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lundi 1 mai 2017

La joie de l'annonce du Salut


Rédigé par un moine de Triors
La joie de l'annonce du Salut
Lors de la Messe chrismale du Jeudi saint 13 avril, le Pape a commenté le passage évangélique où Jésus reprend à son compte la joyeuse annonce du salut libérateur que fit le prophète Isaïe. Jésus est l’Oint du Seigneur venu rendre aux captifs la liberté et aux pauvres la bonne nouvelle qu’est l’Évangile. À sa suite, les prêtres au cours des siècles ont été oints pour pardonner les péchés et consacrer la Sainte Eucharistie, nourriture du pèlerin de l’éternité que nous devons tous être. Ainsi, tout prêtre est missionnaire de l’Évangile et doit communiquer aux autres la joie de la miséricorde. Et le Pape commente alors trois moments évangéliques de cette joyeuse annonce qui naît de l’onction en regroupant d’ailleurs plusieurs joies évangéliques entre elles. On mesure par là combien la joie fait partie intégrante du message chrétien et l’on peut vraiment dire avec saint François de Sales qu’un « saint triste est un triste saint ».

Vérité, miséricorde et joie

La première joyeuse annonce est celle de l’Annonciation quand Jésus, le grand et unique prêtre de la nouvelle Alliance, fut oint par l’Esprit Saint dans le sein même de Marie. Cette joie née de l’onction conduisit Marie, sous le souffle de l’Esprit d’Amour, chez sa cousine Élisabeth à Aïn Karim. De cette joie est né le cantique d’action de grâces de Marie, son Magnificat. Cette même joie de l’Esprit accompagna le Verbe Incarné jusqu’au début de sa vie publique, à travers les événements joyeux mais aussi douloureux comme celle de la fuite en Égypte. Cette joie de l’Évangile contient pour le Pape trois valeurs toujours unies ensemble car indissociables : la première est la vérité jamais négociable (on retrouve ici les fameux points non négociables dont parlait Benoît XVI) ; la deuxième est la miséricorde inconditionnelle, qui respecte toutefois la liberté de chacun ; la troisième enfin, c’est bien sûr la joie. Mais ces trois valeurs ne peuvent ni ne doivent être purement abstraites, car l’Incarnation est réelle. Jésus n’était pas un pur marbre : il était vrai homme comme il était vrai Dieu. Avec le Pape, on peut tirer de tout cela une importante conséquence : vérité, miséricorde et joie doivent être vécues dans le concret, sans pour autant tomber dans leurs faux-semblants que seraient le relativisme, la fausse commisération ou une joie purement extérieure et superficielle.

La deuxième icône joyeuse est celle des noces de Cana. Les jarres d’eau changée en vin symbolisent bien l’outre nouvelle apportée par Jésus. Cette outre neuve d’une plénitude contagieuse est pour le Pape Marie, qui est notre mère et la mère de tous les prêtres. Sans Marie nul ne peut avancer dans la vie religieuse et sacerdotale et même tout simplement chrétienne. Prions Marie mère de la promptitude informée par la charité et obéissons-lui en fils très aimants quand elle nous conseillera : « Faites tout ce qu’il vous dira ». On retrouve cette même icône joyeuse de Cana dans l’épisode de la Samaritaine qui étancha la soif de Jésus plus par sa confession, son repentir et sa foi que par l’eau qu’elle lui donna. Nous aussi, comme les missionnaires de Mère Teresa épanchons par notre charité concrète la soif de Jésus : Sitio. Cette joie toute souriante à l’égard des plus petits apporte une tendresse qui guérit profondément toutes les blessures de la vie. Et ce ne sont pas seulement les prêtres qui doivent être remplis de cette tendresse.
Enfin la troisième icône joyeuse est celle du Sacré Cœur de Jésus transpercé par la lance du centurion. C’est en suivant Jésus doux et humble de cœur que nous attirerons à nous les âmes.

