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jeudi 31 mai 2018

Petites Sœurs de Marie : Les bégaiements de l’histoire !

 
Renaissance Catholique
 
 
 
 
Dans le dio­cèse de Laval la congré­ga­tion des Petites Sœurs de Marie Mère du Rédemp­teur est vic­time de per­sé­cu­tions. Jean-Pierre Mau­gendre réagit en rap­pe­lant le paral­lèle avec l’histoire récente des domi­ni­caines du Saint-Nom de Jésus.
En date du 21 sep­tembre 2017, la Congré­ga­tion pour les Ins­ti­tuts de vie consa­crée et les Socié­tés de vie apos­to­lique a déci­dé de sus­pendre le gou­ver­ne­ment géné­ral des Petites Sœurs de Marie Mère du Rédemp­teur. La mère géné­rale et la maî­tresse des novices sont dépla­cées.
Que reprochent les ins­tances romaines à cette com­mu­nau­té de 37 reli­gieuses, fon­dée en 1963 par sœur Marie de la Croix, dont le cha­risme propre est d’être à la fois cen­trée sur l’imitation de la Mère de Dieu (ado­ra­tion, répa­ra­tion, etc.) et atten­tive à la souf­france des plus dému­nis, en par­ti­cu­lier les per­sonnes âgées ? Cette com­mu­nau­té, dont le siège est à Laval, dirige quatre mai­sons : deux en Mayenne, deux dans la région tou­lou­saine et plu­sieurs mai­sons de retraite (EHPAD).
Dans une lettre col­lec­tive datée du 3 avril 2018 les sœurs iden­ti­fient deux causes de leurs dif­fi­cul­tés. Tout d’abord un conflit avec l’ordinaire du lieu, évêque de Laval, Mgr Scher­rer à pro­pos de la ges­tion de deux EHPAD en Mayenne. Mgr Scher­rer exige une scis­sion entre deux éta­blis­se­ments, gérés par les sœurs, après une fusion très oné­reuse qui s’est mal pas­sée. Il n’est un secret pour per­sonne que le dio­cèse de Laval, comme un grand nombre de dio­cèses en France, est finan­ciè­re­ment aux abois, ne sur­vi­vant que par la vente régu­lière de ses actifs : mai­sons reli­gieuses, pres­by­tères, etc. La situa­tion est encore aggra­vée par la construc­tion récente d’une fort dis­pen­dieuse Mai­son dio­cé­saine. Cette scis­sion per­met­trait sans doute au dio­cèse de récu­pé­rer un des deux éta­blis­se­ments. Ini­tiée par Mgr Scher­rer, une visite cano­nique a eu lieu en novembre 2016. Les conclu­sions de la visite ont été com­mu­ni­quées aux sœurs en juin 2017. Mani­fes­te­ment il n’y avait pas urgence… Les sœurs dénoncent : « Ce rap­port de visite tient plus du pré-juge­ment à charge que d’une énon­cia­tion objec­tive de la situa­tion… l’imprécision du docu­ment est d’ailleurs des plus élo­quentes ». En fait, concluent les sœurs : « Notre style de vie est trop clas­sique pour plaire, à l’heure où nom­breux sont ceux qui sacri­fient leur idéal et l’idéal reli­gieux à l’esprit du monde ». Une com­mis­saire apos­to­lique, Sœur Gene­viève Méde­vielle, issue de la com­mu­nau­té des Sœurs Auxi­lia­trices des Âmes du Pur­ga­toire, est nom­mée en lieu et place de la supé­rieure géné­rale Mère Marie de Saint-Michel. Les sœurs dénoncent l’absence de « connais­sance du cha­risme spé­ci­fique de notre fon­da­trice » de la com­mis­saire et logi­que­ment « toute la congré­ga­tion refuse ces mesures ».

Un parallèle possible ?

