par Antonin Campana
Nous
sommes constamment exposés à des flux de messages médiatiques. Il est
quasiment impossible de s’en protéger. Celui qui serait sous-exposé, en
n’ayant pas la télévision par exemple, aurait toute les chances de
passer pour un original et de subir un processus de désocialisation.
Pour être « intégré », il faut en effet connaître des codes et avoir des
références qui sont souvent le produit de messages médiatiques.
Impossible, par exemple, de participer à certaines conversations si l’on
n’a pas regardé l’OM à la télé, si l’on ne connaît pas les chansonniers
à la mode, si l’on n’a pas vu le nouveau film de Woody Allen, ou si
l’on ne peut commenter les propos philosophiques de Cyril Hanouna.
Cette
avalanche de messages médiatiques impose progressivement dans les
esprits une représentation de la réalité qui paraît plus réelle que le
réel. Il s’agit bien sûr d’une réalité falsifiée qui ne représente
qu’elle-même et qui crédibilise « notre » modèle de société. Le problème
est que cette réalité falsifiée apparaît de plus en plus comme la seule
réalité et que c’est en fonction de celle-ci, et pas du vrai réel, que
les « décideurs » prennent leurs décisions. Même ceux qui construisent
cette réalité falsifiée sont aujourd’hui dans l’obligation psychologique
de la prendre comme critère, comme référence et comme justification de
leurs choix politiques, géopolitiques, sociétaux ou économiques. Nous
aboutissons à un monde kafkaïen qui ne peut à terme que se fracasser sur
le monde réel qui, bien que nié, existe toujours.
Prenons quelques exemples pour être plus clair.
On
sait que la propagande clintonienne sur les relations de Donald Trump
avec la Russie, puis sur l’ingérence russe dans les élections
américaines, a été reprise par l’ensemble des médias occidentaux. Ce
discours de propagande, qui ne repose sur aucun fait précis, dont le
contenu s’apparente à un dénigrement de cours de récréation et qui, dans
sa première mouture, se réduit à un simple élément de langage
politicien, est indissociable des dernières élections présidentielles
américaines. Ce discours consécutif à la campagne électorale et lié à la
politique intérieure américaine a été repris, gonflé, constamment
répété et agrémenté de nouvelles « révélations » sur le complot russe à
seule fin d’orienter l’élection puis de neutraliser le président élu.
Ce qui n’était à l’origine qu’une stratégie de communication politique
destinée à retourner l’opinion publique en faveur d’Hillary Clinton est
devenue au fil des mois, à force d’être récitée par toutes les
télévisions, tous les journalistes, tous les politiciens, tous les
journaux, une vérité en soi. Une vérité incontestable : la réalité à
partir de laquelle il convenait de raisonner et d’appréhender les
relations avec la Russie !
Cette
description volontairement falsifiée de la réalité, simple opération de
propagande électorale à l’origine, a très vite eu des répercussions sur
la politique extérieure américaine. Comment, si l’on tient pour vrai le
complot russe, proposer un « rapprochement » avec la Russie ? Comment,
bien que les nécessités géopolitiques et les risques de guerre
l’imposent, entamer des discussions avec Vladimir Poutine ? Les
Etats-uniens sont prisonniers du système de représentation qu’ils ont
fabriqué. Au risque d’une guerre avec la Russie, ils ne peuvent plus en
sortir sans perdre la face.
La
réalité falsifiée a donc un impact certain sur la politique étrangère
des pays occidentaux. Cette pseudo-réalité est ici une construction
purement politico-médiatique. Mais La représentation falsifiée de la
réalité peut se doter aussi d’un habillage scientifique qui la rendra
plus crédible. Ainsi du discours sur le changement climatique d’origine
anthropique et la transition énergétique.
