Michel Lhomme |
Les élections générales de l’Inde, pour élire 543 députés à la 16ème Lok Sabha, ont débuté ce dimanche à partir de deux Etats du nord-est de l'Inde, l'Assam et le Tripura. Le vote, dans la plus grande démocratie du monde, est complexe. Il se déroule en neuf phases effectuées dans 930 000 bureaux de vote avec 814 millions d'électeurs. Ce vote est étalé sur 36 jours du 7 avril au 12 mai. L'observateur s'y perd comme il se perd dans la complexité des combinaisons politiques locales qui peuvent changer au dernier moment.
Cette élection est différente à bien des égards. L'électorat est plus focalisé sur des individualités avec une forte utilisation des médias sociaux. Il y a aussi la montée de la « nouvelle classe» moyenne et la présence pour la première fois d'un très grand nombre de jeunes électeurs motivés. Tous les leaders ont, dans l'ensemble, rajeuni. Jusqu'à présent, la campagne électorale a été plutôt calme.
La grande figure du moment est incontestablement Narendra Modi, 63 ans, le chef du Bharatiya Janata Party (BJP : Parti du peuple Indien) et, sans doute, le futur premier ministre. Il a de l'expérience face à l'ambitieux Rahul Gandhi, 43 ans, considéré comme le candidat principal du Congrès, le parti au pouvoir. Arvind Kejriwal, 45 ans, chef du Aam Aadmi Parti, (hindi : आम आदमी पार्टी, « Parti de l'homme ordinaire ») un nouveau parti qui n'a qu'un an et demi d'existence, a créé un buzz dans l'arène politique en axant tout son programme sur la lutte contre la corruption, véritable plaie endémique du pays. Il pourrait surprendre dans cette élection, au Bengale et au Tamil Nadu (1) , fief pourtant de l'AIADMK (lit. All India Anna Dravidian Progress Federation) et de sa première ministre charismatique, Jayalalithaa qui vient d'ailleurs de décider de faire cavalier seule. Au Kerala comme en Andhra Pradesh, il faut suivre aussi le vote communiste traditionnel. Communistes et régionaux sont en fait dans ces élections indiennes la troisième force face au BJP et au Parti du Congrès.
Le cœur de la vraie bataille, ce sera la conquête de deux États principaux, l'Uttar Pradesh (UP) et le Bihar, parmi les moins développées des États indiens, mais qui représentent à eux deux 120 sièges de la Lok Sabha (80 députés pour l'UP et 40 pour le Bihar cas particulier, sur lequel nous reviendrons sous peu). En comparaison, Delhi se rend aux urnes le 10 Avril pour n'élire que 7 députés !
Le combat sera donc très serré. Narendra Modi ne serait-il pas parti trop tôt ? Le Parti du Congrès parie sur son bilan gouvernemental, soulignant l'adoption de législations sociales sous son mandat et affirmant que 14 millions de personnes ont été sorties de la pauvreté au cours des 10 dernières années. Mais il y a l'inflation, la perte du pouvoir d'achat des jeunes ménages et les suicides des paysans dans les campagnes. Vice-président du Congrès, Rahul Gandhi attaque le BJP et Narendra Modi sur leur politique de division religieuse (l'antagonisme hindou/musulman). Le BJP insiste lui sur un discours à la fois identitaire et sécuritaire, en particulier contre la guérilla maoïste du centre et du nord-est mais aussi face au Pakistan ou à la Chine dans un environnement international, il est vrai très incertain pour l'Inde, avec le départ des Américains d'Afghanistan.
En fait, les enjeux de cette élection 2014 en Inde sont particulièrement élevés pour le BJP qui a personnalisé toute sa campagne autour de Narendra Modi. Rahul Gandhi n'a pas encore été en mesure de capter l'attention des électeurs. On découvre l'affirmation d'un régionalisme frisant l'autonomisme et flirtant avec les maoïstes. Cela doit être surveillé attentivement car l'unité de la nation indienne est récente et particulièrement fragile.
Notes
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Source : http://metamag.fr/metamag-1953-INDE--ELECTIONS-2014.html
(1) créé selon des critères linguistiques en 1956 : il correspond à peu près aux régions d'Inde où l'on parle tamoul
(1) créé selon des critères linguistiques en 1956 : il correspond à peu près aux régions d'Inde où l'on parle tamoul