Emilie Lévêque |
Les seniors ont payé un lourd tribut à la hausse du chômage depuis la crise. La mesure phare de François Hollande, le contrat de génération, ne convainc pas les entreprises. Explications.
Non seulement la courbe du chômage ne s'est pas inversée fin 2013, contrairement aux engagements de François Hollande, mais elle poursuit sa hausse début 2014. En février, le nombre de demandeurs d'emplois a fait un bond de 0,9%, soit 31.500 inscrits de plus à Pôle emploi en catégorie A. On a ainsi atteint un nouveau record à 3,34 millions de chômeurs. Hormis la hausse exceptionnelle du chômage en septembre dernier due à un problème technique, il faut remonter à avril 2013 pour retrouver une augmentation comparable.
La quasi-totalité de la hausse de février s'explique par l'explosion du nombre de demandeurs d'emplois de plus de 50 ans. Le tribut payé par les seniors est de plus en plus lourd: pour eux, la hausse atteint 1,3% sur un mois et 12,1% sur un an. Au total, depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir, plus de 420.000 chômeurs sans aucune activité sont venus grossir les listes de Pôle emploi. Parmi eux, quelque 161.000 seniors.
"Le problème des salariés âgés est qu'ils coûtent trop cher à l'entreprise: aux alentours de 50 ans, leur productivité décroît alors que leur salaire reste dynamique. C'est pourquoi ils sont la cible première des plans sociaux et plans de départs volontaires, analyse Eric Heyer, directeur adjoint de l'OFCE. Et comme souvent ils n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite, ils viennent pointer à Pôle emploi. En ce sens, la réforme des retraites de 2010, qui repousse l'âge de départ à 62 ans, a amplifié la hausse du chômage des seniors".
Pour lutter contre cette tendance, le gouvernement a tout misé sur le contrat de génération, mesure phare du programme présidentiel de François Hollande. Mis en place début 2013, ce dispositif prévoit des aides à l'embauches de jeunes en CDI, en échange du maintien d'un senior (2000 euros pour le jeune et 2000 euros pour le senior, soit 4000 euros par an, pendant trois ans maximum). Mais il ne suscite guère l'engouement : seuls 20.000 contrats de génération ont été signés depuis mars 2013, contre un objectif de 75.000.
Ces contrats ont été signés à 90% dans des entreprises de moins de 50 salariés et de plus de 300 salariés. Pour accélérer la mise en oeuvre des contrats de génération, l'accès à l'aide de l'Etat a récemment été facilité pour les entreprises de taille moyenne. Mais l'effet dopant espéré risque d'être imité. "Sur le papier, le contrat de génération est séduisant, puisqu'il vise à augmenter le taux d'emploi des deux catégories de population active les plus fragiles: les jeunes et les seniors, explique Eric Heyer . Le hic : les entreprises ne veulent plus, vu la conjoncture, embaucher de jeunes en CDI". Neuf jeunes sur 10 sont aujourd'hui recrutés en CDD.
Ceux qui sont recrutés en CDI sont généralement très qualifiés, ou correspondent précisément aux besoins de l'entreprise. Dans ce cas, le contrat de génération a un effet d'aubaine - l'embauche aurait eu lieu même sans incitation financière. "Un de mes salariés approche de la retraite et je cherchais à recruter un jeune. J'en ai trouvé un et le contrat de génération est arrivé à ce moment-là. Mais ce n'est pas ce qui m'a décidé", témoigne pour L'Express Alain Delaby, chef d'une TPE en Seine-et-Marne.
Pour lutter contre le chômage des seniors en France, l'OCDE a formulé en janvier plusieurs propositions choc: réduire la durée maximale d'indemnisation des plus de 50 ans de trois ans actuellement à deux ans, limiter les ruptures conventionnelles en fin de carrière, alourdir les sanctions contre les discriminations à l'embauche liées à l'âge ou encore reconsidérer le caractère automatique des primes d'ancienneté.
Les nouvelles règles de l'assurance chômage, adoptées à l'arrachée par les partenaires sociaux le week-end dernier et qui entreront en vigueur le 1er juillet, devraient réduire les incitations aux départs anticipés à la retraite, notamment via le biais de ruptures conventionnelles avec de gros chèques. Le délai de carence avant de pouvoir toucher une indemnisation va passer de trois à six mois, dès lors que le montant des indemnités supra légales est supérieur à 16.200 euros. Par ailleurs, la borne d'âge pour bénéficier des allocations avant la retraite à taux plein sera repoussée de 61 à 62 ans.
Ces mesures vont "réduire les droits des chômeurs âgés, mais elles ne vont en aucun cas limiter leur nombre", critique Eric Heyer. Pour l'économiste de l'OFCE, les mesures ciblées sur une population de demandeurs d'emplois n'ont aucune chance de fonctionner tant que la conjoncture macro-économique est déprimée, que la croissance ne repart pas. Concernant les seniors, la France doit optimiser sa politique de formation continue et de gestion prévisionnelle des carrières, afin d'augmenter la productivité des salariés âgés.
