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mercredi 2 avril 2014

Ukraine: désolé de "désespérer Billancourt"

Philippe Delbauvre
Ukraine: désolé de
 
 
On pourrait être de prime abord surpris par cette prise de position sachant que je ne suis autre que celui qui a écrit assez récemment:


« Je dois avouer à mon lecteur mon appartenance à ce que l’on appelle contre-révolution. D’autres intitulent le fait, Réaction, droite légitimiste, voire en ce qui me concerne plus précisément, Traditionisme. Quelque peu agacé du fait, le général de Gaulle lui-même, se plaignait que l’on parlât par trop et en bien de la Révolution Française, considérant que c’était justement à partir de ce moment que les choses commencèrent à aller vraiment mal. Il m’apparaît pour autant que 1789 constitue incontestablement une date majeure de notre histoire nationale. » (1)


A l'origine, la bipartition entre droite et gauche nous vient de la Révolution Française. Fût de droite (2) (3) (4), celui qui à l'époque freina la dynamique des événements en cours ou s'opposa radicalement à la Révolution Française. Ma « weltanschaaug » est telle aujourd'hui que je me serais très probablement opposé à ce grand bouleversement si je l'avais connu et vécu.


Il est plusieurs façon d'être aujourd'hui monarchiste ou royaliste. L'une par exemple consiste à accepter le suffrage universel et de manière plus générale, la démocratie. D'où l'attrait pour certains régimes comme par exemple la monarchie britannique qui pourtant, malgré une France républicaine, ne se traduit pas dans les faits par une vie au quotidien, radicalement de celle qui est celle de chaque Français. Pourrait-on écrire, à l'autre extrémité de la grande famille royaliste, se situe une aile contre-révolutionnaire. Celle ci, bien entendu, s'oppose à l'intégralité de la Révolution Française, mais aussi de façon plus générale, au XVIII ème siècle, probablement parce qu'il fut celui de la fin de l'Ancien Régime.


Il m'a semblé trouver une contradiction chez Charles Maurras. Zélateur du XVII ème siècle, appelé souvent qualifié de « Grand », le penseur royaliste ne s'en définissait pas moins empiriste. Or, chacun sait que l'empirisme est justement l'idée philosophique majeure caractérisant le XVIII ème siècle, rompant avec le rationalisme du siècle précédent (5), que certains aiment à qualifier du terme de « desséchant ».


Le fait est qu'aujourd'hui, royalistes et monarchistes, considèrent que si le XVIII ème siècle est à rejeter, ce n'est pas le cas des précédents, même si on trouve auparavant, des signes avant-coureurs, annonçant au loin la révolution à venir. Mon point de vue personnel quant au jugement porté sur la période antérieure à l'année 1700 est différent. Il n'est, parce que subjectif, ni vrai ni erroné. Si l'incohérence en matière idéologique est bien une erreur (imaginons un communiste spéculant en bourse), le choix idéologique en lui même n'en est pas à priori un : tout dépend de l'angle de visée choisi.


Je suis de ceux qui considèrent que le mal en France est bien antérieur, non seulement à la Révolution Française, mais aussi aux siècles précédents. A titre d'exemple, je ne reproche pas à Louis XIV d'avoir anobli des bourgeois. Si d'aventure, ceux-ci s'étaient brillamment comportés comme des nobles, j'eus approuvé le fait. Je lui reproche en revanche, d'avoir anobli des bourgeois, justement parce qu'ils réussirent en tant que bourgeois, c'est à dire en s'enrichissant. Dès lors où un roi, récompense certains de ses sujets au motif de leur embourgeoisement, il ne faut pas être surpris par la suite, de lu triomphe d'une révolution bourgeoise.


N'allons pas croire que le mal ne commence qu'avec le couronnement du roi soleil. La catastrophe est à mes yeux bien antérieure. Je pense que le processus de décomposition est déjà présent en France comme ailleurs en Europe, dès avant le XIV ème siècle. Aussi bien en France qu'en Allemagne, des rois, jaloux de leur indépendance locale, prennent leur distance d'avec le Vatican. Je ne célèbre pas ce dernier parce que catholique, mais parce que représentant de l'autorité spirituelle. Sans ces rois, encore une fois le fait n'est pas spécifiquement français, l'Europe eut été Une, nous évitant les guerres fratricides qui allaient durer de très nombreux siècles.


