La semaine dernière, Le Point titre, en une, « Erdogan, le dictateur », avec le portrait du président turc. En sous-titre, une question : « Jusqu’où ira Erdogan ? » Et l’annonce des principaux thèmes de l’enquête réalisée par l’hebdomadaire : « Sa folie des grandeurs, ses réseaux en France, son offensive sur l’Algérie, ses crimes… » Une affichée sur les kiosques à journaux.
Vendredi dernier, au Pontet, dans le Vaucluse, près d’Avignon, la réaction de la communauté turque ne se fait pas attendre. Attroupement autour du kiosque des partisans d’Erdoğan, qui somme le brave kiosquier de retirer l’affiche. Ce dernier n’a pas les clés. C’est un employé de la société prestataire qui vient, l’après-midi, de Marseille pour retirer l’affiche. Le lendemain, en tout début d’après-midi, le maire du Pontet, Joris Hébrard, dans un communiqué à la presse, explique les actions qu’il a entreprises. C’est ainsi qu’il a demandé au directeur régional de la société Decaux de « faire remettre l’affiche au plus tôt » en lui assurant que pour « garantir la sécurité de l’afficheur », il « mettra les forces de police municipale nécessaires lors de son intervention » et qu’il « sollicitera si besoin les forces de gendarmerie par l’intermédiaire du préfet ». L’après-midi, c’est chose faite, sous le contrôle et la présence effective du directeur de cabinet du maire. Une trentaine d’individus hostiles, d’origine turque, se rassemblent alors autour du kiosque, certains proférant des menaces de mort à l’encontre de Xavier Magnin – c’est le nom du directeur de cabinet – qui a raconté les faits lundi au micro de Boulevard Voltaire. Voilà donc comment les faits se sont déroulés.
Voici, maintenant, comment Le Point les relate dans son édition Internet de dimanche matin. Sous le titre « Quand les soutiens d’Erdogan s’en prennent au Point », on lit : « La campagne d’affichage du Point est maintenue sur tout le territoire. Dès samedi, Le Point a demandé le rétablissement dans les kiosques précités [un incident similaire a eu lieu à Valence, dans la Drôme], ce qui fut fait dans les deux heures. Le kiosque du Pontet est désormais placé sous la protection des gendarmes. » Rien sur l’action du maire, un maire qui, le matin même dans son communiqué, déclarait : « On ne transige pas avec la liberté d’expression en France, et encore moins au Pontet. » Rien sur la prise de risque physique de son plus proche collaborateur. Rien sur les menaces. À lire Le Point, on comprend que le rétablissement de l’affiche du Pontet est lié à la seule action du Point.
Pourquoi ces omissions, ces imprécisions ? Est-ce parce que le maire du Pontet est Front national. On n’ose l’imaginer.
Lundi, l’affaire a pris une tournure nationale et c’est très bien. Le président de la République a déclaré dans un tweet : « Il est parfaitement inacceptable que des affiches du Point soient retirées des kiosques de presse au motif qu’elles déplaisent aux ennemis de la liberté, en France comme à l’étranger. La liberté de la presse n’a pas de prix : sans elle, c’est la dictature. » Les commentateurs, les politiques se relaient devant les caméras pour défendre la liberté de la presse et prononcent des phrases définitives magnifiques. Un petit mot pour ceux qui la défendent, loin des caméras, sur le terrain, ici en France, quelque part dans le Vaucluse, ne serait pas superflu…
On ne transige pas avec la liberté de la presse. On ne devrait pas transiger, non plus, avec la vérité. Et ne pas dire toute la vérité, est-ce bien dire la vérité ?
Georges Michel
Source
Vendredi dernier, au Pontet, dans le Vaucluse, près d’Avignon, la réaction de la communauté turque ne se fait pas attendre. Attroupement autour du kiosque des partisans d’Erdoğan, qui somme le brave kiosquier de retirer l’affiche. Ce dernier n’a pas les clés. C’est un employé de la société prestataire qui vient, l’après-midi, de Marseille pour retirer l’affiche. Le lendemain, en tout début d’après-midi, le maire du Pontet, Joris Hébrard, dans un communiqué à la presse, explique les actions qu’il a entreprises. C’est ainsi qu’il a demandé au directeur régional de la société Decaux de « faire remettre l’affiche au plus tôt » en lui assurant que pour « garantir la sécurité de l’afficheur », il « mettra les forces de police municipale nécessaires lors de son intervention » et qu’il « sollicitera si besoin les forces de gendarmerie par l’intermédiaire du préfet ». L’après-midi, c’est chose faite, sous le contrôle et la présence effective du directeur de cabinet du maire. Une trentaine d’individus hostiles, d’origine turque, se rassemblent alors autour du kiosque, certains proférant des menaces de mort à l’encontre de Xavier Magnin – c’est le nom du directeur de cabinet – qui a raconté les faits lundi au micro de Boulevard Voltaire. Voilà donc comment les faits se sont déroulés.
Voici, maintenant, comment Le Point les relate dans son édition Internet de dimanche matin. Sous le titre « Quand les soutiens d’Erdogan s’en prennent au Point », on lit : « La campagne d’affichage du Point est maintenue sur tout le territoire. Dès samedi, Le Point a demandé le rétablissement dans les kiosques précités [un incident similaire a eu lieu à Valence, dans la Drôme], ce qui fut fait dans les deux heures. Le kiosque du Pontet est désormais placé sous la protection des gendarmes. » Rien sur l’action du maire, un maire qui, le matin même dans son communiqué, déclarait : « On ne transige pas avec la liberté d’expression en France, et encore moins au Pontet. » Rien sur la prise de risque physique de son plus proche collaborateur. Rien sur les menaces. À lire Le Point, on comprend que le rétablissement de l’affiche du Pontet est lié à la seule action du Point.
Pourquoi ces omissions, ces imprécisions ? Est-ce parce que le maire du Pontet est Front national. On n’ose l’imaginer.
Lundi, l’affaire a pris une tournure nationale et c’est très bien. Le président de la République a déclaré dans un tweet : « Il est parfaitement inacceptable que des affiches du Point soient retirées des kiosques de presse au motif qu’elles déplaisent aux ennemis de la liberté, en France comme à l’étranger. La liberté de la presse n’a pas de prix : sans elle, c’est la dictature. » Les commentateurs, les politiques se relaient devant les caméras pour défendre la liberté de la presse et prononcent des phrases définitives magnifiques. Un petit mot pour ceux qui la défendent, loin des caméras, sur le terrain, ici en France, quelque part dans le Vaucluse, ne serait pas superflu…
On ne transige pas avec la liberté de la presse. On ne devrait pas transiger, non plus, avec la vérité. Et ne pas dire toute la vérité, est-ce bien dire la vérité ?
Georges Michel
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