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dimanche 11 juin 2017

Une république « En Marche » vers la cuisine et les casseroles habituelles




Les législatives approchent à grand pas et grâce à Emmanuel Macron (♪ Gloria In Excelsis Déééhhooo ♩ ♫), la vie politique française vient de se renouveler complètement : des têtes nouvelles apparaissent, un sang neuf irrigue les listes électorales, et surtout, toutes ces vieilles vilaines méthodes, ces petites affaires pas propres qui entachaient les mandats d’élus républicains, ont maintenant disparu. Ou presque.

Tout avait pourtant bien commencé puisque, nous avait-on dit, les investitures de chaque candidat seraient passées au peigne fin.

Malheureusement, improviser un parti politique entraîne parfois des petits effets de bord et la précipitation provoque de temps en temps quelques soucis : malgré les efforts plus ou moins réels pour s’assurer que les candidats de La République En Marche (LREM) sont tous d’une probité exemplaire, on commence à accumuler les écarts.

Certes, peut-être la sur-représentation de cas louches dans les rangs des candidats LREM tient-elle d’une plus grande attention de la presse à cette nouvelle formation politique, mais elle reste logique : il serait en effet surprenant que les médias ne regardent pas plus attentivement ceux qui ont fait bruyamment profession de probité et de morale, quitte d’ailleurs à pousser une prochaine loi (dite, justement, de moralisation de la vie politique). Il y a bien évidemment le fait que les autres partis, dans la place depuis un moment, savent assez bien passer sous le radar médiatique et judiciaire et qu’en conséquence, le nombre plus restreint de cas tordus dans leurs rangs ne doit pas à une honnêteté plus grande, mais plutôt à une meilleure habileté.
Soit. Cependant, l’accumulation chez LREM donne un peu à réfléchir (et je ne parle pas des transfuges plus ou moins subtils). Jugez plutôt :
  • Pierre Cabaré, candidat LREM à Toulouse, a malheureusement déjà été condamné, en 2003, à un an d’inéligibilité. C’est tout de même gênant, à tel point qu’il a été désinvesti. Cela fait un peu désordre, non ?
  • Houmria Berrada, candidate LREM dans la deuxième circonscription du Nord, a été condamnée pour falsification de diplômes. Sacrebleu, c’est ballot.
  • Émilie Guerel, candidate LREM dans la septième circonscription du Var, est elle visée pour une plainte pour escroquerie à l’assurance maladie. Flûte et zut.
  • Stéphanie Jannin, candidate LREM de la deuxième circonscription de l’Hérault, est quant à elle auditionnée pour une prise illégale d’intérêt. Sapristi.
  • Olivier Serva, candidat LREM dans la première circonscription de la Guadeloupe, se retrouve lui emberlificoté dans ses propos gênants, puisqu’il a qualifié l’homosexualité d’ « abominations ». Saperlipopette.
Christian Gérin, candidat LREM de la cinquième circonscription de Charente-Maritime, aurait quelque peu dérapé dans des tweets que la LICRA n’a pas manqué d’épingler. La République en Marche a décidé de trottiner sans lui, en lui retirant son investiture. Oups.
On pourrait en rajouter, je pense que les semaines qui viennent permettront d’explorer de nouvelles dimensions dans le domaine, mais le constat de base reste le même : manifestement, recruter des députés au pied levé n’attire pas toujours que la fine fleur citoyenne, loin s’en faut.
Dans ce cadre, il va être difficile de trouver un nombre décent de députés sans casseroles pour présider à la rédaction de cette fameuse loi de moralisation de la vie politique… À moins bien sûr que le génie de Macron se révèle précisément dans ce genre de petites péripéties : peut-être notre nouveau président (♪ Gloire et paix aux hommes de bonne volontééhhhééeu ♩ ♫) s’est-il finement dit qu’on ne faisait jamais meilleur garde-chasse qu’avec d’anciens braconniers ? Si tel est le cas, on peut être rassurés : la prochaine assemblée sera, à n’en pas douter, aussi solidement dotée de bon garde-chasses que les précédentes, renouvellement politique compris.
Et de la même façon que ces investitures furent nettoyées de tous les vilains canards boiteux dont le peuple français ne veut plus, c’est dit, c’est certain, ne discutez pas, les autorités d’En Marche ont largement épluché les historiques des ministres de ce gouvernement affûté comme une lame de samouraï. Autrement dit, tout comme ces législatives qui, finalement, permettent de lever une quantité tout à fait banale de lièvres dodus et de faire tintinnabuler une proportion franchement standard de casseroles cuivrées, le gouvernement contient ses canards douteux malgré l’assurance pourtant répétée que les ministres avaient bien tous passé le solide test de propreté. Zut derechef.
