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jeudi 9 août 2018

Joël Robuchon : du travail, du travail et encore du travail…

« Poitevin la Fidélité » s’en est allé vers d’autres fourneaux. Les dieux sont ce qu’ils sont, parfaits certes, mais il n’y a pas de raison qu’ils soient privés des dons et des douceurs qu’ils nous dispensent. Après avoir régalé les grands de ce monde, le chef aux 32 étoiles est donc parti exercer son art dans les hautes sphères célestes. Le cancer du pancréas est sans pitié aucune.

Joël Robuchon, c’était le génie culinaire, bien sûr, mais, depuis toujours, « du travail, du travail et encore du travail ». Il n’y a pas de secret, le talent sans travail acharné n’est rien. La réussite est à ce prix et la sienne a été éclatante : pour finir, 1.000 employés et 100 millions de chiffre d’affaires dans ses divers établissements.
À l’heure où les restaurateurs demandent, faute de main-d’œuvre, à pouvoir embaucher des demandeurs d’asile pour faire la plonge, l’histoire de Robuchon devrait être enseignée dans les écoles.

Avant d’accumuler les étoiles et d’accéder à la célébrité mondiale, ce Poitevin, fils d’un maçon et d’une femme de ménage, a voulu être prêtre. Pas de grand-mère derrière les casseroles, pas de petit ou grand bouchon dans son cas, mais des sœurs ; celles qu’il accompagnait à la cuisine dans ses années de petit séminaire.
Dans un livre de souvenirs paru en 1992, il confiait : « Je préparais les légumes, je nettoyais les casseroles et le fourneau, c’était pour moi des grands moments de plaisir. À l’âge de 15 ans, lorsque j’ai dû trouver du travail à cause de difficultés familiales, j’ai choisi la cuisine parce qu’il me semblait que cette activité m’apporterait des satisfactions dans la vie. »
1re leçon de cuisine : les voies du Seigneur sont impénétrables…
2e leçon de cuisine : apprentissage et humilité.
Joël Robuchon a fait ses classes à Chasseneuil-du-Poitou, au Relais de Poitiers : « De 7 heures du matin à 23 heures, je faisais tout : récurer les casseroles, plumer, gratter, écailler, tondre le gazon, plier le linge… » Une excellente école du respect, à l’entendre : quand on est passé par là, on connaît la valeur des choses. À 21 ans, il sera « Poitevin la Fidélité » pour accomplir son tour de France « qui le confrontera au savoir-faire, au sens du partage et à la poigne d’acier de chefs de tout l’Hexagone », comme l’écrit Le Monde.
« Comme compagnon, disait Robuchon, j’ai appris une chose. Même si l’on pense avoir bien fait une chose, on peut toujours faire mieux. Et il n’y a pas de plus grande satisfaction personnelle que de donner le meilleur de soi-même. »
Voilà qui devrait être inscrit sur les tableaux (hélas numériques) des écoles.
On connaît la suite : meilleur ouvrier de France, récompenses, étoiles, réussite hors du commun…
3e leçon de cuisine : du travail, du travail, toujours du travail !
On a, dans notre pays, une attraction/répulsion pour les métiers dits manuels. On adule un grand chef étoilé mais envoyer un enfant vers l’apprentissage est une tare familiale que l’on cache aux voisins. 20 % d’illettrés et 90 % de bacheliers par année… Hors de l’abstraction, point de salut, paraît-il. Foutaise. La preuve par Robuchon. Oui, mais voilà, il faut accepter d’affronter la dure loi de ces métiers.

Je finirai donc par une anecdote.

Après de longues et brillantes études de management, puis une tout aussi brillante carrière comme DRH d’un grand groupe, une femme de ma connaissance a décidé de changer de vie pour réaliser enfin son rêve. La cinquantaine se profilant à l’horizon, elle s’est attelée à un CAP de pâtissier-glacier.

Pfffftttt… un CAP ! disent les fortes têtes en haussant les épaules.
Elle a obtenu son CAP, brillamment là encore, mais elle a fini épuisée, confiant à qui voulait l’entendre qu’elle avait passé là les stages et les épreuves les plus difficiles de sa vie. Au point qu’en cas d’échec, elle n’aurait pas renouvelé sa tentative !

Mais si, demain, vous dégustez ses sorbets, je vous promets que vous vous en souviendrez…

Marie Delarue

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