Non seulement la courbe du chômage ne s'est pas inversée fin 2013, contrairement aux engagements de François Hollande, mais elle poursuit sa hausse début 2014. En février, le nombre de demandeurs d'emplois a fait un bond de 0,9%, soit 31.500 inscrits de plus à Pôle emploi en catégorie A. On a ainsi atteint un nouveau record à 3,34 millions de chômeurs. Hormis la hausse exceptionnelle du chômage en septembre dernier due à un problème technique, il faut remonter à avril 2013 pour retrouver une augmentation comparable.
La quasi-totalité de la hausse de février s'explique par l'explosion du nombre de demandeurs d'emplois de plus de 50 ans. Le tribut payé par les seniors est de plus en plus lourd: pour eux, la hausse atteint 1,3% sur un mois et 12,1% sur un an. Au total, depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir, plus de 420.000 chômeurs sans aucune activité sont venus grossir les listes de Pôle emploi. Parmi eux, quelque 161.000 seniors.
"Le problème des salariés âgés est qu'ils coûtent trop cher à l'entreprise: aux alentours de 50 ans, leur productivité décroît alors que leur salaire reste dynamique. C'est pourquoi ils sont la cible première des plans sociaux et plans de départs volontaires, analyse Eric Heyer, directeur adjoint de l'OFCE. Et comme souvent ils n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite, ils viennent pointer à Pôle emploi. En ce sens, la réforme des retraites de 2010, qui repousse l'âge de départ à 62 ans, a amplifié la hausse du chômage des seniors".
Seulement 20.000 contrats signés
Pour lutter contre cette tendance, le gouvernement a tout misé sur le contrat de génération, mesure phare du programme présidentiel de François Hollande. Mis en place début 2013, ce dispositif prévoit des aides à l'embauches de jeunes en CDI, en échange du maintien d'un senior (2000 euros pour le jeune et 2000 euros pour le senior, soit 4000 euros par an, pendant trois ans maximum). Mais il ne suscite guère l'engouement : seuls 20.000 contrats de génération ont été signés depuis mars 2013, contre un objectif de 75.000.
Ces contrats ont été signés à 90% dans des entreprises de moins de 50 salariés et de plus de 300 salariés. Pour accélérer la mise en oeuvre des contrats de génération, l'accès à l'aide de l'Etat a récemment été facilité pour les entreprises de taille moyenne. Mais l'effet dopant espéré risque d'être imité. "Sur le papier, le contrat de génération est séduisant, puisqu'il vise à augmenter le taux d'emploi des deux catégories de population active les plus fragiles: les jeunes et les seniors, explique Eric Heyer . Le hic : les entreprises ne veulent plus, vu la conjoncture, embaucher de jeunes en CDI". Neuf jeunes sur 10 sont aujourd'hui recrutés en CDD.
Ceux qui sont recrutés en CDI sont généralement très qualifiés, ou correspondent précisément aux besoins de l'entreprise. Dans ce cas, le contrat de génération a un effet d'aubaine - l'embauche aurait eu lieu même sans incitation financière. "Un de mes salariés approche de la retraite et je cherchais à recruter un jeune. J'en ai trouvé un et le contrat de génération est arrivé à ce moment-là. Mais ce n'est pas ce qui m'a décidé", témoigne pour L'Express Alain Delaby, chef d'une TPE en Seine-et-Marne.
Réduction des droits des chômeurs âgés
Pour lutter contre le chômage des seniors en France, l'OCDE a formulé en janvier plusieurs propositions choc: réduire la durée maximale d'indemnisation des plus de 50 ans de trois ans actuellement à deux ans, limiter les ruptures conventionnelles en fin de carrière, alourdir les sanctions contre les discriminations à l'embauche liées à l'âge ou encore reconsidérer le caractère automatique des primes d'ancienneté.
Les nouvelles règles de l'assurance chômage, adoptées à l'arrachée par les partenaires sociaux le week-end dernier et qui entreront en vigueur le 1er juillet, devraient réduire les incitations aux départs anticipés à la retraite, notamment via le biais de ruptures conventionnelles avec de gros chèques. Le délai de carence avant de pouvoir toucher une indemnisation va passer de trois à six mois, dès lors que le montant des indemnités supra légales est supérieur à 16.200 euros. Par ailleurs, la borne d'âge pour bénéficier des allocations avant la retraite à taux plein sera repoussée de 61 à 62 ans.
Ces mesures vont "réduire les droits des chômeurs âgés, mais elles ne vont en aucun cas limiter leur nombre", critique Eric Heyer. Pour l'économiste de l'OFCE, les mesures ciblées sur une population de demandeurs d'emplois n'ont aucune chance de fonctionner tant que la conjoncture macro-économique est déprimée, que la croissance ne repart pas. Concernant les seniors, la France doit optimiser sa politique de formation continue et de gestion prévisionnelle des carrières, afin d'augmenter la productivité des salariés âgés.
Notes |
Source : http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/chomage-des-seniors-le-contrat-de-generation-grand-flop-de-hollande_1503825.html |