Le revirement est passé quasiment inaperçu. Il est
pourtant spectaculaire. Le Front national a renoncé à sortir de l’euro
et de l’Union européenne. On comprend mieux maintenant pourquoi
Philippot a été poussé vers la sortie. Comme il voulait continuer à
défendre la souveraineté nationale, et donc la souveraineté monétaire,
il n’était plus persona grata dans un parti qui devient tout à coup
européiste, euroréformiste. Depuis la défaite de Marine Le Pen à la
présidentielle, on sentait une évolution du discours de certains
dirigeants et de la présidente du mouvement sur la question de l’euro et
de l’Union européenne. Convaincus qu’ils avaient perdu l’élection à
cause de leurs positions européennes, ils ont décidé de changer de
discours et de convictions. Ce qui démontre un cynisme tout à fait
méprisable. Car lorsqu’on est convaincu d’avoir raison sur une question
que l’on juge essentielle, on ne change pas tout à coup de discours à
180 degrés au motif que sa position n’est pas majoritaire ou qu’elle
suscite ici et là de fortes oppositions ou des incompréhensions. On
s’attache à mieux l’expliquer, à davantage la défendre, on s’emploie à
convaincre en travaillant sur la qualité de l’argumentaire mais on ne
capitule pas en rase campagne. On ne change pas de programme ou de
doctrine parce que le chef a raté un débat crucial. C’est le chef qu’il
faut changer, pas le programme. Ce n’est pas parce que la poissonnière
Marine Le Pen a été incapable d’être claire, cohérente et convaincante
sur la sortie de l’euro et de l’Union européenne, sujets que
manifestement elle ne maîtrise pas ni n’a jamais maîtrisés, que le Front
national doit se convertir à l’européisme bruxellois.
Éditorial de Rivarol n° 3301 du 18/10/2017
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Et pourtant c’est bien ce qui est en train de se
passer. Dans son discours de Poitiers, le 1er octobre, Marine Le Pen a
insisté sur le fait que son parti était européen, ce qui dans le cadre
de l’actuelle construction européenne est pour le moins équivoque, et
surtout elle a appelé à un traité simplifié, comme Sarkozy l’avait fait
pendant la campagne présidentielle de 2007. On a vu ce que cela a
donné : le traité de Lisbonne négocié dans le dos des peuples et
trahissant le non des Français à la Constitution européenne en 2005.
Parler de renégociation des traités européens, de réforme de l’intérieur
de l’Union européenne, comme se met à le faire tout à coup le Front
national, est un leurre et un mensonge. Voilà trente ans que tous les
gouvernements, de droite comme de gauche, nous font le coup. Jospin se
faisait fort de renégocier le traité d’Amsterdam, Hollande le traité de
Lisbonne, Sarkozy voulait réformer Schengen. Aucun de ces trois
politiciens, une fois aux responsabilités, n’a changé quoi que ce soit.
Tout simplement parce que les règles de fonctionnement de l’Union
européenne rendent toute renégociation, toute réforme impossible
puisqu’il faut l’accord préalable et explicite des vingt-huit pays de
l’UE. Tout nouveau traité doit en effet être validé par les Parlements
de tous les États membres de l’Union ou par référendum dans les pays où
la Constitution le prévoit. Autant dire que c’est une procédure longue,
complexe, pleine d’embûches qui garantit l’immobilisme. Et on a vu avec
le référendum de 2005 comment la volonté des peuples était contournée et
bafouée quand elle n’allait pas dans le sens des eurocrates bruxellois.
PLUS FONDAMENTALEMENT, on ne voit pas comment on peut mener une
politique nationale dans le cadre de l’Union européenne. Comment mener
une politique indépendante sans maîtrise de ses frontières, de ses lois,
de son budget, de sa monnaie ? Comment maîtriser voire inverser les
flux migratoires sans rétablissement des frontières nationales, et donc
sans sortie de l’Union européenne ?
