Eric Dupin
Adoublé par les sondages, affublé du titre
de «vice-président», le ministre de l'Intérieur est sans doute trop
singulier pour voir sa popularité rejaillir sur son camp.
Gare aux chevilles! Manuel Valls vient d’être sacré personnalité française la plus populaire par l’oracle sondagier. Pour Ipsos, non seulement 57% des personnes interrogées approuvent «l’action» du ministre de l’Intérieur mais il est simultanément plébiscité par les sympathisants du PS (70% d’approbation) et par ceux de l’UMP (62%). Comme si cet admirateur de Georges Clemenceau préfigurait une forme nouvelle d’«union sacrée»...
D’ores et déjà, les bookmakers de la vie publique se déchaînent. L’hebdomadaire de la gauche raisonnable n’a pas hésité à lui attribuer le titre de «vice-président». Cinq mois seulement après la nomination de Jean-Marc Ayrault à l’hôtel Matignon, la spéculation sur son successeur va bon train dans les rangs socialistes. Et c’est Valls qui arrive en tête des pronostics.
Tout ceci n’est-il pas à la fois exagéré et précipité? Sans mésestimer le moins du monde ses mérites, il faut noter que la popularité de Valls est d’abord indexée sur la fonction qu’il occupe. En ces temps de crise sans fin et d’anxiété sociale, le désir d’ordre et de sécurité est plus prégnant que jamais. Le ministre de l’Intérieur en profite par construction. Il en bénéficie d’autant plus qu’il remplit correctement sa fonction, n’hésitant pas à prendre les décisions qui s’imposent comme la dissolution de la très étrange BAC Nord de Marseille.
L’actualité favorise une mise en scène récurrente de Valls avec d’autant plus d’impact que celui-ci est un expert en communication politique. Fait divers tragique, réseau terroriste démantelé, policiers corrompus sanctionnés: chaque jour donne au «premier flic de France» l’occasion de marteler son message de fermeté et d’asseoir sa réputation.
Gare aux chevilles! Manuel Valls vient d’être sacré personnalité française la plus populaire par l’oracle sondagier. Pour Ipsos, non seulement 57% des personnes interrogées approuvent «l’action» du ministre de l’Intérieur mais il est simultanément plébiscité par les sympathisants du PS (70% d’approbation) et par ceux de l’UMP (62%). Comme si cet admirateur de Georges Clemenceau préfigurait une forme nouvelle d’«union sacrée»...
D’ores et déjà, les bookmakers de la vie publique se déchaînent. L’hebdomadaire de la gauche raisonnable n’a pas hésité à lui attribuer le titre de «vice-président». Cinq mois seulement après la nomination de Jean-Marc Ayrault à l’hôtel Matignon, la spéculation sur son successeur va bon train dans les rangs socialistes. Et c’est Valls qui arrive en tête des pronostics.
Une actualité porteuse
Tout ceci n’est-il pas à la fois exagéré et précipité? Sans mésestimer le moins du monde ses mérites, il faut noter que la popularité de Valls est d’abord indexée sur la fonction qu’il occupe. En ces temps de crise sans fin et d’anxiété sociale, le désir d’ordre et de sécurité est plus prégnant que jamais. Le ministre de l’Intérieur en profite par construction. Il en bénéficie d’autant plus qu’il remplit correctement sa fonction, n’hésitant pas à prendre les décisions qui s’imposent comme la dissolution de la très étrange BAC Nord de Marseille.
L’actualité favorise une mise en scène récurrente de Valls avec d’autant plus d’impact que celui-ci est un expert en communication politique. Fait divers tragique, réseau terroriste démantelé, policiers corrompus sanctionnés: chaque jour donne au «premier flic de France» l’occasion de marteler son message de fermeté et d’asseoir sa réputation.
Effet de contraste
L’insolente popularité de Valls tranche avec le désamour des Français pour le couple exécutif. Le ministre de l’Intérieur est encensé au moment où l’électorat manifeste son mécontentement à l’égard du pouvoir socialiste.