Ainsi donc, me voici donc beaucoup plus radical que la majorité des thuriféraires de l'Ancien Régime. Je l'avais d'ailleurs déjà annoncé dans l'article précédemment cité.


C'est donc ici que le choix de Vladimir Poutine dans le cadre de la crise ukrainienne, qui n'est que le mien, pourrait surprendre. Comment un ultra, dont il est bien difficile de trouver plus radical, peut apporter son soutien à une personnalité qui est celle d'un conservateur, sachant de plus, que les nationalistes ukrainiens, sont autrement plus radicaux ?


On sait ce qu'est le tercérisme (6). C'est l'idée d'une troisième voie possible alors que deux sont en lice. Si ces deux dernières ont dans le passé souvent pris nom de « communisme » et « capitalisme », la notion de troisième voie peut exister dans de tout autre domaine. On pourrait donc qualifier le tercérisme d'alternative.
En vertu des paragraphes qui précèdent, dans lesquels je me suis politiquement défini, je suis naturellement de troisième voie. Et bien évidemment, en vertu du fait que les nationalistes ukrainiens incarnent une des troisièmes voies possibles dans le cadre du conflit qui oppose Russie et occident, on pourrait à nouveau croire à mon soutien aux insurgés.


Les enfants commettent assez souvent des erreurs qui nous font sourire. Suite à leur manque d'expérience, ils tentent quelquefois l'impossible. Ainsi le fait d'essayer de soulever un objet dont n'importe quel adulte sait qu'il est trop lourd. La troisième voie n'est possible que si elle est dès le départ, en position de gagner. C'est ainsi que si les trois forces en présence sont de valeur quantitative similaire, elles ont vocation à être, et à s'affirmer. En revanche,si dans le cadre d'une bataille entre une armée blanche composée d'un millier d'hommes et une armée rouge composée de tout autant d'hommes, une troisième armée verte d'une dizaine d'hommes tentent de s'imposer seule, non seulement elle ne gagnera pas au motif de sa faiblesse numérique, mais de surcroît elle risque d'être laminée. Cela n'est pas bien difficile à comprendre. En revanche, le groupe minoritaire peut influer sur le destin, en prêtant son concours à l'une des deux forces majeures en présence. C'est le cas des nationalistes ukrainiens, qui même sans l'aimer, apportent leur concours à l'occident au motif de leur russophobie.


Tel est le cas, toujours pour imager, lorsque deux listes obtiennent 48% des voix chacune, la troisième recueillant 4%. Pas bien difficile de comprendre que cette dernière sera l'arbitre puisque les deux premières savent pertinemment que 48 + 4 font 52, soit la barre de la majorité absolue franchie. La liste de 4% pourra, même si elle ne représente que le douzième de chacune des deux listes en présence, faire la différence. Avec une propension à exiger beaucoup pour le prix du ralliement. Il n'en reste pas moins qu'un huitième accordé, sachant le douzième initial, c'est déjà énorme puisque le tiers de plus. Et cela ne représente que 12,5%. Dans le cadre de l'élection présidentielle de 2012, sans l'apport des voix écologistes, François Hollande eut été battu. Pour autant, si les Verts entrèrent au gouvernement – le remerciement – ce fut pour y occuper des postes mineurs.


Combien de centaines de millions d'hommes côté Otan ? Combien de centaines de millions d'hommes dans les pays freinant l'Otan ? Les nationalistes ukrainiens, « combien de divisions » (7) ? Qui n'a pas compris encore au final que le destin de l'Ukraine se jouerait entre l'un des deux grands ? Il y a d'ailleurs de surcroît beaucoup de mythes chez les nationalistes ukrainiens dont nombre de membres posent armés, prenant un air se voulant guerrier, devant des journalistes en mal de sensation. Le reenacment (8) n'est nullement le combat réel et le combat urbain s'apprend. Ainsi le Cec de Givet (9) ou dans le cadre des camps d'entraînement militaires comme Sissonne (10).
Il est très difficile, n'en déplaise aux cinéastes hollywoodiens, de toucher une cible mobile. D'autant plus lorsque la cible vous arrose copieusement. Il y a dans les articles que j'ai pu lire une inadaptation au réel. Croire qu'une micro-minorité puisse balayer au moins un des géants relève encore une fois du mythe.


