Il y a, aujourd’hui, quatre France séparées par le regard que Narcisse-Jupiter jette sur elles.
Il y a celle de tout en haut, au point, souvent, d’être ailleurs, la France de ceux qui ont réussi, qui sont dans les affaires, qui ont des capitaux mobiliers à risque et qui butinent d’un risque à l’autre. Vers eux vont les regards enamourés et les cadeaux fiscaux, la suppression de l’ISF devenu un impôt sur la fortune immobilière, la flat tax à 30 % pour les revenus et les plus-values du capital mobilier et (cerise sur le gâteau) la suppression de l’exit tax, pour ne pas pénaliser ceux qui quittent le pays, avec l’argent qu’ils y ont gagné. Cette discrimination en faveur des très riches, dont la richesse est très mobile, ruine ce qui aurait pu être une politique libérale.
À l’autre bout, il y a la France marginale. Elle aussi n’est pas tout à fait dans le pays. Elle vient d’ailleurs, tire ses ressources d’activités illicites, de trafics qui passent les frontières et crée, à l’intérieur du territoire, des enclaves où la police et les services publics sont mal tolérés parce que d’autres règles se sont substituées à la loi, et qu’un marché parallèle échappant au fisc procure des revenus et des « emplois ». Pour elle, Narcisse-Jupiter n’a qu’un regard fuyant, vers ceux qui fuient, justement, pour échapper à ce qu’il appelle de son ton pointu « l’assignation à résidence ». L’immigration, le développement de l’islamisme, l’installation de la délinquance sans complexe sont des sujets qui ennuient Sa Hautesse. Seul l’événement, la tragédie peuvent l’amener à en parler. Cette « France » ne l’intéresse pas.
En revanche, son regard devient celui du chasseur lorsqu’il cherche, de son viseur, la France des classes moyennes, assez fortunée pour être propriétaire de sa maison, et parfois d’une résidence secondaire, mais pas assez pour s’exposer aux caprices boursiers, la France qui n’habite plus les quartiers du centre des capitales nationale ou régionales soumises à la gentrification, et qui circule en voiture parce que le domicile s’éloigne du travail, la France qui vit encore en famille avec un père, une mère et des enfants. Haro sur les baudets ! C’est elle que l’on doit surveiller, pressurer, spolier et punir si elle ose protester. Ce sont les fonctionnaires et les agents des services publics dont on rogne les privilèges, avec raison d’ailleurs, mais pas trop, parce que leur pouvoir de nuisance est considérable. Ce sont les retraités réputés riches à 1.200 euros qui vont compenser les cadeaux faits aux autres. Ils n’ont aucune capacité de s’y opposer. Ce serait idiot de ne pas en profiter. Ce sont les propriétaires qui vont compenser, avec leur taxe foncière, la suppression progressive de la taxe d’habitation pour d’autres. Ce sont les familles, l’angle mort du programme de Macron, après la démolition de la politique familiale par celui dont il était le conseiller économique, les familles pour lesquelles une partie de LREM envisage une fusion du quotient et des allocations déjà rabotés. Ce sont les automobilistes ciblés de toutes parts quand ils roulent ou quand ils stationnent par les taxes ou les amendes. Il est plus facile de faire payer un automobiliste qui roule à plus de 80 km/h que d’empêcher les gangs de contrôler des quartiers, plus facile de mettre en garde à vue des lycéens que les dealers des cités.
Enfin, il y a la France qui souffre, celle qui est au chômage, celle qui est mal logée ou pas logée du tout, celle qui ne boucle plus ses fins de mois. Théoriquement, c’est elle qui doit profiter du ruissellement de tout en haut et de la redistribution des classes moyennes. Pour l’instant, dans un contexte international très favorable, les effets d’un an de politique ne sont guère visibles. Si le regard d’Emmanuel Macron se veut bienveillant envers les pauvres, ce n’est que l’espace d’un discours. Quant à la France, une et indivisible, il n’a pas pour elle les yeux de Chimène. Il ne la connaît pas, car elle échappe à ses statistiques.
