Laurent Joffrin |
Le nouveau Premier ministre, au profil jugé "droitier", correspond à la demande des Français exprimée dans les urnes. Encore faut-il qu'il obtienne des résultats.
Valls ? Un contresens ! Ainsi parle une partie de la gauche, qui impute à une politique trop droitière, ou trop libérale (1), le désastre électoral subi aux municipales. Au lendemain d’une telle défaite (2), ajoute-t-on, il eût fallu donner un vigoureux coup de barre à gauche pour espérer retrouver la faveur d’une opinion progressiste déboussolée. Fréquent, courant, répandu, le diagnostic mérite une analyse plus approfondie que le simple réflexe. On constatera alors que les idées reçues ne sont pas, comme souvent, les mieux fondées en réalité.
Première remarque : si les listes les plus à gauche – celles du Front de Gauche notamment – ont réalisé des scores honorables, aucun mouvement de fond, aucune adhésion spectaculaire ne s’est portée sur ces candidats qui font en permanence le procès de la social-démocratie pour exiger une politique beaucoup plus audacieuse. Les électeurs rejettent le rose mais ils ne plébiscitent pas le rouge. Au contraire, les grands vainqueurs du scrutin sont l’UMP et le Front national (3). Comme toujours quand la gauche de gouvernement est en difficulté, l’électorat bascule vers la droite et l’extrême droite (4), non vers la gauche de la gauche. Si l’on se fondait sur le résultat électoral immédiat, il faudrait, pour retrouver la faveur des électeurs, aller vers la droite et non vers la gauche…
Les classes populaires tentées par la droite
Aussi bien, l’examen des enquêtes d’opinion contredit les anathèmes anti-Valls qu’on entend dans une partie de la gauche. Dans un sondage BVA publié par le "Parisien" (5), il apparaît très clairement que l’ancien ministre de l’Intérieur est populaire non seulement dans l’opinion en général, mais aussi à gauche. Sa nomination à Matignon était souhaitée par 66% des Français. A gauche, le taux d’approbation est encore plus fort : 88% au sein de l’électorat socialiste, 75% au sein de l’électorat de gauche au sens large. Valls est présenté comme un droitier. Cela ne l’empêche pas de plaire à gauche…
On dira que les classes populaires se sont abstenues en raison d’une politique de rigueur qui comprime le pouvoir d’achat et ne fait pas reculer le chômage. Ce facteur-là a joué, bien sûr. Mais les classes populaires, on le constate avec frayeur, sont surtout attirées par le Front national. Le PCF, comme le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, mordent fort peu sur cet électorat. Quand le leader du Front de Gauche est allé défier le FN à Hénin-Beaumont (6), il a échoué. Cette fois, le candidat lepéniste a été élu au premier tour dans cette ville ouvrière.
L’idée que les Français les moins favorisés vont naturellement vers la gauche est malheureusement réfutée depuis longtemps. Au contraire, la gauche fait ses meilleurs scores au centre des grandes villes. Plus on s’éloigne de ces nouveaux bastions – dont Paris offre l’exemple le plus net (7) – plus le vote à gauche (y compris celui du Front de Gauche (8)) tend à s’effondrer. Dans certaines villes du midi, la gauche a disparu, extrême gauche comprise. Les analyses de Christophe Guilluy (9), ce géographe qui analyse la "France périphérique" se vérifient de plus en plus.
Valls attendu sur ses résultats
Aussi bien, une grande partie des ménages ouvriers ou populaires comprennent fort bien que les déficits et les dettes, à terme, finissent par se retourner contre leurs bénéficiaires apparents. Ils savent, pour le vivre tous les jours, ce qu’il en coûte de dépenser plus qu’on gagne ou de s’endetter de manière déraisonnable. Voyant que le budget de la France subit un déficit important, que le commerce extérieur se solde par un trou extraordinaire, ils voient, aussi bien que n’importe quel bobo, qu’on peut difficilement continuer sur ce rythme. Ils entendent depuis trop longtemps des promesses inconsidérées non-suivies d’effet pour se laisser prendre à tout coup aux discours démagogiques. Le langage de l’effort est souvent mieux compris des classes populaires qu’on ne le croit. Ce qu’elles contestent, c’est le manque de résultat, qui leur laisse à penser que les sacrifices consentis le sont en vain. C’est la raison principale, outre les erreurs de gouvernance, de l’échec socialiste aux municipales.
Pour toutes ces raisons, il n’est pas certain que l’opinion approuverait une volte-face qui conduirait le nouveau gouvernement à dépenser au-delà des capacités réelles du pays. Chacun comprend que la lutte contre les déficits, aussi désagréable soit-elle, s’impose à n’importe quel gouvernement. La relance du pouvoir d’achat est nécessaire mais elle sera forcément limitée, sauf à rendre les déficits incontrôlables. L’opinion, y compris l’opinion populaire, le sait. Elle jugera Valls (10) non sur sa réputation, mais sur ses résultats.
