de l’abbé Henri Vannier, prêtre du diocèse de Coutances :
Pour répondre à certains propos tenus imprudemment, faut-il en appeler à la mesure et au bon sens, en faisant remarquer que la Tradition de l’Église appartient naturellement à l’Église en son Corps divinement constitué et non exclusivement à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, même si l’œuvre de Monseigneur Lefebvre, de pieuse mémoire, contribue à redonner à la Tradition liturgique et doctrinale héritée de nos Pères dans la Foi, sa place essentielle et incontournable au sein de la vie de l’Église.
Toute vraie fidélité à la divine Tradition s’inscrit nécessairement au cœur du Mystère de l’Église dans ses deux dimensions institutionnelle et charismatique : on ne peut séparer l’Église Société hiérarchisée instituée par Jésus Christ et l’Action du Saint Esprit : “Hors de l’Église, pas de Salut”. Revendiquer une fidélité absolue ou une religion pure et sans tâche au nom de la Foi seule, tout en protestant systématiquement contre la Communion hiérarchique du Corps ecclésial, entraîne fatalement un repli sur soi communautaire et idéologique, car, même en commençant par invoquer ce que l’Église a toujours cru et enseigné, par la suite, que deviennent les critères de vérité et le principe d’autorité ? Comment peut-on s’attacher coûte que coûte à la divine Tradition et en couper le lien sacré ?
Vous qui, aujourd’hui, tenez à la sainte Tradition de toutes vos forces, quelle garantie et quelle assurance avez-vous de pouvoir continuer demain à transmettre l’intégralité de l’authentique Tradition en dehors de l’Institution ecclésiale et indépendamment du Successeur de Pierre auquel le Seigneur a confié l’édification de son Église ?
Pour le moment, vous dites attendre que la hiérarchie se convertisse et corrige les erreurs issues du Concile Vatican II. Finalement, vous vous fiez davantage aux hommes plutôt que vous ne croyez au Saint Esprit ! Pourtant, n’est-ce-pas par le retour de la Tradition à l’intérieur du Corps même de l’Église que doit être mené à bien le bon combat de la Foi ? Non à l’extérieur.
Cessez donc, je vous prie fraternellement, de mettre la confusion dans l’esprit de vos fidèles en insinuant qu’il y aurait deux Églises : l’Église catholique, celle de la Tradition, et “l’Église conciliaire” ! L’Église de Jésus Christ est Une, son unique autorité légitime réside au sein de la Succession Apostolique.
On a entendu dire que là où il y a la Fraternité, il y a l’Église ! ! ! Mais il faudrait que la Fraternité entre pleinement dans la Communion visible de l’unique Église catholique.
Il n’est pas question de nier la crise ! C’est pourquoi justement, si la Sainte Église est occupée : allons-nous l’abandonner à ses occupants ? Si elle est éclipsée, allons-nous refuser de témoigner en elle de la lumière de la Vérité ? Si elle nous paraît entourée par le Mystère d’Iniquité : comment oublierions-nous qu’elle demeure l’Église de Dieu, Cité sainte et immaculée, Épouse bien-aimée du Seigneur, ayant les promesses de l’Éternité.
Barque du Salut, elle peut prendre l’eau de toutes parts mais elle ne coule pas. Ne pas la rejoindre, malheureusement, c’est s’exposer à s’égarer au loin, car, malgré la tempête contraire, elle avance et ne revient pas en arrière. Une fois la mer apaisée, elle colmatera les fuites, rejettera les erreurs, purifiera le cœur de ses disciples et reprendra de plus belle sa course. Serez-vous là au temps de la Relève ?
En effet, ne voyez-vous pas se lever ici ou là une nouvelle génération de prêtres et de fidèles de bonne volonté qui se détournent des illusions modernistes pour se rapprocher de la Tradition avec un véritable élan de Foi et d’Amour de Dieu ? En sortant de vos églises, vous pourriez aller à leur rencontre afin de leur offrir les trésors de doctrine et de piété que vous cultivez depuis près de cinquante ans. Enfouirez-vous la Tradition ou bien la ferez-vous paraître en plein jour de l’Église ? À vous qui avez beaucoup reçu, il vous est demandé de donner à votre tour.
Comment par exemple ne pas se réjouir de voir tous ces jeunes prêtres désireux de célébrer la Messe traditionnelle ? La Messe (lex orandi) contient la plus haute et la plus parfaite expression de la Foi catholique (lex credendi) : garde la Messe et elle te gardera dans la Foi ; prends la Messe et elle t’apprendra la Foi.
Ce pas en avant de votre Fraternité, pourquoi craignez-vous de le franchir, hommes de Foi ? Non seulement vous en recevriez votre part entière à la Mission universelle de l’Église, mais surtout, vous seriez emportés par un souffle puissant de liberté renouvelant votre zèle intérieur pour la sainte Tradition. Vous prendriez peut être davantage en compte les multiples défis auxquels sont confrontés les Évêques au milieu d’un monde indifférent ou hostile, tandis que le clergé diocésain découvrirait la solidité de votre formation, le sérieux de votre discipline et la ferveur de votre générosité.
Avez-vous connu Monseigneur Lefebvre ? Convenons ensemble qu’il est trop facile aujourd’hui de tirer de ses écrits, de ses déclarations publiques ou de ses confidences, ce que chacun veut entendre au gré de ses idées voire de ses humeurs.
Quoi qu’il en soit, ne voyez-vous pas la perplexité de nombreux catholiques de Tradition, surtout des combattants de la première heure, fidèles parmi les fidèles, de plus en plus déçus, inquiets, désemparés et prenant peur, parce qu’ils ne retrouvent plus avec vous l’enthousiasme initial de la Tradition conquérante. Savez-vous ce qu’ils craignent de votre part ? C’est votre propre trahison de la Tradition. Leurs cœurs restent attachés à la Fraternité mais ils vont ailleurs aussi, fatigués non du combat mais des discours inquisiteurs et moralisateurs plus proches de la lettre de l’ancienne loi que de l’esprit du Commandement nouveau.
Votre façon de traiter ceux que vous appelez “les ralliés” révèle votre difficulté à tourner la page de l’histoire, à faire bouger vos lignes, à serrer les rangs de la Chrétienté et à vous projeter sur le champ d’une épopée pleine d’Espérance ; au lieu de vous crisper sur place avec une certaine pusillanimité, vous feriez mieux de rebondir en commençant par redonner à la divine Liturgie sa splendeur édifiante et à la prédication de l’Évangile toute sa dimension spirituelle.
N’en déplaise, le Sacre des quatre Évêques en 1988 fut une décision audacieuse d’ordre prudentiel, non sans risques et débats, dont désormais les uns et les autres peuvent apprécier à leur juste valeur les avantages procurés à la Fraternité pour la continuation de son œuvre mais aussi, plus globalement, à l’ensemble de l’Église en passant par les Communautés “Ecclesia Dei”. Étonnant paradoxe ! Acte de rupture ? Cet événement a profité à toute la Tradition vivante de l’Église réconciliée avec elle-même et ouvre de nos jours cette inédite perspective : la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X appelée à renouer avec les institutions ecclésiales en offrant au Souverain Pontife les fruits de son inflexible ténacité.
Combien les voies de Dieu sont impénétrables, lesquelles nous invitent tous à l’humble sagesse de la Foi.
Source : tradinews
Photo : Mgr Lefebvre, fondateur de la FSSPX, avec Jean-Paul II.
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