Ce
discours, véritable bruit de fond de la communication médiatique,
s’apparente davantage au discours d’une Eglise avec son credo, ses
hérétiques et ses excommuniés, qu’à un discours véritablement
scientifique. Quand les thèses divergentes ne peuvent ni se faire
entendre, ni même s’exprimer, alors le discours qui ne se laisse pas
contester sort du domaine de la science pour entrer dans celui des
représentations religieuses. Or les politiciens, sans l’avoir étudié,
« croient » au système de représentation de la réalité proposé de
manière totalitaire par le GIEC. Ils croient qu’il y a d’une part un
changement climatique et que d’autre part l’homme en est l’unique
responsable. Leur action découlera non d’un jugement éclairé après un
libre débat mais d’une foi dans l’énoncé de vérités révélées dans les
bibles médiatiques. Or, ce système de représentation médiatisé
entraîne un certain nombre de choix qui pourraient s’avérer
catastrophiques. En effet, le réel-vrai nous dit que l’humanité a besoin
d’énergie pour subvenir à ses besoins, que l’énergie, notamment
fossile, a tendance à se raréfier ou à devenir moins accessible, qu’il
n’existe pas pour le moment de source d’énergie qui pourrait remplacer
le pétrole et le gaz. Or, dans la réalité de substitution des
politiciens et des journalistes, les énergies fossiles sont responsables
du réchauffement climatique et les éoliennes ou les panneaux solaires
vont bientôt pouvoir remplacer gaz, charbon et pétrole (et même le
nucléaire !). Jugeant en fonction de cette fausse réalité, les
politiciens en viennent à la conclusion que l’on peut dès à présent
cesser de financer la recherche et l’extraction de gaz et de pétrole.
Ainsi la Banque mondiale arrêtera
l’année prochaine de financer la recherche et l’exploitation de
nouveaux gisements de pétrole et de gaz. Le gouvernement « français » vient d’interdire
la recherche et l’exploitation de gaz et de pétrole sur son territoire.
Dans le sillage de l’Accord de Paris, d’autres pays vont suivre. Certaines banques refusent déjà de financer les activités liées aux hydrocarbures non conventionnels.
L’attachement
au système de représentation de la réalité plutôt qu’au réel-vrai, va
avoir des conséquences considérables dans les années qui viennent. La
réduction des investissements dans l’exploration pétrolière en 2015-2016
a fait chuter
les découvertes de 9 milliards de barils depuis 2000 à 2,4 milliards de
barils l’an dernier (21 milliards de barils en 2014 !). Autrement dit,
la pénurie de pétrole qui se profile de toute façon (le pic de
production a déjà été atteint) risquera d’être beaucoup plus sévère et
rapide. Or, il y a un rapport étroit entre croissance et quantité
d’énergie disponible. Moins d’énergie injectée dans l’économie signifie
décroissance de la production. Et la décroissance signifie chômage,
problèmes sociaux, effondrement économique. L’idéologie du changement
climatique va-t-elle en répondre ?
L’effondrement
économique est d’ailleurs une perspective qui est écartée du système de
représentation de l’économie servi par les médias. Depuis 2008, ce
système peut se résumer en un leitmotiv : « la croissance repart » !
Comme d’habitude, tout le monde adhère au système de représentation :
même si les gens ne sont pas complètement dupes, ils laissent dormir
leur argent en banque. Pourtant le réel-vrai nous montre tout autre
chose : une montagne de dette qui ne cesse de croître et qui ne sera
jamais remboursée, des bulles financières qui ne demandent qu’à éclater,
des Etats virtuellement en faillite, une croissance atone, des lois qui
prévoient de puiser l’argent des épargnants pour renflouer les banques
en faillite, le chômage qui s’accroît, la planche à billet qui nourrit
la bourse, etc. La réalité falsifiée et médiatisée dit que tout va
continuer comme avant. La réalité vraie dit que rien ne peut continuer
comme avant. Pourtant, puissance du message médiatique oblige, la
population produit et consomme imperturbablement, comme si rien n’allait
changer pour elle, comme si elle n’allait pas payer tôt ou tard le prix
du « réajustement nécessaire ».
Dernier
exemple : le système sociétal de représentation des sexes. Selon ce
système, une femme est un homme sans testicules, ou, si l’on préfère, un
homme est une femme comme les autres. Le message médiatique dit
qu’hommes et femmes sont identiques et qu’il ne devrait pas y avoir de
rôles sociaux dévolus aux uns plutôt qu’aux autres. La confusion des
sexes est en effet l’un des grands thèmes structurants de la
propagande-Système.