Valls ? Un contresens ! Ainsi parle une partie de la gauche, qui impute à une politique trop droitière, ou trop libérale (1), le désastre électoral subi aux municipales. Au lendemain d’une telle défaite (2), ajoute-t-on, il eût fallu donner un vigoureux coup de barre à gauche pour espérer retrouver la faveur d’une opinion progressiste déboussolée. Fréquent, courant, répandu, le diagnostic mérite une analyse plus approfondie que le simple réflexe. On constatera alors que les idées reçues ne sont pas, comme souvent, les mieux fondées en réalité.
Première remarque : si les listes les plus à gauche – celles du Front de Gauche notamment – ont réalisé des scores honorables, aucun mouvement de fond, aucune adhésion spectaculaire ne s’est portée sur ces candidats qui font en permanence le procès de la social-démocratie pour exiger une politique beaucoup plus audacieuse. Les électeurs rejettent le rose mais ils ne plébiscitent pas le rouge. Au contraire, les grands vainqueurs du scrutin sont l’UMP et le Front national (3). Comme toujours quand la gauche de gouvernement est en difficulté, l’électorat bascule vers la droite et l’extrême droite (4), non vers la gauche de la gauche. Si l’on se fondait sur le résultat électoral immédiat, il faudrait, pour retrouver la faveur des électeurs, aller vers la droite et non vers la gauche…
Les classes populaires tentées par la droite
Aussi bien, l’examen des enquêtes d’opinion contredit les anathèmes anti-Valls qu’on entend dans une partie de la gauche. Dans un sondage BVA publié par le "Parisien" (5), il apparaît très clairement que l’ancien ministre de l’Intérieur est populaire non seulement dans l’opinion en général, mais aussi à gauche. Sa nomination à Matignon était souhaitée par 66% des Français. A gauche, le taux d’approbation est encore plus fort : 88% au sein de l’électorat socialiste, 75% au sein de l’électorat de gauche au sens large. Valls est présenté comme un droitier. Cela ne l’empêche pas de plaire à gauche…
On dira que les classes populaires se sont abstenues en raison d’une politique de rigueur qui comprime le pouvoir d’achat et ne fait pas reculer le chômage. Ce facteur-là a joué, bien sûr. Mais les classes populaires, on le constate avec frayeur, sont surtout attirées par le Front national. Le PCF, comme le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, mordent fort peu sur cet électorat. Quand le leader du Front de Gauche est allé défier le FN à Hénin-Beaumont (6), il a échoué. Cette fois, le candidat lepéniste a été élu au premier tour dans cette ville ouvrière.
L’idée que les Français les moins favorisés vont naturellement vers la gauche est malheureusement réfutée depuis longtemps. Au contraire, la gauche fait ses meilleurs scores au centre des grandes villes. Plus on s’éloigne de ces nouveaux bastions – dont Paris offre l’exemple le plus net (7) – plus le vote à gauche (y compris celui du Front de Gauche (8)) tend à s’effondrer. Dans certaines villes du midi, la gauche a disparu, extrême gauche comprise. Les analyses de Christophe Guilluy (9), ce géographe qui analyse la "France périphérique" se vérifient de plus en plus.
Valls attendu sur ses résultats
Aussi bien, une grande partie des ménages ouvriers ou populaires comprennent fort bien que les déficits et les dettes, à terme, finissent par se retourner contre leurs bénéficiaires apparents. Ils savent, pour le vivre tous les jours, ce qu’il en coûte de dépenser plus qu’on gagne ou de s’endetter de manière déraisonnable. Voyant que le budget de la France subit un déficit important, que le commerce extérieur se solde par un trou extraordinaire, ils voient, aussi bien que n’importe quel bobo, qu’on peut difficilement continuer sur ce rythme. Ils entendent depuis trop longtemps des promesses inconsidérées non-suivies d’effet pour se laisser prendre à tout coup aux discours démagogiques. Le langage de l’effort est souvent mieux compris des classes populaires qu’on ne le croit. Ce qu’elles contestent, c’est le manque de résultat, qui leur laisse à penser que les sacrifices consentis le sont en vain. C’est la raison principale, outre les erreurs de gouvernance, de l’échec socialiste aux municipales.
Pour toutes ces raisons, il n’est pas certain que l’opinion approuverait une volte-face qui conduirait le nouveau gouvernement à dépenser au-delà des capacités réelles du pays. Chacun comprend que la lutte contre les déficits, aussi désagréable soit-elle, s’impose à n’importe quel gouvernement. La relance du pouvoir d’achat est nécessaire mais elle sera forcément limitée, sauf à rendre les déficits incontrôlables. L’opinion, y compris l’opinion populaire, le sait. Elle jugera Valls (10) non sur sa réputation, mais sur ses résultats.
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