L'homélie du Pape

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés » (Lc 4, 18). Le Seigneur, oint par l’Esprit, apporte la joyeuse Annonce aux pauvres. Tout ce que Jésus annonce, et nous aussi prêtres, est joyeuse Annonce. Joyeux de la joie évangélique : de celui qui a été oint dans ses péchés par l’huile du pardon et oint dans son charisme par l’huile de la mission, pour oindre les autres. Et, à l’instar de Jésus, le prêtre rend joyeuse l’annonce par toute sa personne. Quand il fait l’homélie, (en étant bref dans la mesure du possible…) il le fait avec la joie qui touche le cœur de son peuple grâce à la Parole par laquelle le Seigneur l’a touché, lui, dans sa prière. Comme tout disciple missionnaire, le prêtre rend l’annonce joyeuse par tout son être. Et, d’autre part, ce sont justement les détails les plus insignifiants - nous en avons tous fait l’expérience – qui contiennent et communiquent le mieux la joie : le détail de celui qui fait un petit pas de plus et fait en sorte que la miséricorde déborde dans les territoires qui n’appartiennent à personne ; le détail de celui qui se décide à concrétiser la rencontre et en fixe le jour et l’heure. Le détail de celui qui permet, avec une douce disponibilité, qu’on use de son temps …

La joyeuse Annonce peut paraître simplement une autre façon de dire « Évangile » : comme « bonne nouvelle » ou « joyeuse nouvelle ». Cependant, elle contient quelque chose qui résume tout le reste : la joie de l’Évangile. Elle résume tout, parce qu’elle est joyeuse en elle-même.

La joyeuse Annonce est la perle précieuse de l’Évangile. Ce n’est pas un objet, c’est une mission. Celui qui fait l’expérience de « la douce et réconfortante joie d’évangéliser » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 10) le sait.
La joyeuse Annonce naît de l’Onction. La première, la « grande onction sacerdotale » de Jésus, c’est celle qu’a faite l’Esprit Saint dans le sein de Marie.
En ces jours-là, la joyeuse Annonciation a conduit la Mère Vierge à chanter le Magnificat, a rempli d’un saint silence le cœur de Joseph, son époux, et a fait tressaillir de joie Jean dans le sein de sa mère Elisabeth.
Aujourd’hui, Jésus revient à Nazareth et la joie de l’Esprit renouvelle l’Onction dans la petite synagogue du village : l’Esprit se pose et se répand sur lui, en le consacrant d’une onction de joie (cf. Ps 44, 8).
La joyeuse Annonce. Un seul mot – Évangile – qui par le fait même d’être annoncé devient une vérité joyeuse et miséricordieuse.
Que personne n’essaie de séparer ces trois grâces de l’Évangile : sa Vérité – non négociable -, sa Miséricorde – inconditionnelle pour tous les pécheurs – et sa Joie – intime et inclusive. Vérité, Miséricorde et Joie : toutes les trois ensemble.
La vérité de la joyeuse Annonce ne pourra jamais être uniquement une vérité abstraite, de celles qui n’en finissent pas de s’incarner pleinement dans la vie des personnes parce qu’elles se trouvent plus à l’aise dans la lettre imprimée dans les livres.
La miséricorde de la joyeuse Annonce ne pourra jamais être une fausse commisération, qui laisse le pécheur dans sa misère parce qu’elle ne lui tend pas la main pour qu’il se lève et ne l’accompagne pas pour qu’il fasse un pas en avant dans son engagement.
L’Annonce ne pourra jamais être triste ou neutre, car elle est l’expression d’une joie entièrement personnelle : « la joie d’un Père qui ne veut pas qu’un de ses petits se perde » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 237) : la joie de Jésus lorsqu’il voit que les pauvres sont évangélisés et que les petits vont évangéliser (cf. ibid., n. 5).