Là
encore, faisant fi de la nature, nous pouvons observer que c’est en
fonction de la réalité falsifiée et non du réel-vrai qu’évoluent les
lois, les choix sociétaux et même les mœurs en général. L’histoire de
l’humanité et la biologie (qui démontrent qu’hommes et femmes sont
différents et complémentaires) ne comptent pour rien face à la réalité
falsifiée que télévision, publicité et cinéma font entrer dans les
têtes. Progressivement, les comportements sociaux évoluent comme si
hommes et femmes n’existaient plus vraiment et s’étaient en quelque
sorte dissous dans la « femâlité », catégorie intermédiaire faite de
femmes viriles et d’hommes efféminés.
Pourtant
le/la « femâle » est un type humain mutant et non viable qui contredit 2
millions d’années d’évolution. Pourquoi le femâle n’est-il pas viable ?
Parce qu’une société qui ne confie plus la procréation aux femmes et la
défense du groupe aux hommes est condamnée à être rapidement remplacée
par des populations dont les femmes enfantent sous la protection des
hommes. La femâlité est donc un phénomène temporaire, une parenthèse
contre-nature, un court moment qui précède l’effacement.
Tout
ce qui contredit le réel vrai est d’ailleurs par avance condamné. La
réalité falsifiée ne peut s’imposer que dans une société où les besoins
élémentaires sont généreusement satisfaits. Se mentir est un luxe
réservé à ceux qui sont sortis de la lutte pour la vie. Il est possible,
lorsque l’assiette est pleine, de faire comme si l’économie se porte
bien. Il est possible, dans un monde pacifié et aseptisé, de se passer
des qualités masculines. Il est possible, quand on peut faire facilement
son plein, d’ignorer le problème énergétique. Il est possible, tant que
les Russes se taisent, de les stigmatiser impunément. Mais imaginons
que l’assiette se vide, que le pétrole vienne à manquer et qu’il soit
nécessaire de défendre physiquement sa famille ? Ce surgissement du réel
remettrait instantanément chaque chose à sa place.
C’est
une règle : l’image falsifiée de la réalité s’efface immédiatement
quand surgit le réel-vrai. Prenons l’exemple du mythe de la
multiracialité heureuse que le message médiatique cherche à imposer dans
les esprits. Nous pouvons facilement constater que ce message est
parfaitement accepté par la classe des bobos urbains surprotégés, qui ne
connaît pas réellement le « vivre-ensemble ». Par contre, ce message ne
prend pas chez les Autochtones vivant dans des quartiers où la
multiracialité est une réalité vraie : il n’est tout simplement pas
crédible.
Quoi
qu’il en soit, le retour dans le monde réel est inéluctable pour tous.
On ne pourra longtemps faire comme si ce monde réel n’existe pas. Il en a
toujours été ainsi : celui-ci s’imposera tôt ou tard comme une évidence
aussi cruelle qu’incontestable. Les fabricants de réalités falsifiées
devront se taire : plus personne ne pourra ni mentir, ni se mentir. Le
bon sens voudrait que l’on passe en douceur de la réalité falsifiée au
réel-vrai. Mais personne n’invitera le réel-vrai. Nos dirigeants sont
allés trop loin. Ils ne peuvent plus faire machine arrière. Autrement
dit, le réel-vrai va s’imposer de manière brutale, lors d’un
effondrement économique, d’une crise migratoire de trop, d’une guerre ou
d’une rupture de l’approvisionnement énergétique… La réalité falsifiée
nous entraîne vers des catastrophes qui vont la révéler et nous
réveiller.
Nous
allons bientôt apprendre à nos dépens que nous ne vivons pas dans le
monde réel, mais dans un simulacre de monde réel. Un grand nombre de
choses que nous tenons pour indiscutables vont apparaître dans toute
leur fatuité. D’autres, que nous considérons avec mépris comme des
préjugés, nous sembleront des lois d’airain. Le retour au monde réel se
fera comme un enfantement : dans la douleur. Autant le savoir et s’y
préparer.
Antonin Campana