Édouard
Jeanneret, dit Le Corbusier, fut l’un de ces architectes-urbanistes
inventeurs de l’architecture contemporaine. Ce Français d’origine
suisse, donné en exemple dans toutes les écoles d’architecture du monde,
avait conçu un projet, le plan Voisin,
visant
à construire des tours à Paris en détruisant l’ensemble des bâtiments
antérieurs, sauf les églises (l’ironie du sort veut que ce sont d’abord
les églises qui sont détruites aujourd’hui…). Ce projet n’était pas un
coup de folie passager puisque Le Corbusier a récidivé lors d’un
séminaire d’architectes et d’urbanistes en présentant en 1933 la Charte
d’Athènes qui devait systématiser le plan Voisin à l’ensemble
de la planète. Cette Charte fut appliquée après la guerre pour
reconstruire les villes détruites par les bombardements anglo-américains
en France, un plan idéologique et totalitaire auquel a fort
heureusement échappé Saint-Malo.
Ce
processus morbide n’a pu être mis en place qu’avec la complicité de
certains édiles, atteints de cette même hubris, souvent de mégalomanie
et plus sûrement attentifs à laisser leur nom sur une plaque de rue.
Marquer son passage en marquant son territoire
On
sait comment les animaux marquent leur territoire ; mais comment faire
en sorte que son passage sur Terre reste dans l’Histoire, surtout si
l’on a été un médiocre chef d’État ? L’œuvre de l’Homme dépasse l’homme
au moins parce qu’elle lui survit plus longtemps. C’est à cet espoir que
se sont raccrochés les présidents de la Ve République
française dont la vanité n’a réussi qu’à enlaidir la capitale. C’est sûr
qu’ils n’allaient pas construire dans le Cantal ; pour autant, leurs
traces ne dureront pas le temps des pyramides, ni même celui des
cathédrales, ni même celui des humbles maisons paysannes.
Pompidou
a donc laissé son nom au Centre Beaubourg, Mitterrand aux tours de la
Bibliothèque nationale, Chirac a suivi avec le Musée des Arts premiers.
Les
maires des grandes villes françaises, puis des villes moyennes, puis
des petites villes et même des villages, entraînés par d’aussi illustres
exemples, n’ont pas tardé à les imiter. C’est ainsi que la France s’est
« parée » de toutes sortes de constructions loufoques jusque dans ses
derniers recoins.
C’est
que, pour leur défense, ces édiles pensent faire le bien de leurs
concitoyens : toujours plus haut, plus grand, plus « moderne » (dans les
années 60, des panneaux fleurissaient à l’entrée des villages : son
château, ses commerces, sa piscine « olympique »…)
Mais
pourquoi s’imaginent-ils que, lorsqu’on choisit une ville moyenne pour y
habiter, on n’a qu’une seule envie, c’est de voir cette ville grandir,
s’étaler avec ses hideuses zones industrielles et commerciales, ses
panneaux publicitaires, ses PLU à l’infini, rongeant chaque jour les terres agricoles… ?
La
quantité plutôt que la qualité de vie ? Faut-il vivre dans une grande
ville pour être heureux ? Si on choisit pour vivre une ville moyenne ou
petite, c’est pour sa qualité de vie, ce n’est pas pour qu’elle devienne
une grande ville.
Les élus des villes culturelles veulent à la fois faire avancer leur ville vers le « progrès »
et accroître la manne des retombées touristiques qui attirent dans
leurs cités des millions de touristes qui ne viennent que pour une
chose : la spécificité architecturale de la ville ancienne. Ces
visiteurs ne viennent pas pour admirer la nouvelle tour du célèbre
architecte Machin ou la nouvelle médiathèque en forme de bateau échoué.
Ça, ils l’ont dans toutes les autres villes du monde qui ne peuvent
s’enorgueillir de leur passé, de Dubaï à New-York en passant par
Shangaï.