L’heureux résident de la place Beauvau profite sans nul doute d’un effet de contraste. Peu de ministres «impriment», comme on le dit maintenant, dans leurs paroles et leurs actions. Le président de la République donne l’impression de manquer d’un cap clair tandis que son Premier ministre peine à se situer à la hauteur de sa fonction.
Personne, à l’inverse, ne reproche à Valls de ne pas «faire le job» dans les règles de l’art. Voilà qui explique, pour partie, la gratitude de l’opinion.
La comparaison avec son collègue Arnaud Montebourg est ici parlante. Les deux révélations des primaires socialistes de l’automne 2011 connaissent des destins croisés. On se souvient que le chantre de la «démondialisation» avait alors fait un carton chez les sympathisants de gauche (17,2% des voix au premier tour) tandis que le maire d’Evry confirmait alors sa marginalité droitière (5,6%). Porteur des espoirs de la gauche du PS, Montebourg culminait à 45% d’indice de satisfaction chez OpinionWay alors que Valls devait se contenter de 37%.
Le rapport de forces dans l’opinion a changé depuis du tout au tout. Selon le même indicateur, Valls écrase désormais Montebourg (55% contre 29%). Le ministre du Redressement productif a perdu une bonne part de son crédit en ralliant la ligne majoritaire de son parti. Le volontarisme qu’il affiche suscite un scepticisme à la mesure de la lourdeur des défis qu’il prétend relever. Fort de sa continuité, Valls, pour sa part, n’a pas besoin de prétendre avoir «redressé le moral des Français» pour qu’on le considère...
Un ministre de droite ?
La singularité idéologique de Valls est le dernier, mais non le moindre, des ressorts de son succès. Le ministre de l’Intérieur n’est-il pas l’homme de gauche dont rêve la droite? Olivier Besancenot en est convaincu: c’est un «ministre sarkozyste».
Jean-François Copé semble d’accord avec l’ancien candidat du NPA. «En termes de paroles, Manuel Valls, objectivement, est à droite», tranche le secrétaire général de l’UMP qui s’y connaît. «Il a exactement les mêmes idées que moi dans la manière dont il les exprime», ajoute-t-il. L’intéressé ne lui a pas retourné le compliment puisqu’il vient de l’accuser d’être «dans la dérive». On se souvient encore des compliments embarrassants de Serge Dassault à l’ancien maire d’Evry.
L’assimilation entre la politique de Valls et celle de Sarkozy est pourtant peu rigoureuse. Le ministre de l’Intérieur ne met pas ses pas dans ceux de son illustre prédécesseur sur au moins deux points fondamentaux. Dans son «discours-cadre sur la sécurité» du 19 septembre, Valls a souligné «deux échecs» qu’il entend corriger: «la tension contre-productive» entre les forces de l’ordre et la justice ainsi que la piètre «relation police-population». A ce sujet, le ministre a insisté sur la lutte contre les contrôles d’identité abusifs et proposé de rétablir un «élément d’identification» sur l’uniforme des policiers, ce qui n’est pas anodin.
Pour autant, il ne fait guère de doute que la plupart des prises de positions de Valls ne sont pas spécifiquement identifiables à gauche. Lorsqu’il déclare, à propos des Roms, que la France «ne peut pas accueillir toute la misère du monde et de l'Europe», il dit une vérité qui avait déjà valu à Michel Rocard —dont le citation avait par ailleurs été tronquée— de sévères reproches dans son propre camp. Sur la question sensible du droit de vote des étrangers aux élections locales, Valls préfère tenir compte des réserves de l’opinion plutôt que de rester fidèle à ses positions antérieures.
Si l’on ajoute que le ministre de l’Intérieur s’était fait remarquer, précédemment, par des prises de positions résolument droitières en matière économique et sociale, on comprend que sa popularité ne puisse guère rejaillir sur l’ensemble de la gauche. Celle-ci est loin d’avoir encore trouvé un sauveur.
Notes
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