L'occident, comme toutes les puissances et Etats, veut se vêtir des plus beaux habits, ce à des fins de propagande. Comment peut-on avoir la naïveté de croire qu'un gouvernement ukrainien puisse accepter durablement des hommes qui se réclament du national-socialisme ou du fascisme ? Vladimir Poutine a très bien vu cette faiblesse et fatalement en joue. Une fois les nationalistes ukrainiens utilisés et instrumentalisés, le versant russophobe en l'occurrence, puisqu'il existe une facette cachée bien sur russophile, la purge s'effectuera. N'omettons pas non plus que la Crimée a été russe avant que la Bretagne ne soit française. N'omettons pas les excès commis par l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale qui a laissé des traces dans les esprits. Sidérant d'ailleurs que Staline ait su retourner les Ukrainiens après la grande famine dont ils souffrirent, alors qu'il en était l'un des responsables (11).


Puisqu'il vient récemment d'être question du « petit père des peuples » (12), rappelons qu'il n'était pas intellectuellement doué. En revanche, le pragmatique qu'il fut, sut y faire. Le pouvoir soviétique fut à conquérir (13). Face à lui, deux hommes autrement plus doués que lui, savoir Zinoviev et Trotski. Analysant concrètement la situation, il jaugea à juste titre que le plus fort était Trotski. C'est ainsi qu'il fit alliance dans un premier temps avec Zinoviev. D'où l'évacuation de la candidature de Trotski. Et puis forcément après de réduire à néant le rêveur Zinoviev (14). Est-ce si difficile à comprendre ?


Ce que l'on appelle géopolitique ou diplomatie ne sont que l'étude des rapports de force. Le plus souvent, il y a bien peu de finesse chez les uns comme chez les autres, et leurs réactions sont bien prévisibles. A la russophobie du gouvernement ukrainien, que pouvait faire Poutine sinon sanctionner ? De quels moyens disposait-il ? Du gaz par exemple dont dépend l'Ukraine, que Vladimir Poutine vient d'augmenter (15), comme on pouvait s'y attendre. Lorsque embarquée dans des guerres intra-européennes, la France fait alliance avec les Turcs (16), est-on bien certain qu'il s'agissait pour le Roy de propager l'islam ? N'y avait-il pas plutôt intérêt mutuel ? Là encore, la réalité est très prosaïque. Evidemment, il arrive que les chefs d'Etat fassent des erreurs comme ce fut par exemple le cas avec Kroutchev, sous-estimant Kennedy. Mais très majoritairement, la conduite des uns et des autres est prévisible. Le rapprochement entre Pékin, Moscou et Téhéran, flagrant aujourd'hui, je l'avais prévu voilà bien longtemps (17). Nulle boule de cristal. Il est simplement de l'intérêt de ces trois pays de se coaliser pour freiner l'hegemon occidental dont Washington est le glaive principal.


Au même titre que j'ai contesté rationnellement le renvoi dos à dos entre Palestiniens et Israëliens (18), encore une fois voici longtemps, je conteste aujourd'hui le même procédé utilisé à destination de la Russie et des Usa. Les deux puissances, si elles peuvent être comparées, ne sont pas de la même force et ne secrète pas le même impérialisme. La Russie poutinienne intervient-elle militairement dans la zone d'influence de Washington à savoir les trois amériques ? En revanche, l'Irak, l'Afghanistan et la Syrie sont bien dans l'orbite russe, au simple motif de frontières communes. Et pourtant les Usa y sont ou y ont été. Si loin de leurs bases. Le parallèle entre Russie et Usa serait donc valable si la Russie intervenait militairement au Canada ou au Mexique. Est-ce le cas ?


Quels sont les pays qui parmi les deux centaines qui composent la planète, s'opposent au nouvel ordre mondial ? Etablissez donc une liste … La Russie, la Chine, la Syrie, la Corée du nord, le Vénézuela, l'Iran sont les plus connus. Mais ceux là mis à part, que reste t-il ? Là encore, le principe de Staline pour les Nôtres reste le meilleur. La troisième voie, aujourd'hui faible, nous le savons, se doit d'aider le moins puissant de deux. Qui méconnaît la lutte entre Coriace et Horace (19) ? Est-ce si difficile à pratiquer ? Dès lors où la Russie devint poutinienne, nous eûmes alors la chance de voir se dresser un contrepoids à l'armée du projet mondialiste mené par Attali et consorts.


