.

.

lundi 27 août 2018

Prélèvement à la source : le stade suprême de l’oppression fiscale

Par Erwan Le Noan. Un article de trop Libre

Dans un pays où les dépenses publiques atteignent le niveau record de 53,9% du PIB en 2017, il est remarquable que cette ponction massive de richesse par les collectivités publiques se passe sans heurt. Cette capacité à porter atteinte au droit de propriété, de façon semi-consentie, illustre l’efficacité de l’administration qui a su développer les instruments pour collecter efficacement l’argent dont elle souhaite disposer. Dernière invention en date : le prélèvement à la source.

Prélèvement à la source : « tout le monde y gagne »… surtout l’État !

D’après Gérald Darmanin, il s’agirait d’ « une vraie simplification ». Le ministre du Budget ajoute : « Tout le monde y gagne ». Il aurait dû ajouter : « surtout l’État ».
Pour les services fiscaux, les avantages sont évidents. L’argent entrera plus rapidement, plus facilement. L’État réalisera des économies (mais aucun poste ne sera supprimé…). Demain, il pourra même faire varier les taux sans que le contribuable ne s’en aperçoive trop !
Pour le contribuable, justement, c’est une autre histoire. D’abord, il verra sa feuille de paie baisser. Ensuite, il n’échappera pas à la contrainte de la déclaration de revenus. Enfin, dès lors qu’il bénéficie d’une exonération (don, services à la personne…), il se trouvera visiblement dans la situation de devoir payer à taux plein pour n’être remboursé que de longs mois plus tard.
Quant aux entreprises, les voici transformées en agents de l’administration fiscale : demain, ce sont elles qui devront prélever l’impôt de leurs salariés et répondre aux multiples questions légitimes qu’ils auront face à ce mécanisme complexe.
Avec le prélèvement à la source, la société est mise au service de l’administration : c’est un extraordinaire outil d’externalisation de la complexité sur les contribuables. Une démocratie moderne devrait être inversée, l’État fonctionnant comme une plateforme de services, dont la vitrine simple et fluide cache un dédale de démarches compliquées, au service des citoyens.
L’État contemporain s’est mué en une extraordinaire machinerie dont le but est de prélever efficacement le maximum de ressources sur la société.

Régression de la sphère privée

Le prélèvement à la source est ensuite une nouvelle illustration de la façon dont l’État fiscal marque un recul lent et inexorable de la liberté. En premier lieu, à travers une régression de la sphère privée.
Lorsqu’on lui présenta le projet d’impôt sur le revenu, au tournant du XXe siècle, le Parlement s’offusqua : aller chercher dans les revenus des contribuables était une intolérable atteinte à leur intimité !
Aujourd’hui, les salariés verront leur taux d’imposition généralement révélé à leur employeur, dévoilant des informations jusque-là inconnues de lui. Quant à l’État, il continue de collecter, centraliser et accumuler toujours plus de données sur les citoyens…

Contrôler la société

En second lieu, à travers une progression du contrôle social, au nom de l’efficacité. Les exemples abondent : pourquoi faire la chasse aux particuliers qui partagent occasionnellement leur voiture ou leur logement, si ce n’est pour mieux les taxer ? Est-ce un hasard si, lorsqu’il pense régulation des GAFA, Bruno Le Maire ne parle que de la façon dont il pourra les taxer plus ?
Le prélèvement à la source s’inscrit dans cette logique : l’État contemporain s’est mué en une extraordinaire machinerie dont le but est de prélever efficacement le maximum de ressources sur la société, sans qu’il soit certain que les prestations fournies en contrepartie soient réellement à la hauteur… Un seul chiffre pour l’illustrer : le taux de chômage des jeunes est supérieur à 15% depuis 1982 (sauf un trimestre en 1989).

Cet article a été publié une première fois en mai 2018.

Source