Les joies de l'Évangile

Les joies de l’Évangile – j’utilise à présent le pluriel, car elles sont nombreuses et variées, selon ce que l’esprit veut communiquer à chaque époque, à chaque personne dans chaque culture particulière – sont des joies spéciales. Elles doivent être conservées dans des outres neuves, celles dont parle le Seigneur pour exprimer la nouveauté de son message.
Je vous fais part, chers prêtres, chers frères, de trois icônes d’outres neuves dans lesquelles la joyeuse Annonce se conserve bien – il est nécessaire de la conserver –, ne devient pas aigre et se déverse abondamment.
Une icône de la joyeuse Annonce est celle des jarres de pierre des Noces de Cana (Jn 2, 6). Dans un détail, elles reflètent bien cette Outre parfaite qu’est – Elle-même, toute entière – Notre-Dame, la Vierge Marie. L’Évangile dit qu’« ils les remplirent jusqu’au bord » (Jn 2, 7). J’imagine que quelque servant aura regardé Marie pour voir si c’était suffisant ainsi et qu’il y aura eu un geste de sa part pour leur dire d’ajouter encore un seau [d’eau]. Marie est l’outre neuve de la plénitude contagieuse. Mais, très chers, sans la Vierge Marie nous ne pouvons pas progresser dans notre sacerdoce ! Elle est « la petite servante du Père qui tressaille de joie dans la louange » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 286), Notre-Dame de la promptitude, celle qui, à peine a-t-elle conçu dans son sein immaculé le Verbe de vie, va visiter et servir sa cousine Elisabeth. Sa plénitude contagieuse nous permet de surmonter la tentation de la peur : ce fait de ne pas avoir le courage de nous faire remplir jusqu’au bord et aussi au-delà, cette pusillanimité à ne pas sortir pour communiquer la joie aux autres. Rien de tout cela, car « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » (ibid., n. 1).
La deuxième icône de la joyeuse Annonce que je veux partager avec vous est cette jarre que – avec sa louche de bois – en plein soleil de midi, la Samaritaine portait sur la tête (cf. Jn 4, 5-30). Elle exprime bien une question essentielle : celle du concret. Le Seigneur, qui est la source d’eau vive, n’avait pas de quoi puiser de l’eau pour en boire quelques gorgées. Et la Samaritaine a pris de l’eau de sa jarre avec la louche et a étanché la soif du Seigneur. Et elle l’a étanchée encore plus par la confession de ses péchés concrets. En agitant l’outre de cette âme samaritaine, débordant de miséricorde, l’Esprit Saint s’est répandu dans tous habitants de ce petit village, qui ont invité le Seigneur à rester parmi eux.

L'exemple de Mère Teresa

Une outre neuve, autant concrète et inclusive, le Seigneur nous l’a offerte dans l’âme « samaritaine » qu’a été Mère Teresa de Calcutta. Il l’a appelée et lui a dit « J’ai soif ». « Ma petite, viens, conduis-moi dans les trous (taudis) des pauvres. Viens, sois ma lumière. Je ne peux pas y aller seul. Ils ne me connaissent pas, et c’est pourquoi ils ne veulent pas de moi. Conduis-moi chez eux ». Et elle, en commençant par quelqu’un de concret, par son sourire et par sa façon de toucher des mains les blessures, a apporté la joyeuse Annonce à tous. La façon de toucher des mains les blessures : les caresses sacerdotales aux malades, aux désespérés. Le prêtre homme de la tendresse. Du concret et de la tendresse !
La troisième icône de la joyeuse Annonce est l’immense Outre du Cœur transpercé du Seigneur : intégrité douce, humble et pauvre, qui attire chacun à lui. Nous devons apprendre de lui qu’annoncer une grande joie à ceux qui sont très pauvres ne peut se faire que d’une manière respectueuse et humble jusqu’à l’humiliation. Concrète, tendre et humble : ainsi l’évangélisation sera joyeuse. L’évangélisation ne peut pas être présomptueuse, l’intégrité de la vérité ne peut pas être rigide parce que la vérité s’est faite chair, s’est faite tendresse, s’est faite enfant, s’est faite homme, s’est faite péché sur la croix (cf. 2 Co 5, 21). L’Esprit annonce et enseigne « toute la vérité » (Jn 16, 13) et ne craint pas de la faire boire par gorgées. L’Esprit nous inspire à tout moment ce que nous devons dire à nos adversaires (cf. Mt 10, 19) et éclaire le petit pas en avant qu’en ce moment nous pouvons faire. Cette douce intégrité donne de la joie aux pauvres, redonne du courage aux pécheurs, fait respirer ceux qui sont opprimés par le démon.
Chers prêtres, en contemplant et en buvant à ces trois outres neuves, que la joyeuse Annonce ait en nous la plénitude contagieuse que la Vierge transmet de tout son être, le caractère concret et inclusif de l’annonce de la Samaritaine et la douce intégrité par laquelle l’Esprit jaillit et se répand, continuellement, du Cœur transpercé de Jésus notre Seigneur.