Christian Vanneste
Source
Il y a celle de tout en haut, au point, souvent, d’être ailleurs, la France de ceux qui ont réussi, qui sont dans les affaires, qui ont des capitaux mobiliers à risque et qui butinent d’un risque à l’autre. Vers eux vont les regards enamourés et les cadeaux fiscaux, la suppression de l’ISF devenu un impôt sur la fortune immobilière, la flat tax à 30 % pour les revenus et les plus-values du capital mobilier et (cerise sur le gâteau) la suppression de l’exit tax, pour ne pas pénaliser ceux qui quittent le pays, avec l’argent qu’ils y ont gagné. Cette discrimination en faveur des très riches, dont la richesse est très mobile, ruine ce qui aurait pu être une politique libérale.
À l’autre bout, il y a la France marginale. Elle aussi n’est pas tout à fait dans le pays. Elle vient d’ailleurs, tire ses ressources d’activités illicites, de trafics qui passent les frontières et crée, à l’intérieur du territoire, des enclaves où la police et les services publics sont mal tolérés parce que d’autres règles se sont substituées à la loi, et qu’un marché parallèle échappant au fisc procure des revenus et des « emplois ». Pour elle, Narcisse-Jupiter n’a qu’un regard fuyant, vers ceux qui fuient, justement, pour échapper à ce qu’il appelle de son ton pointu « l’assignation à résidence ». L’immigration, le développement de l’islamisme, l’installation de la délinquance sans complexe sont des sujets qui ennuient Sa Hautesse. Seul l’événement, la tragédie peuvent l’amener à en parler. Cette « France » ne l’intéresse pas.
En revanche, son regard devient celui du chasseur lorsqu’il cherche, de son viseur, la France des classes moyennes, assez fortunée pour être propriétaire de sa maison, et parfois d’une résidence secondaire, mais pas assez pour s’exposer aux caprices boursiers, la France qui n’habite plus les quartiers du centre des capitales nationale ou régionales soumises à la gentrification, et qui circule en voiture parce que le domicile s’éloigne du travail, la France qui vit encore en famille avec un père, une mère et des enfants. Haro sur les baudets ! C’est elle que l’on doit surveiller, pressurer, spolier et punir si elle ose protester. Ce sont les fonctionnaires et les agents des services publics dont on rogne les privilèges, avec raison d’ailleurs, mais pas trop, parce que leur pouvoir de nuisance est considérable. Ce sont les retraités réputés riches à 1.200 euros qui vont compenser les cadeaux faits aux autres. Ils n’ont aucune capacité de s’y opposer. Ce serait idiot de ne pas en profiter. Ce sont les propriétaires qui vont compenser, avec leur taxe foncière, la suppression progressive de la taxe d’habitation pour d’autres. Ce sont les familles, l’angle mort du programme de Macron, après la démolition de la politique familiale par celui dont il était le conseiller économique, les familles pour lesquelles une partie de LREM envisage une fusion du quotient et des allocations déjà rabotés. Ce sont les automobilistes ciblés de toutes parts quand ils roulent ou quand ils stationnent par les taxes ou les amendes. Il est plus facile de faire payer un automobiliste qui roule à plus de 80 km/h que d’empêcher les gangs de contrôler des quartiers, plus facile de mettre en garde à vue des lycéens que les dealers des cités.
Enfin, il y a la France qui souffre, celle qui est au chômage, celle qui est mal logée ou pas logée du tout, celle qui ne boucle plus ses fins de mois. Théoriquement, c’est elle qui doit profiter du ruissellement de tout en haut et de la redistribution des classes moyennes. Pour l’instant, dans un contexte international très favorable, les effets d’un an de politique ne sont guère visibles. Si le regard d’Emmanuel Macron se veut bienveillant envers les pauvres, ce n’est que l’espace d’un discours. Quant à la France, une et indivisible, il n’a pas pour elle les yeux de Chimène. Il ne la connaît pas, car elle échappe à ses statistiques.
Christian Vanneste
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