Voilà donc Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, qui se retrouve visée, avec 18 autres députés européens par une enquête préliminaire pour des emplois fictifs présumés de collaborateurs au Parlement européen. De façon amusante, l’actuel Garde des sceaux – un certain François Bayrou – a eu la lumineuse idée de retweeter le communiqué de presse de défense que la ministre avait pondu, ce qui, pour quelqu’un qui représente la Justice, laisse perplexe voire provoque une petite polémique des familles.
Venant de Bayrou, on ne sera pas trop surpris, l’individu n’ayant jamais démontré la moindre compétence quelconque, ni en matière de politique ni en matière de maroquin ministériel. Ce qui en revanche ne laisse pas de surprendre est l’engluement de plus en plus profond d’un autre ministre dans une affaire au fumet insistant : Richard Ferrand patauge maintenant depuis deux semaines suite aux révélations du Canard Enchaîné, l’impliquant dans une affaire immobilière sinon illégale mais au moins moralement litigieuse, et dont les développements, quotidiens, tiennent toute la presse en haleine.
Et c’est là que les choses prennent une tournure intéressante, puisque, selon notre président Macron (♪ Que son chemin soit jonché de pétales de rooOooses ♩ ♫), le cas Ferrand ne devrait pas déclencher une telle tempête médiatique et, pour tout dire, la presse devrait s’arrêter un peu de s’ériger ainsi en arbitre de la morale. En attendant, le procureur de Brest a, après plusieurs jours d’atermoiements, décidé d’ouvrir une enquête pour de bon.
Tout ceci est fort croustillant, tant la symétrie avec la campagne électorale présidentielle s’impose à l’esprit de tous. Alors que Fillon (et dans une certaine mesure, Le Pen) a fait directement les frais d’une tempête médiatique sans le moindre frein, et qu’il était alors aisé de trouver, dans les rangs des adversaires politiques, à commencer par le camp Macron, des Pères La Morale fort prompts à réclamer la démission du candidat Républicain, on retrouve maintenant les mêmes Tartufes rouspéter que la presse ferait un peu trop son travail.
Mais voilà : tout le problème de cette République française, qu’elle soit En Marche ou simplement en déroute, c’est sa morale extraordinairement élastique, cette morale élastique qui permet aux journalistes d’employer de grosses louches de 2 Poids, 2 Mesures, de juger, de moraliser alors que leur rôle devrait normalement se contenter d’informer ; cette morale élastique qui a permis à la presse de chasser Fillon en meute, et de se montrer nettement plus mesurée et prudente avec Ferrand et qui, maintenant que les Français commencent à demander des comptes, se sent bien obligée d’investiguer un peu.
Mais cette morale élastique existe aussi du côté politique qui permet au gouvernement d’afficher sa solidarité avec Ferrand, alors même qu’il n’y a aucun doute que la moralité des opérations immobilières menées classe l’individu exactement dans la même case que Fillon et ses emplois familiaux ou ses généreux dons de costumes. Cette morale élastique permet tour à tour de faire campagne pour la moralité et la transparence dont s’est gargarisé Macron (♪ Gloria pouët pouët ♩ ♫), et de crier maintenant à la dictature de la transparence. Pourtant, la transparence des pièces de l’enquête judiciaire du PNF, qui fuitaient dans la presse avec une facilité déconcertante, n’a pas défrisé ceux qui, maintenant, sont tout fripé d’outrance. Et ceux-là même qui couinent devant cette tempête médiatique n’hésitaient pas à qualifier de vilains complotistes ceux qui, à l’époque, notaient le saccage par la même presse et la même justice de la présomption d’innocence.
Croustillant retour de bâton qui illustre que cette moralisation de la vie politique est, encore une fois, une magnifique symphonie pour pipeaux. À ce titre, quelle crédibilité peut encore prétendre avoir le ministre de la Justice, le reste du gouvernement et la prochaine Assemblée lorsqu’il s’agira de voter telle loi ?
Enfin, s’il ne faut qu’une paire de semaines pour déjà constater d’inquiétantes dérives de la République En Marche, n’est-il pas légitime de s’inquiéter lorsque, munie d’une majorité absolue à l’Assemblée, cette République décidera de passer Au Trot ?

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