Lettre ouverte publiée le 29 mai 2017 en polonais dans l’influent hebdomadaire conservateur Do Rzeczy ainsi qu’en français et en polonais sur le sitedorzeczy.pl.
Monsieur le Président de la République,
Entre les deux tours de l’élection présidentielle française, le 1ermai, vous avez clamé à vos partisans la chose suivante : « Les amis de madame Le Pen, ses alliés, vous les connaissez : ce sont les régimes de messieurs Orbán, Kaczyński, Poutine. Ce ne sont pas des régimes de démocratie ouverte et libre. Nombre de libertés y sont bafouées chaque jour et, avec elles, nos principes. » Auparavant, dans le journal La Voix du Nord daté du 27 avril, vous aviez promis que, si les Français vous élisaient à la présidence de la République, vous demanderiez rapidement des sanctions contre la Pologne, affirmant qu’il ne peut y avoir de pays « qui joue des écarts fiscaux sociaux au sein de l’Union européenne et qui [soit] en infraction de tous les principes de l’Union ». Vous avez encore précisé : « Sur le dossier de Whirlpool, dans les trois mois qui suivront mon élection, il y aura une décision prise sur la Pologne. Je mets ma responsabilité sur la table sur ce sujet. […] Je veux qu’on regarde le cas de la Pologne dans son intégralité.
Et que sur les sujets des droits et des valeurs de l’Union européenne des sanctions soient prises. »
À lire vos menaces contre la Pologne, il semblerait que vous reprochiez à ce pays d’allier pratiques de dumping social et violation des principes de l’Union européenne. Vous ne dites pas de quels principes il s’agit, mais votre discours du 1er mai permet de mieux vous comprendre.
Il est assez curieux d’entendre un candidat à la présidence de la République qui s’était présenté pendant toute la campagne comme favorable à l’Union européenne, à toujours plus d’intégration entre pays de l’Union européenne, au libre-échange et à la libre concurrence reprocher à un autre État membre la délocalisation d’une usine décidée par une entreprise privée, en l’occurrence Whirlpool. Certes, les salaires en Pologne sont plus bas que les salaires en France, mais la productivité du travail aussi, la Pologne n’ayant pas encore, comme tous les pays ayant eu à subir la dictature communiste et l’occupation soviétique jusqu’en 1989-90, entièrement rattrapé son retard économique sur la partie occidentale du continent. Je vous signale cependant au passage que le gouvernement polonais actuel, dirigé par le Premier ministre Beata Szydło, du parti social-conservateur Droit et Justice (PiS), a imposé pour la première fois en Pologne un salaire horaire minimum (de 12 złotys, soit un peu moins de 4 €) et le paiement des cotisations sociales quelle que soit la relation de travail (relevant du Code du travail ou du Code civil). Pourquoi donc accuser ce gouvernement de dumping social alors que vous ne trouviez rien à redire, en tant que secrétaire général adjoint du cabinet du Président Hollande puis ministre de l’Économie du gouvernement Valls, au gouvernement libéral de Donald Tusk puis d’Ewa Kopacz ? C’est d’autant plus étrange que Donald Tusk, l’actuel président du Conseil européen, avait au contraire libéralisé, à son arrivée au pouvoir en Pologne en 2007, le recours aux contrats de droit civil, permettant de contourner le Code du travail polonais et de payer des cotisations sociales très allégées.
Quant aux libertés « bafouées chaque jour et, avec elles, nos principes », permettez-moi de vous dire que dans la bouche d’un Président français, c’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité ! Ce n’est pas en Pologne, mais en France, qu’il y a des zones de non-droit où les droits et libertés des honnêtes citoyens ne sont plus protégés par l’État. Ce n’est pas non plus en Pologne, mais en France,… LIRE LA SUITE ICI
Olivier Bault