Ces mésa­ven­tures ne sont pas sans rap­pe­ler celles vécues par une autre com­mu­nau­té de reli­gieuses, il y a un demi-siècle : les domi­ni­caines du Saint-Nom de Jésus. Fon­dée en 1801 par l’abbé Vincent, prêtre du dio­cèse de Tou­louse, cette congré­ga­tion, affi­liée à l’ordre domi­ni­cain en 1885, est une com­mu­nau­té ensei­gnante qui comp­tait en 1950 deux cents sœurs et qua­torze écoles de Bor­deaux à Grasse. En 1953, les consti­tu­tions sont modi­fiées dans le sens d’une plus grande pau­vre­té et sim­pli­ci­té mais aus­si d’une plus grande dis­po­ni­bi­li­té auprès des enfants. La supé­rieure géné­rale, mère Hélène Jamet, assis­tée d’un domi­ni­cain, le Père Cal­mel, est l’âme de cette réforme.
En 1961, l’élection d’une nou­velle supé­rieure géné­rale a lieu selon un pro­ces­sus un peu éton­nant. En effet, alors que tout le monde s’attendait à ce que mère Marie-Angé­lique, supé­rieure sor­tante, fût réélue, le jour du vote, le délé­gué du Saint-Siège, Mgr Gar­rone, arche­vêque de Tou­louse, annon­ça qu’il allait recueillir les bul­le­tins, avant même que qui­conque en ait pris connais­sance, afin de les envoyer à Rome et de sou­mettre l’élection au Saint-Siège. Le 11 juillet, il com­mu­ni­quait que la nou­velle supé­rieure de la congré­ga­tion deve­nait mère Marie-Rose Tas­sy. C’est à elle que revint la mis­sion de pro­cé­der à l’aggiornamento de la congré­ga­tion en appli­ca­tion du décret conci­liaire sur la vie reli­gieuse Per­fectæ Cari­ta­tis (28 octobre 1965). Une forte résis­tance à ces réformes se mani­fes­ta, cepen­dant, dans la congré­ga­tion, ce dont témoignent les rap­ports pré­pa­ra­toires au cha­pitre de 1967 trai­tant du port de l’habit, de l’utilisation des télé­vi­seurs, etc. Le cha­pitre de 1967 devait être celui de l’aggiornamento. Ce fut celui de l’élection de mère Anne-Marie Simou­lin comme mère géné­rale. Les grands axes de son géné­ra­lat furent le refus de la carte sco­laire, le main­tien du caté­chisme romain et la fidé­li­té à la messe tra­di­tion­nelle. Cepen­dant la com­mu­nau­té était divi­sée. Un visi­teur apos­to­lique fut nom­mé, en 1972, qui sou­hai­ta « démo­cra­ti­ser » la direc­tion de la congré­ga­tion. En 1973, mère Anne-Marie Simou­lin auto­ri­sa le regrou­pe­ment à Bri­gnoles, dans le Var, de vingt-six sœurs qui, sen­tant l’impossibilité de retrou­ver l’unité per­due et crai­gnant pour leur fidé­li­té aux Consti­tu­tions, sou­hai­taient vivre pai­si­ble­ment leurs obser­vances tra­di­tion­nelles. Elles furent rejointes par le Père Cal­mel.
En jan­vier 1974, la Sacrée Congré­ga­tion des reli­gieux, en lien avec l’épiscopat fran­çais, nom­ma le Père Deca­boo­ter conseiller reli­gieux et visi­teur apos­to­lique. Une de ses pre­mières déci­sions fut de dépo­ser mère Anne-Marie Simou­lin et de nom­mer mère Marie-Rose Tas­sy admi­nis­tra­trice ad nutum (de manière arbi­traire).
Tableau des dominicaines enseignantesEn juillet 1975, mère Anne-Marie Simou­lin s’installa à Fan­jeaux avec vingt reli­gieuses. Très rapi­de­ment les sœurs des com­mu­nau­tés reli­gieuses de Bri­gnoles et de Fan­jeaux furent rele­vées de leurs vœux1. À ce jour la situa­tion est bien résu­mée par les chiffres de l’encadré ci-contre et se passe de com­men­taires.
Concer­nant l’histoire récente, et pas­sion­nante, de la congré­ga­tion du Saint-Nom de Jésus l’ouvrage indis­pen­sable est celui de mère Alice-Marie : Rup­ture ou Fidé­li­té2. Ce n’est mal­heu­reu­se­ment pas la pre­mière fois, dans l’histoire récente de l’Église, que des com­mu­nau­tés reli­gieuses se voient dans l’obligation, afin de res­ter fidèles à leur voca­tion propre et à leur cha­risme ori­gi­nel, de résis­ter aux volon­tés « d’aggiornamento » des ins­tances romaines et de cer­tains membres de l’épiscopat fran­çais. Sans doute une leçon à médi­ter pour les Petites Sœurs de Marie Mère du Rédemp­teur.
Jean-Pierre Mau­gendre
Tri­bune libre parue sur le site de L’Homme Nou­veau
 
 
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