Anne Hidalgo a annoncé, dimanche, vouloir demander à la préfecture de police l’interdiction du festival Nyansapo,« festival afro-féministe militant à l’échelle européenne », organisé par le collectif Mwasi, qui devait se tenir à Paris, du 28 au 30 juillet 2017, dans des locaux publics appartenant à la ville de Paris.
Pour en faire la publicité, une affichette représente un groupe de jeunes femmes noires, sous une banderole portant l’inscription « Don’t agonize, organize! » Les débats et les rencontres doivent se dérouler dans quatre espaces dont un seul est ouvert à tous, les trois autres étant des espaces non mixtes, le plus important (80 % du festival) réservé aux « femmes noires ».
Cette discrimination n’a pas échappé à Wallerand de Saint-Just, secrétaire départemental de la fédération FN de Paris. Dans un communiqué, il demande des explications à Anne Hidalgo, concluant : « Alors qu’elle est toujours très prompte à dénoncer toutes les discriminations, nous ne saurions accepter que le maire de Paris ne réagisse pas face à cet acte flagrant de racisme. »
Anne Hidalgo ne pouvait faire autrement que de demander l’annulation du festival. D’autant plus que d’autres organisations ont également réagi : la LICRA a déploré « que le combat antiraciste soit devenu un alibi de repli identitaire », tout comme la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui a dénoncé « l’organisation d’un festival comportant des espaces “en non-mixité” fondés sur la race ».
Faut-il préciser que cette polémique a vite enflé et qu’un concours de tweets s’est ouvert autour du hashtag #JeSoutiensMwasi, pour défendre la liberté d’expression ? « Parce que nous avons le droit d’exister politiquement et de militer par nous-mêmes et pour nous-mêmes », a-t-on pu lire, ou encore : « Le “racisme anti-Blancs” est une invention de l’extrême droite et un outil contre la lutte anti-discrimination. » SOS Racisme a dû venir au secours d’Anne Hidalgo.
Certains médias, au contraire, tentent d’expliquer la non-mixité, se référant, comme Libération, à l’argument d’un sociologue : « La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’autoémancipation.
L’autoémancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés. » Quant à l’association Osez le féminisme !, elle a regretté, lundi matin sur France Info, l’instrumentalisation de cette affaire, estimant qu’il y avait une différence entre une non-mixité choisie et une non-mixité subie.
Cette affaire ne se réduit pourtant pas à une action pour l’émancipation des femmes noires. Il faut avoir la curiosité de visiter le site Internet du collectif Mwasi. On peut y lire, dans sa « déclaration politique », des propos qui montrent que ses objectifs dépassent de beaucoup le combat féministe : « MWASI est un collectif afroféministe qui s’inscrit dans les luttes de libération – révolutionnaire. Nous nous organisons en non-mixité en genre et en race, c’est à dire : ouvert aux femmes et aux personnes assignées femmes, noires et métisses. »
« Nous voulons, ajoute-t-il, notre plein droit à l’existence, à la libération, au bonheur et à l’autodétermination ; ce que nous obtiendrons par l’abolition de la négrophobie, de l’hétéro-patriarcat et du capitalisme. » Ou encore : « Nous aspirons à une société sans classe, débarrassée du capitalisme et nous nous opposons à toute célébration de la féminisation et/ou “diversification” des élites capitalistes. »
En fait, ce collectif, dont on ne connaît pas exactement les soutiens, mène une lutte identitaire, politique et révolutionnaire. Curieusement, les thuriféraires de cette cause n’en disent mot.
Philippe Kerlouan