Le 31 juillet 1993, Baudouin Ier, cinquième roi des
Belges, s’éteignait dans sa villa andalouse de Motril. C’est d’ailleurs
l’agence de presse espagnole EFE qui annonce, la première, la triste
nouvelle qui ne tarde pas à draper le plat pays d’un voile de tristesse.
Au total, plus d’un demi-million de personnes se recueillirent devant la dépouille de Baudouin, que la figure tutélaire, presque paternaliste, avait rendu immensément populaire auprès d’un peuple qui, inconsciemment, comprit en même temps qu’une certaine idée de la Belgique venait de disparaître.
Premier fils de Léopold III et de la très populaire Astrid, décédée dans un tragique accident de voiture en 1935, il accède au trône après l’abdication de son père, à qui il fut reproché l’attitude durant la guerre et dont la position fut rendue intenable après la consultation populaire devant décider de son sort – si le résultat lui fut favorable, le contraste entre les votes flamand et wallon eut raison de ses intentions de reprendre place sur le trône.
Monté sur le trône à 21 ans, Baudouin y restera 42 ans, marquant le pays de son empreinte. Il joua le rôle de pacifiacteur et d’unificateur entre les différentes entités fédérées composant la Belgique, mais ne put empêcher sa dislocation : affaire de Louvain – qui vit les étudiants francophones chassés du campus flamand aux cris de « Walen buiten » (« les Wallons dehors ») -, réformes de l’État successives, renforcement de deux opinions publiques distinctes…
En 1955, il est accueilli triomphalement au Congo belge où, au fil des ans, les velléités d’indépendance se feront de plus en plus pressantes. Un lustre après cette visite inaugurale, Baudouin prononce, à l’occasion de la transmission de pouvoir à Leopoldville, un discours resté dans les annales des deux pays : sans repentance, il met en lumière les bienfaits de la colonisation belge.
Surtout, le roi Baudouin était un fervent catholique. Il refusa de sanctionner la loi dépénalisant conditionnellement l’avortement, en 1990, et fit trembler le pays sur ses bases. Par un tour de passe-passe institutionnel dont la Belgique a le secret, il fut mis en incapacité de régner durant 36 heures, le temps pour le gouvernement de faire passer le texte. Le message qu’il adressa à Wilfried Martens, Premier ministre, est resté gravé dans l’histoire de la Belgique : « Je sais qu’en agissant de la sorte, je ne choisis pas une voie facile et que je risque de ne pas être compris par un bon nombre de concitoyens. Mais c’est la seule voie qu’en conscience je puis suivre. »
Sur le plan privé, Baudouin, resté longtemps célibataire, au point de passer pour le « roi triste », épousa, en 1960, la très pieuse Fabiola de Mora y Aragón (1928-2014), qui avait marqué les esprits en apparaissant de blanc vêtue lors des funérailles de son mari. La reine Fabiola, vilipendée par le sérail pour ses accointances avec Franco, aura tout au long de sa vie conservé une influence sur celui qui est devenu, avec le temps, un roi bien-aimé des siens, surtout par les plus pauvres.
Depuis le décès du roi Baudouin, la Belgique unitaire n’a cessé de se déconstruire, à coups de querelles communautaires. La monarchie elle-même est devenue purement protocolaire et dansante. Les lois éthiques et sociétales n’ont plus connu de frein. Et « tout cela ne nous rendra pas le Congo », selon une expression populaire dans le plat pays.
Gregory Vanden Bruel
Source
Au total, plus d’un demi-million de personnes se recueillirent devant la dépouille de Baudouin, que la figure tutélaire, presque paternaliste, avait rendu immensément populaire auprès d’un peuple qui, inconsciemment, comprit en même temps qu’une certaine idée de la Belgique venait de disparaître.
Premier fils de Léopold III et de la très populaire Astrid, décédée dans un tragique accident de voiture en 1935, il accède au trône après l’abdication de son père, à qui il fut reproché l’attitude durant la guerre et dont la position fut rendue intenable après la consultation populaire devant décider de son sort – si le résultat lui fut favorable, le contraste entre les votes flamand et wallon eut raison de ses intentions de reprendre place sur le trône.
Monté sur le trône à 21 ans, Baudouin y restera 42 ans, marquant le pays de son empreinte. Il joua le rôle de pacifiacteur et d’unificateur entre les différentes entités fédérées composant la Belgique, mais ne put empêcher sa dislocation : affaire de Louvain – qui vit les étudiants francophones chassés du campus flamand aux cris de « Walen buiten » (« les Wallons dehors ») -, réformes de l’État successives, renforcement de deux opinions publiques distinctes…
En 1955, il est accueilli triomphalement au Congo belge où, au fil des ans, les velléités d’indépendance se feront de plus en plus pressantes. Un lustre après cette visite inaugurale, Baudouin prononce, à l’occasion de la transmission de pouvoir à Leopoldville, un discours resté dans les annales des deux pays : sans repentance, il met en lumière les bienfaits de la colonisation belge.
Surtout, le roi Baudouin était un fervent catholique. Il refusa de sanctionner la loi dépénalisant conditionnellement l’avortement, en 1990, et fit trembler le pays sur ses bases. Par un tour de passe-passe institutionnel dont la Belgique a le secret, il fut mis en incapacité de régner durant 36 heures, le temps pour le gouvernement de faire passer le texte. Le message qu’il adressa à Wilfried Martens, Premier ministre, est resté gravé dans l’histoire de la Belgique : « Je sais qu’en agissant de la sorte, je ne choisis pas une voie facile et que je risque de ne pas être compris par un bon nombre de concitoyens. Mais c’est la seule voie qu’en conscience je puis suivre. »
Sur le plan privé, Baudouin, resté longtemps célibataire, au point de passer pour le « roi triste », épousa, en 1960, la très pieuse Fabiola de Mora y Aragón (1928-2014), qui avait marqué les esprits en apparaissant de blanc vêtue lors des funérailles de son mari. La reine Fabiola, vilipendée par le sérail pour ses accointances avec Franco, aura tout au long de sa vie conservé une influence sur celui qui est devenu, avec le temps, un roi bien-aimé des siens, surtout par les plus pauvres.
Depuis le décès du roi Baudouin, la Belgique unitaire n’a cessé de se déconstruire, à coups de querelles communautaires. La monarchie elle-même est devenue purement protocolaire et dansante. Les lois éthiques et sociétales n’ont plus connu de frein. Et « tout cela ne nous rendra pas le Congo », selon une expression populaire dans le plat pays.
Gregory Vanden Bruel
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