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lundi 19 mars 2018

L’édito – Euthanasie et transhumanisme, les contradictions d’un monde hédoniste.

Depuis plusieurs années les tentatives pour légaliser l’euthanasie reviennent, de législature en législature, sans grand succès, mais dans le but d’habituer l’opinion. Cette fois-ci, il est bien possible que l’offensive décisive soit décidée. Président de la commission des affaires sociales, Jean-Louis Touraine est un militant acharné de ce qui restera, même légalisé, le fait de donner la mort. Sa tribune a reçu le soutien de 156 députés, autant dire qu’un vote favorable est désormais très probable. Pourquoi un tel acharnement ? Officiellement, on fait pleurer dans les chaumières sur le droit à mourir dans la dignité. La première question est donc de savoir de quelle dignité parlons-nous ? On s’aperçoit très vite qu’il s’agit d’une dignité humaine très utilitariste (ce que partagent libertarien et marxistes, pour des raisons diverses). A partir du moment où vous n’êtes plus utile ou capable de vous débrouiller seul, vous perdez votre dignité. En creusant on se rend compte qu’on perd sa dignité dans le regard de ses proches, parce qu’un vieux ça dérange. Ça dérange parce qu’il faut s’en occuper et s’occuper des vieux, comme avoir des enfants, est perçu comme une restriction à sa liberté (entendons à sa capacité de profiter de la vie). Ça dérange parce que ça coute cher pour rien. Ça dérange enfin parce qu’ils sont le rappel de notre finitude et de l’absurdité d’une vie sans au-delà. Alors, il faut éradiquer l’image de la dégénérescence et pour ce faire, envoyer ad patres cette image d’un futur personnel qu’on refuse. Bref « cachez moi cette mort que je ne saurais voir ».
Dans le même temps, le transhumanisme affiche sa volonté de créer un surhomme, infaillible et immortel. Cherchez l’erreur ! Ainsi le patron de Google, personnellement terrifié à l’idée de mourir, investit milliards sur milliards pour « tuer la mort ». Bref, d’un côté on tue la mort et de l’autre on tue la vie. Mais une telle contradiction procède bien d’un même mouvement, jouir sans fin et sans obstacle de la vie. Refusant l’éternité bienheureuse, l’homme d’aujourd’hui refuse le passage qui conduit à la vie éternelle en sortant de son champ de vision la vieillesse et la souffrance, les confiant à des maisons spécialisées en attendant de les éradiquer tout simplement, comme on éradique les trisomiques, rappels insultants de la finitude humaine. Mais l’homme ne peut tromper que son quotidien, car, au fond de lui, il sait sa finitude, il sait que « tout s’arrêtera » et cet abyme le terrifie au point de tout miser sur l’éternité du fini en « augmentant l’homme ». L’euthanasie n’est qu’une étape dans le processus, puisque l’homme immortel est à venir. Mais l’euthanasie ainsi définie, demeurera alors le moyen d’expurger les éventuelles tares du système transhumaniste. L’un comme l’autre ne sont en fait que le fruit amer de la perte de transcendance et de l’hédonisme qui confond jouissance et bonheur. M’est avis que nous ne remporterons la victoire contre ces deux fléaux qu’en réintroduisant dans le cœur de nos contemporains la conscience de la transcendance et l’amour de Dieu. Tout le reste, au mieux retardera la date fatidique (et pour nous donner du temps ce n’est pas inutile), au pire ne sera que pansement sur jambe de bois.

Cyril Brun, rédacteur en chef