Jean Giono disait fort justement : « À quoi bon aller là-bas si rien n’est différent d’ici ? »
Une architecture hors-sol
Autrefois
respectées, les recommandations des architectes des Bâtiments de France
sont de plus en plus souvent contournées avec l’approbation des
autorités locales. Pourtant, leur charte est basée sur le bon sens.
« L’architecture
est une expression de la culture. La création architecturale, la
qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu
environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du
patrimoine sont d’intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le
permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s’assurent,
au cours de l’instruction des demandes, du respect de cet intérêt(8). »
Dans sa belle conférence(9)
enregistrée à l’Université populaire de Caen, David Orbach, architecte
contemporéaniste repenti, comme il se présente lui-même, nous donne
quelques clefs supplémentaires de compréhension du phénomène qu’il a
pêchées de son expérience et au contact de ses condisciples et de leurs
œuvres.C’est encore une fois le Corbusier qui a donné l’exemple en
prônant une architecture hors-sol, comme les tomates que
l’agroalimentaire nous donne maintenant à manger, analogie qui n’est
évidemment pas le fait du hasard. Partant du principe que la nature est
sale et qu’il convient d’envisager un monde lisse dépourvu de toute
aspérité, l’architecture contemporaine doit donc se dégager du sol ; les
maisons seront construites sur pilotis comme sa villa Savoye
ainsi
que les unités d’habitation comme La Cité radieuse. C’est dans ce même
esprit antinaturel que Le Corbusier avait préconisé d’installer les
crèches au sommet des immeubles pour éviter aux enfants la promiscuité
avec le sol comme ce fut le cas pour la « Maison du fada » comme les
Marseillais surnommaient la Cité radieuse.
L’architecture contemporaine doit appliquer deux règles principales :
• Refus de l’antériorité : le passé et le savoir qui est inclus dans ce passé.
• Refus de l’intériorité : une maison doit être de préférence installée dans un désert, espace ouvert et libre plutôt que dans une forêt ; elle ne doit pas refléter un « repli sur soi », les occupants de la maison doivent avoir une vue sur l’extérieur tout comme leur vie doit être vue de l’extérieur, elle doit être « nue », d’où la systématisation de la mise en place des grandes baies vitrées et le refus de toute décoration, ne serait-ce qu’une bordure.
Les matériaux traditionnels faisant référence au sol, à la culture, au passé et à la nature seront bannis.
On préférera donc l’emploi du béton, du verre et de l’acier.
La solution : renouer avec les rites
Les
rites, dont nous avons dit qu’ils étaient la répétition du mythe
d’origine, sont aussi une respiration régulière de ce tout ce qui est
vivant ; une maison, un village ou une ville sont vivants.
Comprenons-nous
bien : puisque la technique existe, il n’est pas question de s’en
priver ; au contraire, comme ce qui a été fait à Saint-Malo et comme ce
qui se fait avec d’anciennes maisons restaurées, il convient de
respecter le passé tout en bénéficiant des acquis du présent.
Le problème se pose moins pour des maisons individuelles éloignées d’un environnement historique.
Les
réalisations de maisons individuelles dites d’architectes (sic)
implantées hors ville et qui s’intègrent quelquefois parfaitement au
paysage environnant ne manquent pas et, disposant de toutes les
innovations techniques, sont agréables à vivre et permettent à la
créativité des architectes de s’exprimer sans détruire une antériorité
inexistante.
De
même, Il est bien évident que ces villes anciennes doivent elles aussi
s’adapter sur le plan de la fonctionnalité ; encore faut-il que les
municipalités envisagent cet avenir en tenant compte des spécificités du
passé qui ont façonné ces villes : chacune possède une âme qu’il
convient de ne pas détruire en optant pour la facilité du choix
individuel d’un architecte international puis d’un autre, et de
promouvoir un chaos visuel au lieu d’imaginer un processus global qui ne
vient pas en rupture avec les strates architecturales qui se sont
humblement insérées et ont cohabité harmonieusement tout au long des
siècles.