En affirmant qu’on restera dans cette structure
destructrice de la souveraineté, de l’identité et de la liberté des
nations qui la composent, on s’interdit dans les faits de mener une
politique alternative. On ment aux Français en leur faisant croire que
dans ce cadre supranational on pourra agir conformément aux intérêts
nationaux, au bien commun et qu’on pourra sauver la France du désastre.
Dans Valeurs actuelles du 12 octobre, Marine Le Pen déclare ouvertement
que la sortie de l’euro et de l’Union européenne n’est plus « un
préalable ». Autrement dit ce projet est bel et bien enterré.
D’ailleurs, ajoute la présidente du FN, « dans de nombreux domaines, on peut améliorer la vie quotidienne des Français sans quitter l’Europe ni l’euro ».
Elle tenait un discours radicalement différent pendant la campagne
présidentielle : elle promettait alors un référendum sur la sortie de
l’Union européenne. Et si les Français répondaient «non», elle prévoyait
de quitter le pouvoir. « Je partirai parce que si le résultat est «non», à peu près 70 % de mon projet ne pourrait pas être mis en œuvre », affirmait-elle
en mars sur Europe 1. C’est dire à quel point cette sortie de l’UE
était pour elle capitale. Elle conditionnait la réussite de son projet
pour la France au point qu’elle promettait de quitter l’Elysée si les
Français ne la suivaient pas dans sa volonté de Frexit. Qu’en l’espace
de quelques semaines on change à ce point de discours, sans explication,
que l’on dise même tout à coup le contraire de ce que l’on a professé
avec une tranquille assurance est d’une parfaite indignité
intellectuelle, politique et morale. C’est d’une insupportable
démagogie. Car de deux choses l’une : soit la sortie de l’Union
européenne et de l’euro n’était pas nécessaire, et alors on s’est trompé
pendant des années en faisant de ces mesures l’alpha et l’oméga du
programme du FN, soit elle est indispensable pour recouvrer notre
indépendance et notre souveraineté — ce qui est évidemment le cas — et
c’est un reniement de plus à mettre au passif de Marine Le Pen. En
toutes hypothèses, ce soudain et brutal revirement démontre l’affligeant
amateurisme et l’absence de conviction, de colonne vertébrale et de
cohérence de la présidente du FN.
Avant qu’il ne se convertisse au marinisme alimentaire, Nicolas Bay avait dénoncé en 2004 « le vide doctrinal sidéral »
de Marine Le Pen. On en a en ce moment une manifestation
particulièrement spectaculaire. Voilà qu’elle abandonne l’un des rares
points du programme historique du FN auquel elle semblait être restée
fidèle. Et elle le renie essentiellement à cause de sa piètre prestation
le 3 mai dernier face à Macron ! Voilà à quoi se joue la défense de la
souveraineté nationale. L’incompétence et l’insuffisance de Madame Le
Pen conduisent le parti à se renier, à trahir son ADN et à se saborder.
Il est logique dans ces conditions qu’il change de nom. S’il n’est plus
national, il n’a plus à s’appeler Front national. Mais que tout cela est
consternant !
VINGT-CINQ ANS après le RPR qui devint définitivement
européiste au moment du traité de Maastricht sous la houlette de Chirac,
Balladur et Juppé alors qu’il se faisait fort de défendre jusque-là
l’indépendance nationale (que l’on songe au fameux discours de Cochin du
6 décembre 1978), voilà que le FN abandonne à son tour la défense de la
souveraineté nationale. Sans l’avouer ni l’assumer pleinement. En usant
de stratagèmes, de dérobades et de circonvolutions. En mentant sur le
sens des mots. A l’instar des dirigeants du RPR de l’époque. Mais c’est
la même trahison, la même forfaiture. Au lieu de résister à la pensée
unique, on choisit l’esprit de facilité et d’abandon. Celui qui souvent
permet aux traîtres de faire carrière en récompense de leur crime mais
qui conduit inexorablement notre nation et notre peuple à l’abîme.
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