+VIDEO. Elus, dirigeants et régulateurs américains et européens ont demandé des comptes à Facebook, accusé d'avoir permis une exploitation politique des données de 50 millions de ses utilisateurs.
Cette fois, Mark Zuckerberg ne pourra pas se contenter de partir à la rencontre de l'Amérique profonde
pour répondre aux reproches qui lui sont adressés, comme il l'avait
fait après la victoire de Trump. Les accusations dont le réseau social
fait l'objet depuis ce week-end ont provoqué une véritable tempête des
deux côtés de l'Atlantique, faisant fondre plus de 60 milliards de dollars
de capitalisation boursière pour le groupe de Menlo Park. Une première
pour l'entreprise dont rien n'a semblé pouvoir altérer jusqu'ici la
performance boursière.
La révélation samedi, par le « New York Times »
et l'« Observer » de la façon dont le réseau social a laissé le
cabinet d'études britannique Cambridge Analytica exploiter les données
personnelles de 50 millions d'utilisateurs, alors que celui-ci oeuvrait
pour la campagne de Donald Trump, a suscité un tollé non seulement aux
Etats-Unis mais aussi en Europe. Mardi, alors que le titre continuait à
chuter à Wall Street, des voix s'élevaient pour demander des mesures
plus fermes et des enquêtes approfondies sur la façon dont le géant gère
et commercialise les données de ses utilisateurs.
A
Washington, la commission fédérale du commerce (FTC), chargée de
protéger les consommateurs et de prévenir les comportements
anticoncurrentiels aux Etats-Unis, a ouvert une enquête mardi, selon la presse américaine
. Et les élus républicains et démocrates, déjà fort remontés contre
l'entreprise mise en cause pour son rôle joué dans la diffusion de
fausses informations pendant la campagne électorale, ne cachaient pas
leur colère. « Facebook, Google, et Twitter ont amassé des quantités
inédites de données personnelles, qu'ils utilisent pour vendre de la
publicité, y compris politique, ont déclaré dans un communiqué commun les sénateurs démocrate et républicain Amy Klobuchar et John Kennedy. Le
manque de supervision sur la façon dont ces données sont stockées et
dont la publicité est vendue soulève des questions sur l'intégrité des
élections ainsi sur la protection de vie privée ». A ce stade, les élus n'ont pas encore demandé formellement à auditionner les dirigeants de l'entreprise.
En Europe, en revanche, les élus britanniques et européens comptent bien entendre Mark Zuckerberg. « Nous
avons demandé à plusieurs reprises à Facebook comment les entreprises
acquièrent et conservent les données de leurs utilisateurs, en
particulier pour savoir si elles ont été prises sans leur consentement, a indiqué Damian Collins, le président de la Commission de la Culture, des Médias et du Sport à la Chambre des communes. Vos réponses officielles ont constamment sous-estimé ce risque, et ont été trompeuses ». Le
régulateur britannique chargé de la protection des données privées a de
son côté indiqué qu'il voulait enquêter dans les fichiers de Cambridge
Analytica. Et il a précisé mardi avoir obtenu de Facebook d'arrêter sa
propre enquête, susceptible de compromettre la sienne.
« Facebook a besoin de clarifier devant les représentants de
500 millions d'Européens le fait que les données personnelles ne sont
pas exploitées pour manipuler la démocratie », a tweeté Antonio
Tajani, le président du Parlement Européen, qui a lui aussi invité Mark
Zuckerberg à venir s'expliquer devant les élus, tandis que la
commissaire à la justice Vera Jourova compte évoquer le sujet avec les
officiels américains qu'elle doit rencontrer lors d'un déplacement cette
semaine.
Assailli par cette vague de critiques, Facebook a fait profil bas. « Une grande partie des critiques qui nous ont été adressées ce week-end sont pertinentes, et je les suis de près, et j'écoute »,
a écrit Andrew Bosworth, un dirigeant de Facebook, qui a ouvert une
discussion en direct avec ses utilisateurs mardi. Le réseau social
affirme avoir suspendu ses relations avec Cambridge Analytica et va
faire un audit exhaustif de l'entreprise, qui l'a autorisé à accéder à
ses serveurs et systèmes.
Mise en cause de
façon répétée depuis deux ans, Facebook a toutefois été bien en peine de
répondre aux questions soulevées sur l'ampleur de son influence
politique. Après avoir nié toute responsabilité dans la diffusion
massive de fausses informations pendant la campagne, elle a fait
quelques corrections, promettant d'indiquer l'origine du financement des publicités politiques, ou de filtrer davantage les fils d'actualité. Des mesures dont il n'est pas certain qu'elles suffisent à calmer la colère des élus.
Elsa Conesa et Alexandre Counis