Dans
cette optique, les édiles devraient consulter d’autres personnes que
des technocrates ; ils doivent rassembler autour d’eux ceux qui ont
quelque légitimité à donner un avis : historiens, techniciens du
bâtiment, écrivains, citoyens éclairés amoureux de leur ville… et aussi
les architectes respectueux de leur travail et du contexte dans lequel
il doit s’exercer, qui ne sont pas là pour imposer les productions de
leur égocentrisme. Il faudrait pour cela que les édiles aient le sens du
bien commun et comprennent que le futur ne peut surgir que du passé, de
tous ceux qui sont morts au cours des générations pour que leur ville
reste belle. L’équilibre de la beauté est précaire, n’importe quelle
chiquenaude peut le détruire à jamais.
Ces
quelques rares architectes qui sauvent l’honneur de la profession sont
évidemment dénigrés par la majorité de leurs confrères soumis aux
impératifs du marché et de la mode ; ces derniers croient pourtant
détenir la vérité et faire partie d’un courant novateur qui s’insère
dans une sorte de sens de l’Histoire illusoire et idéologique. Ces
architectes conformistes ont inventé l’arme absolue à l’encontre des
rebelles à l’uniformisation : celui qui entend respecter le passé et les
citoyens (qui ont aussi leur mot à dire) et qui s’efforce d’insérer
harmonieusement son travail dans le bâti existant est taxé de
« pasticheur ».
Sur
toute la planète et de tous temps, se sont construites et ont subsisté
des maisons et des villes dont les caractéristiques : forme, couleurs,
matériaux… avaient un lien avec la nature du sol, le climat de la
région, le caractère de ses habitants et la culture esthétique du lieu
qui s’est lentement et laborieusement formée, hommes et terroirs se
façonnant mutuellement ; c’est cette diversité issue du sol qui se
manifeste parfois d’un village à l’autre qui fait la richesse de la vie
et qui est garante de sa pérennité. Peut-être qu’un jour – lorsque les
hommes auront retrouvé leur esprit – se débarrassera-t-on de ces verrues
pour magnifier le monde, comme on se débarrasse de ces disgracieuses
excroissances sur notre peau.
Pierre-Émile Blairon
(1)
Le secteur économique touristique constitue la première source de
revenus en France (en y comprenant les activités annexes comme
l’artisanat d’art et tous les commerces liés au tourisme), loin devant
les activités issues de la révolution industrielle du XIXe
siècle ; mais on continue, au nom d’un « romantisme » ouvrier et d’un
mépris du passé, à ignorer les premières pour pratiquer un acharnement
thérapeutique sur les secondes.
(2) Aix en Dialogue n° 58, supplément hors-série : La métamorphose d’une ville, janvier 2013
(3) La Provence, 1er mars 2018
(4) Selon l’estimation la plus courante : 75 000 victimes et 550 000 tonnes de bombes déversées en 1944 sur la France, pays « allié ».
(5) Architecture contemporaine et laideur par Coste Orbach : regarder la vidéo
(6) Ce processus est analysé dans mon ouvrage : La Roue et le sablier, disponible sur Amazon.
(7) La Roue et le sablier, op. cit.
(8) www.architecte-bâtiments.fr
(9) Architecture contemporaine et laideur par Coste Orbach : regarder la vidéo
(2) Aix en Dialogue n° 58, supplément hors-série : La métamorphose d’une ville, janvier 2013
(3) La Provence, 1er mars 2018
(4) Selon l’estimation la plus courante : 75 000 victimes et 550 000 tonnes de bombes déversées en 1944 sur la France, pays « allié ».
(5) Architecture contemporaine et laideur par Coste Orbach : regarder la vidéo
(6) Ce processus est analysé dans mon ouvrage : La Roue et le sablier, disponible sur Amazon.
(7) La Roue et le sablier, op. cit.
(8) www.architecte-bâtiments.fr
(9) Architecture contemporaine et laideur par Coste Orbach : regarder la vidéo
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