Plus longtemps les grands s'affaibliront dans les combats, plus la différence entre eux et Nous diminuera. D'où l'idée de soutenir le plus faible des deux blocs, dont l'un d'ailleurs est beaucoup plus homogène que l'autre (rapport idéologique, entre le régime syrien (?), la Chine nationale-capitaliste, la Corée communiste, l'Iran islamiste, la Russie conservatrice ou ultra-conservatrice et le Vénézuela chavezien démo-national ?).


Pourquoi Laurence Parisot et tant d'autres de s'être autant opposés à Hugo Chavez, au point pour elle d'en mentir ? Nul question au demeurant d'idolâtrer cet ancien dirigeant. Que disent de la Russie les hommes politiques français du Système ? Croit-on que Bhl, après avoir su intégrer Normale Sup est géopolitiquement un imbécile ? Plus on va loin vers la droite et loin vers la gauche, et plus on a de chance de trouver des propos flatteurs concernant la Russie. Les lecteurs d'Alain de Benoist savent très bien que le nouveau référentiel oppose centre (le système) et périphérie (20), remplaçant ainsi le repère droite/gauche. C'est de la cohérence qu'il faut dans la mouvance : « Quand il pleut, ça mouille ».


En attendant la très fameuse et si rare « divine surprise » (21). Nous en sommes malheureusement là. Et désolé de « désespérer Billancourt » ...(22)
 
Notes

(1) http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFlkFkZppFdtRZNRGM.shtml

(2) René Rémond, les droites en France.

(3) Jean-François Sirinelli, histoire des droites en France, (3 vol).

(4) François Huguenin, histoire intellectuelle des droites.

(5) Je songe à Descartes ou Leibniz

(6) Les ouvrages sont nombreux ; « Ni trusts ni soviets » par exemple.

(7) Staline évoquant le Vatican

(8) le plaisir de s'habiller en uniforme du passé sans combattre

(9) http://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_d'entraînement_commando

(10) http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Sissonne

(11) http://fr.wikipedia.org/wiki/Holodomor

(12) Staline eut même le culot de demander de lui attribuer une voix pour chacun des Etats constituant l'Urss au motif qu'il n'oserait plus sinon, à se présenter devant ses électeurs ...

(13) Comprendre la révolution russe : Martin Malia, Alain Besançon

(14) A ne pas confondre avec le dissident (Alexandre) dont l'humour est décapent. En témoignent le titre de beaucoup de ses ouvrages :
L'Antichambre du paradis, L'Âge d'Homme (1979)
Sans illusions, L'Âge d'Homme (1979
Nous et l'Occident, L'Âge d'Homme (1981)
Le Communisme comme réalité, L'Âge d'Homme (1981)
Homo sovieticus, L'Âge d'Homme (1982)
Ni liberté, ni égalité, ni fraternité, L'Âge d'Homme (1983)
Katastroika, L'Âge d'Homme (1984)
L'Evangile pour Ivan, L'Âge d'Homme (1984)
Va au Golgotha, L'Âge d'Homme (1986)
Para bellum, L'Âge d'Homme (1987)

(15) http://fr.ria.ru/world/20140401/200880562.html

(16) http://www.ambafrance-tr.org/Histoire-des-relations-entre-la

(17) http://aucoeurdelempire.over-blog.com/article-4870838.html (Texte repris par David l'épée)

(18) http://www.voxnr.com/cc/politique/EkFEkZVpEVjJxwwcEW.shtml

(19) http://fr.wikipedia.org/wiki/Combat_des_Horaces_et_des_Curiaces

(20) Dans le premier exemplaire, M. Benoist écrit – reprenant son analyse de la dialectique de la "périphérie" contre le "centre" – qu'il souhaite que Krisis soit "une revue de droite et de gauche, d'ailleurs et de nulle part". En cela, il reste fidèle à son principe "métapolitique" qui est, selon lui, "la politique vue de loin, le fait de ramener les choses au niveau des principes". Et d'ajouter : "Je voulais favoriser le débat entre les personnes qui n'ont pas l'occasion de débattre entre eux. Par exemple, pour le numéro sur la sexualité, il y avait un face-à-face entre l'éditeur de Sade et Christine Boutin." Abel Mestre, Le Monde, 9 août 2010.


(21) Encore un Charles...

(22) Sartre s'est longtemps refusé à critiqué le système soviétique, compagnon du Parti qu'il fut, au motif de laisser un espoir aux ouvriers de Boulogne-Billancourt (aéronautique et automobile).