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jeudi 31 mai 2018

Entre le petit « mâle blanc » et les grands blacks, Emmanuel Macron a choisi


Emmanuel Macron a utilisé l’expression « mâle blanc » en évoquant le plan Borloo pour la banlieue. Ce plan serait inapproprié car constituant « l’échange entre deux mâles blancs ». La banlieue, devenue zone « sensible » serait donc devenue si sensible qu’elle devrait être considérée comme une terre à part, domaine des seuls « racisés », interdite aux Gaulois ?

Yvan Rioufol, sur Cnews, a dénoncé à juste titre cette expression comme favorisant le communautarisme. C’est vrai, mais il y a plus. Cela s’inscrit dans le projet international d’une inversion des rapports de domination.

En Europe, le Noir est apparu sous sa désignation grecque de « Maure » (mavros = noir) dès l’Antiquité. Au XIIe siècle, dans La Chanson de Roland, il apparaît sous les traits du roi sarrasin de Saragosse, Marsile. Fin XVIe le modèle d’Othello, le Maure de Venise, de William Shakespeare, est aussi un roi – marocain, cette fois.

Mais au XIXe, le Noir apparaît comme une victime, celle du commerce d’esclaves avec le Nouveau Monde décrit par La Case de l’oncle Tom, de Harriet Beecher Stowe, ou Les Aventures de Huckleberry Finn et de Tom Sawyer, de Mark Twain.

Au XXe siècle, la littérature enfantine de Jean de Brunhoff – Babar – et de Hergé – Tintin au Congo – véhicule une double image. Gentil naïf et drôle, il éveille la sympathie. Cannibale, soumis à un sorcier jeteur de sorts au masque terrifiant, il est ressenti comme une menace.
Notre XXIe siècle pérennise l’image de la victime – sans-papiers jetés dans des bateaux de fortune au péril de leur vie pour fuir la guerre ou la famine et aborder sur nos côtes – mais lui superpose une image valorisante. Devenu l’unique ancêtre d’une humanité présumée entièrement africaine à l’origine, star multimillionnaire des terrains de foot, pouvant revendiquer le président de l’État le plus puissant du monde comme un des leurs hier, l’accueil par la plus vieille famille régnante de l’État le plus colonisateur de la planète d’une des leurs, le « Noir », aujourd’hui devenu « Eurafricain » ou « Afro-Américain », est passé du mépris à la gloire.
L’expression « mâle blanc » s’inscrit dans ce contexte.

Désormais, en Occident, ce n’est plus le seul Noir qu’on désigne comme présentant une particularité visible le distinguant de l’ensemble de la population autochtone, mais aussi le Blanc.

De même, le héros n’est pas seulement Arnaud Beltrame, mais aussi Lassana Bathily, qui a sauvé des otages de l’Hyper Cacher en 2015, ou Mamadou Gassama, qui a sauvé hier un petit garçon menaçant de tomber d’un balcon.

Entre Borloo, le petit « mâle blanc » rigolard à barbe grise, et les grands blacks intrépides des cités, Emmanuel Macron a donc choisi. La banlieue sera leur affaire. Ainsi se réalisera la « politique inclusive » qu’il a mentionnée lors de la conférence de presse de vendredi dernier en Russie à propos de la Syrie, devant un Poutine dubitatif.

Dès 2011, Guy Hagège, dans Le Monde, la définissait comme « un projet universel de personnalisation de la politique » en fonction « des différences de la personne », afin de lui donner « toutes les chances de réussite dans la vie ». À l’époque, la « différence » était le handicap, et cela concernait toute la France.

Mais en Syrie, comme dans nos banlieues, on peut craindre que cette « politique inclusive » n’implique une reconnaissance, voire une promotion des « différences » ethniques et religieuses qui pourrait mener au séparatisme.

Ce qui, comme au Kosovo, pourrait favoriser un autre projet universel : le projet postnational.

Catherine Rouvier

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