.

.

mercredi 30 mai 2018

Les évangélistes américains alliés à l’extrême droite israélienne

Le plus grand allié du gouvernement Nétanyahou aux États-Unis n’est pas la communauté juive, comme beaucoup le pensent, mais la communauté chrétienne évangélique. De fait, il commence à y avoir des fissures dans le soutien des juifs américains au gouvernement de droite israélien, même si la communauté juive américaine demeure totalement solidaire de l’État d’Israël.

Deux leaders des communautés évangéliques et supporteurs actifs du président Trump durant la dernière élection, Robert Jeffres et John Hagee, ont été invités par l’ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman, à prononcer les discours d’ouverture et de fermeture lors de la cérémonie d’inauguration de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem.

L’ambassadeur Friedman a déclaré dans une entrevue au New York Times que les « évangélistes chrétiens sont des supporteurs d’Israël plus passionnés que beaucoup de juifs ». Dans la même entrevue, faisant écho aux commentaires de l’ambassadeur américain, l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Ron Dermer, a déclaré, contrairement à la doxa, que « les chrétiens pieux formaient la colonne vertébrale du soutien américain à Israël », ajoutant qu’« ils pourraient former un solide quart de la population et représenter peut-être 10, 15, 20 fois la population juive américaine ».
L’ambassadeur a insisté sur le fait que le gouvernement israélien était « déterminé à maintenir un soutien large et bipartisan, y compris le soutien des juifs américains ». Il a admis cependant qu’« il y a un déplacement du soutien américain à Israël », sous-entendant qu’il était passé des juifs et des démocrates vers les évangélistes et les républicains.


Rappelons que la communauté juive américaine représente la plus importante diaspora juive, soit 6 millions sur les 14 millions dans le monde.

Le premier ministre Benjamin Nétanyahou a remercié le petit cercle de pasteurs et de militants évangélistes, proches du président Trump et présents à l’inauguration, d’avoir exercé des pressions sur le président américain afin d’ouvrir l’ambassade américaine à Jérusalem, rompant ainsi avec plusieurs décennies de politique américaine qui énonçait que le statut final de Jérusalem devrait être décidé dans des négociations de paix. Notons qu’aucun membre démocrate du Congrès américain n’était présent à l’inauguration, même si plusieurs d’entre eux avaient été invités.

Le gouvernement Nétanyahou poursuit une politique d’alliance avec les leaders de la communauté évangélique américaine qu’il considère comme « les meilleurs amis d’Israël dans le monde » en espérant que cette dernière appuiera les politiques israéliennes auprès de la Maison-Blanche et du Congrès, comme elle l’a fait dans le cas de la reconnaissance de Jérusalem par les États-Unis comme capitale d’Israël. Sans la pression des évangélistes, Trump n’aurait pas déplacé l’ambassade à Jérusalem.

Le profil haut donné à ces pasteurs par l’ambassadeur Friedman lors de l’inauguration de l’ambassade a créé un malaise au sein de la communauté juive américaine progressiste en raison de l’intolérance religieuse de ces pasteurs.

Nétanyahou a compris que la communauté juive américaine, et son leadership, n’est pas monolithique relativement à la question d’Israël et que son soutien à Israël, qui était tenu pour acquis, surtout depuis la guerre des Six Jours en 1967, n’est plus automatique si ses politiques vont à l’encontre des valeurs progressistes de la grande majorité de la communauté juive. Ainsi, seule une petite minorité de juifs américains (16 %) soutient le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem, car ils préfèrent que cela se fasse dans le cadre de négociations de paix.
Depuis une dizaine d’années, les organisations juives progressistes telles que JStreet, soutenant la vision de deux États et opposées à l’occupation des territoires palestiniens, exercent une influence grandissante et certaine sur les membres du Congrès américain, surtout démocrates. Ces derniers s’éloignent progressivement des positions du gouvernement Nétanyahou notamment sur Jérusalem comme capitale unifiée d’Israël sans accord avec les Palestiniens, l’appui au retrait américain de l’accord nucléaire avec l’Iran et le rejet de la vision des deux États.

À cela s’ajoute la surprenante position de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le lobby juif pro-israélien le plus important à Washington, qui vient de réitérer son soutien à la vision de deux États au grand dam de la droite israélienne. Le comité a aussi vertement critiqué Netanyahou pour sa politique discriminatoire envers les juifs non orthodoxes, majoritaires au sein de la diaspora juive et en Israël, touchant la conversion religieuse et la liberté de prière au mur des Lamentations.


Nétanyahou n’a pas trop besoin de la diaspora juive américaine pour influencer le gouvernement américain, étant donné le peu d’affinités et d’influence de cette diaspora pro-démocrate sur le président Trump. En effet, seulement 18 % des Juifs américains ont voté Trump aux dernières élections.

Cette diaspora se reconnaît de moins en moins dans les valeurs d’extrême droite du gouvernement Nétanyahou. Si aux prochaines élections de septembre, les démocrates gagnent la majorité au Congrès, une hypothèse crédible, Nétanyahou pourrait en payer le prix.

David Cohen

 Source