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samedi 29 avril 2017

Pourquoi l’enfant disparaît.


Pour la seconde année consécutive le chiffre des naissances est en baisse en France. Il est né 785 000 bébés en 2016 alors que 832 000 naissances avaient été enregistrées en 2010. A défaut du chômage François Hollande aura réussi à faire baisser le nombre des naissances.

Face à cette réalité il est de bon ton de formuler, généralement d’un ton sentencieux, quatre affirmations stupides.

Tout va bien

Tout d’abord notre situation ne serait pas totalement satisfaisante certes mais elle serait moins mauvaise qu’ailleurs. La dure réalité est qu’avec un taux de fécondité d’1,93 enfants par femme en France les générations ne sont pas renouvelées. Nous sommes plus dans une logique « encore un instant monsieur le bourreau » que dans une situation réellement satisfaisante.
Ensuite tout cela ne serait pas bien grave car d’une part la planète serait trop peuplée et d’autre part grâce à l’immigration nos pays vieillissants seraient en passe d’être régénérés par des masses de jeunes dynamiques et entreprenants qui paieront nos retraites et nous feront goûter aux charmes du métissage généralisé des corps et des cœurs. C’est ce que le patronat allemand, en mal de main d’œuvre, a exigé et obtenu d’Angela Merkel avec les résultats que l’on sait. Le drame pour nos sociétés est que chacun d’entre nous est d’abord un être culturel avant d’être une entité économique. De plus parmi les réfugiés que l’Europe accueille il y a plus d’analphabètes que de chercheurs en physique nucléaire ou de docteurs en mécanique des fluides.

« C’est d’abord parce que les Français sont inquiets sur l’évolution de leur niveau de vie » (Yves de Kerdrel Valeurs Actuelles du 26 janvier) que la natalité chuterait. L’éditorialiste du célèbre hebdomadaire semble créer un lien direct de cause à effet entre les perspectives de prospérité matérielle et la fécondité. S’il n’est pas question de nier que les difficultés matérielles peuvent être un frein à la natalité il n’est pas non plus légitime de lier la natalité uniquement à des questions économiques. Les pays les plus riches d’Europe (Allemagne, Suisse, Autriche, Norvège, Suède, etc.) ne sont pas ceux à la natalité la plus élevée. Citons les taux de fécondité de l’Allemagne (1,44 enfants par femme), la Suisse (1,55), la Norvège (1,86), l’Autriche (1,46), etc.

La vérité sur le « baby boom »

 C’est au général De Gaulle et à la politique nataliste impulsée par le Conseil National de la Résistance que serait dû le redressement démographique de la France après la seconde guerre mondiale, le fameux « baby boom ». Il se trouve que c’est à la IIIe République confortée par les mesures de l’État Français que l’on doit le redressement de notre natalité à partir de …1943 et cela malgré l’absence de 1 850 000 prisonniers. En effet l’année 1943 enregistre 589 000 naissances contre 576 000 en 1938 et 580 000 en 1939. Que s’est-il passé ? Tout d’abord de nombreuses mesures législatives ont été adoptées : loi Landry du 11 mars 1932 qui instaure des sursalaires familiaux pour les familles de plus de deux enfants, décret-loi du 12 novembre 1938 qui crée des Allocations Familiales progressives et indépendantes du salaire, code de la famille du 29 juillet 1939 qui promeut une prime à la naissance et une allocation de mère au foyer. L’inspirateur de ces mesures est un démographe fondateur de l’Institut National d’Études Démographiques, Alfred Sauvy, membre du cabinet de Paul Reynaud en 1940. À ces mesures matérielles vient s’adjoindre la promotion, que l’on qualifierait aujourd’hui de médiatique, par l’État français de la femme de France comme épouse et comme mère. Le maréchal Pétain ne cesse d’exalter ce rôle dans de très nombreux discours conformément à la devise « Travail, Famille, Patrie ». La mesure emblématique de cet état d’esprit sera, bien sûr, l’institution de la Fête des Mères en 1941. Les lois sur le divorce deviennent plus restrictives. Le CNR ne fera que prolonger et conforter cette politique qui sera au fil du temps réduite à néant. D’une part financièrement, les Allocations Familiales devenant un instrument de redistribution sociale contrairement à leurs intuitions d’origine, et d’autre part médiatiquement par la dévalorisation constante de la maternité et de la femme qui se consacre à l’éducation de ses enfants. Logiquement le taux de natalité commence à fléchir au milieu des années 1970 qui sont encore une période de forte croissance et de prospérité. Les conséquences de l’esprit de mai 68 sont également perceptibles dans ce domaine et ce n’est pas en proposant, plus ou moins consciemment, Brigitte Bardot comme modèle de la femme moderne et libérée que la droite se montre capable de redresser la barre. Tout cela pour aboutir à la situation ubuesque où s’occuper des enfants des autres est admirable mais s’occuper des siens est l’objet d’un profond mépris de la part de la classe politico médiatique. Comme le notait justement Alfred Sauvy : « La seule qui n’ait pas droit à une retraite normale est la mère de plusieurs enfants ».
Notons enfin, avec tristesse, que l’Église qu’il est maladroit mais commode de qualifier de conciliaire est dans une position pour le moins ambiguë sur le sujet. Mise à part l’Irlande les pays où la pratique religieuse reste significative ou importante : Espagne, Italie, Pologne sont aussi ceux qui ont des taux de natalité particulièrement bas, entre 1,3 et 1, 5 enfants par femme. On aura du mal à croire que ces chiffres sont la conséquence d’une maîtrise particulièrement remarquable des méthodes de régulation naturelle des naissances promues par l’encyclique de Paul VI Humanae Vitae à l’exclusion de l’avortement et de la contraception artificielle…  

Une expérience à suivre

Il semble donc que le redressement de la natalité française, condition de la survie de la France, soit à la conjonction de deux facteurs. D’une part des soutiens financiers qui permettent à chaque naissance de ne pas se concrétiser, comme aujourd’hui, par une baisse de l’ordre de 20% du niveau de vie de la famille concernée. D’autre part un climat général de valorisation de la maternité mais aussi de stabilisation des unions. Pour des raisons évidentes l’instabilité des couples ne facilite pas la transmission de la vie. La seule expérience d’envergure aujourd’hui menée dans ce domaine a lieu dans la Russie de Vladimir Poutine. Il sera intéressant d’en observer les résultats. Quant à la France ce sujet ne semble guère intéresser les actuels prétendants à la magistrature suprême.

 Jean-Pierre Maugendre