Nous venons d’achever notre série d’articles pour relire Evangelium vitae
et rappeler à notre consoeur Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef de
« La Croix », quelques « fondementaux » sur la dignité de la personne
humaine de sa conception à sa mort naturelle – après son monstrueux « papier » sur le référendum irlandais.
Je profite de cette relative accalmie
estivale pour tirer quelques conséquences de cette affaire – d’autant
plus importantes, à mes yeux, que se profile une difficile révision des
lois de bioéthique dans quelques mois, qui exigera l’engagement sans
ambiguïté de tous les Français de bonne volonté, à commencer, bien sûr,
par les catholiques qui ont sur ces questions la doctrine et
l’enseignement les plus clairs et les plus cohérents.
Tout d’abord, il me faut préciser que
cette relecture quotidienne d’Evangelium vitae n’était pas (pas
uniquement du moins, ni même principalement) une façon de polémiquer
avec Mme de Gaulmyn. Bien sûr, comme tous les catholiques pro-vie, à la
rédaction du Salon beige, nous avons été scandalisés de voir le
quotidien officieux de l’épiscopat se faire le porte-parole de la
culture de mort, sous couvert d’un vague réalisme politique. Mais nous
en avons vu d’autres et nous serions bien volontiers passés à autre
chose si cette affaire n’avait pas été, pour nous, une occasion de nous
replonger dans nos « classiques ». Ce n’était donc pas seulement pour
Mme de Gaulmyn, mais pour nous tous, que nous avons eu la joie de relire
cette admirable encyclique de Jean-Paul II.
Si nous, catholiques de conviction, ne
sommes pas nourris de ce Magistère, il ne faut pas s’étonner des progrès
de la culture de mort. Profitons donc de l’été pour lire et relire
cette quarantaine de citations – ou mieux, l’encyclique intégrale. Ce
sera une excellente préparation pour le combat sur la loi de bioéthique.
Car, autant le dire clairement, même si nous sommes aussi réceptifs que
quiconque aux différents arguments « naturels » et « purement
politiques » (voire purement économiques) contre la recherche sur
l’embryon ou la PMA sans père, si nous nous opposons à ces dérives
libertaires, c’est parce que nous voyons dans l’homme le sommet de la
Création et dans l’union conjugale une réalité sacrée, voulue par Dieu
dès la fondation du monde, qu’aucun d’entre nous n’a le pouvoir de
modifier. La réponse du Christ tombe aussi nette qu’il y a deux mille
ans : C’est en raison de la dureté de votre cœur… Mais, dès l’origine,
il n’en fut pas ainsi.
A ce propos, je ne saurais trop
conseiller, au passage, à ceux qui auront le temps de lire et de méditer
pendant cet été de reprendre, non pas seulement Evangelium vitae, mais
aussi les catéchèses de Jean-Paul II sur le corps et le mariage qui ont
formé ce qu’on l’appelle désormais la « théologie du corps » (ces catéchèses ont été récemment rééditées).
La loi naturelle, ce n’est pas de la pure biologie ou ce que l’on peut
enseigner quand on est privé du Magistère ou de la Révélation, pour
cause de déchristianisation avancée ; non, la loi naturelle, c’est
fondamentalement la Raison du Créateur qui s’exprime dans ses créatures.
Même si elle est accessible à la simple raison, elle est
fondamentalement surnaturelle en ce qu’elle nous vient de Dieu même.
J’ose espérer que nous avons tous
profité de cette relecture collective d’Evangelium vitae. Il est
d’autant plus important de relire les encycliques et autres textes
prophétiques des derniers Papes sur la dignité de la personne humaine –
et tout spécialement de sa sexualité – qu’aujourd’hui, d’Humanae Vitae à
Veritatis Splendor, en passant par Donum Vitae, Evangelium Vitae ou
Familiaris Consortio, plusieurs non croyants (notamment écologistes)
parviennent par d’autres voies aux mêmes conclusions… et que trop de
catholiques choisissent précisément ce moment pour abandonner le
combat ! Alors même que le combat n’a jamais été plus nécessaire :
l’Adversaire (oui avec un A majuscule, car c’est clairement un projet
luciférien) en est à proposer l’euthanasie des « inutiles » ou
« l’autocréation » d’une humanité asexuée, « choisissant » à volonté
comment elle veut agir et même ce qu’elle veut être.
Tout l’enjeu des prochaines lois
bioéthiques est là : acceptons-nous notre merveilleux statut de
créatures libres et rationnelles voulues et rachetées par Dieu pour Le
servir et entrer en communion avec Lui ? Ou choisissons-nous, avec
Lucifer, de renverser l’ordre de la Création pour le rebâtir à notre
goût – au risque de détruire toute l’humanité réelle ?
Naturellement, je ne veux pas croire que
Mme de Gaulmyn opte pour la deuxième solution. Mais ses propos pour le
moins équivoques ruinent la première. Voilà pourquoi il nous a semblé
utile et nécessaire de revenir aux sources de notre doctrine sur ces
questions.
Mais c’est aussi l’occasion de rappeler
que, bien que tous les pseudo « réalistes » aient eu le plus souverain
mépris pour la politique de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, la
seule voie politique qui nous soit accessible est précisément celle
qu’ils nous ont indiquée : se battre sur la ligne de front des principes
non négociables.
Certes, cela signifie que nous avons
perdu de nombreuses batailles et ce n’est pas très flatteur sur notre
situation politique. Mais, étant donné la situation actuelle, il est
remarquablement efficace de se battre de cette façon. C’est même la
seule chose qui nous soit possible, au moins en matière de dignité de la
personne humaine.
Refuser la marchandisation du corps,
l’étatisation de la famille et de la société conjugale ou encore
l’appréciation d’une vie humaine à l’aune exclusive de ce qu’elle peut
« apporter » à l’économie nous permet de tenir une position
remarquablement solide. Et nous permet aussi de réunir autour de nous
tous les êtres humains de bonne volonté, attachés à cette humanité
concrète et non à une humanité rêvée, déracinée et, pour tout dire,
désincarnée.
J’ajoute que ce « Non possumus », que
Jean-Paul II opposa d’abord au national-socialisme et au communisme, et
dont il donna le signal contre le « démocratisme » dès le début des
années 1990, a permis de détruire ces deux premières idéologies
mortifères. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec la troisième et la
dictature du relativisme ?
Alors remercions Mme de Gaulmyn de nous
avoir ainsi offert l’occasion de nous préparer aux combats à venir et
prions pour qu’elle aussi ait profité de cette lecture estivale d’une
encyclique majeure – à la veille d’un débat législatif lui aussi
majeur !
Directeur du Salon beige
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