Face à cette réalité il est de bon ton de formuler, généralement d’un ton sentencieux, quatre affirmations stupides.
Tout va bien
Tout d’abord notre situation ne serait pas totalement
satisfaisante certes mais elle serait moins mauvaise qu’ailleurs. La
dure réalité est qu’avec un taux de fécondité d’1,93 enfants par femme
en France les générations ne sont pas renouvelées. Nous sommes plus dans
une logique « encore un instant monsieur le bourreau » que dans une
situation réellement satisfaisante.
Ensuite tout cela ne serait pas bien grave car d’une
part la planète serait trop peuplée et d’autre part grâce à
l’immigration nos pays vieillissants seraient en passe d’être régénérés
par des masses de jeunes dynamiques et entreprenants qui paieront nos
retraites et nous feront goûter aux charmes du métissage généralisé des
corps et des cœurs. C’est ce que le patronat allemand, en mal de main
d’œuvre, a exigé et obtenu d’Angela Merkel avec les résultats que l’on
sait. Le drame pour nos sociétés est que chacun d’entre nous est d’abord
un être culturel avant d’être une entité économique. De plus parmi les
réfugiés que l’Europe accueille il y a plus d’analphabètes que de
chercheurs en physique nucléaire ou de docteurs en mécanique des
fluides.
« C’est d’abord parce que les Français sont inquiets sur l’évolution de leur niveau de vie » (Yves de Kerdrel Valeurs Actuelles
du 26 janvier) que la natalité chuterait. L’éditorialiste du célèbre
hebdomadaire semble créer un lien direct de cause à effet entre les
perspectives de prospérité matérielle et la fécondité. S’il n’est pas
question de nier que les difficultés matérielles peuvent être un frein à
la natalité il n’est pas non plus légitime de lier la natalité
uniquement à des questions économiques. Les pays les plus riches
d’Europe (Allemagne, Suisse, Autriche, Norvège, Suède, etc.) ne sont pas
ceux à la natalité la plus élevée. Citons les taux de fécondité de
l’Allemagne (1,44 enfants par femme), la Suisse (1,55), la Norvège
(1,86), l’Autriche (1,46), etc.
La vérité sur le « baby boom »
C’est
au général De Gaulle et à la politique nataliste impulsée par le
Conseil National de la Résistance que serait dû le redressement
démographique de la France après la seconde guerre mondiale, le fameux
« baby boom ». Il se trouve que c’est à la IIIe République confortée par
les mesures de l’État Français que l’on doit le redressement de notre
natalité à partir de …1943 et cela malgré l’absence de 1 850 000
prisonniers. En effet l’année 1943 enregistre 589 000 naissances contre
576 000 en 1938 et 580 000 en 1939. Que s’est-il passé ? Tout d’abord de
nombreuses mesures législatives ont été adoptées : loi Landry du 11
mars 1932 qui instaure des sursalaires familiaux pour les familles de
plus de deux enfants, décret-loi du 12 novembre 1938 qui crée des
Allocations Familiales progressives et indépendantes du salaire, code de
la famille du 29 juillet 1939 qui promeut une prime à la naissance et
une allocation de mère au foyer. L’inspirateur de ces mesures est un
démographe fondateur de l’Institut National d’Études Démographiques,
Alfred Sauvy, membre du cabinet de Paul Reynaud en 1940. À ces mesures
matérielles vient s’adjoindre la promotion, que l’on qualifierait
aujourd’hui de médiatique, par l’État français de la femme de France
comme épouse et comme mère. Le maréchal Pétain ne cesse d’exalter ce
rôle dans de très nombreux discours conformément à la devise « Travail, Famille,
Patrie ». La mesure emblématique de cet état d’esprit sera, bien sûr,
l’institution de la Fête des Mères en 1941. Les lois sur le divorce
deviennent plus restrictives. Le CNR ne fera que prolonger et conforter
cette politique qui sera au fil du temps réduite à néant. D’une part
financièrement, les Allocations Familiales devenant un instrument de
redistribution sociale contrairement à leurs intuitions d’origine, et
d’autre part médiatiquement par la dévalorisation constante de la
maternité et de la femme qui se consacre à l’éducation de ses enfants.
Logiquement le taux de natalité commence à fléchir au milieu des années
1970 qui sont encore une période de forte croissance et de prospérité.
Les conséquences de l’esprit de mai 68 sont également perceptibles dans
ce domaine et ce n’est pas en proposant, plus ou moins consciemment,
Brigitte Bardot comme modèle de la femme moderne et libérée que la
droite se montre capable de redresser la barre. Tout cela pour aboutir à
la situation ubuesque où s’occuper des enfants des autres est admirable
mais s’occuper des siens est l’objet d’un profond mépris de la part de
la classe politico médiatique. Comme le notait justement Alfred Sauvy :
« La seule qui n’ait pas droit à une retraite normale est la mère de plusieurs enfants ».
Notons enfin, avec tristesse, que l’Église qu’il est
maladroit mais commode de qualifier de conciliaire est dans une position
pour le moins ambiguë sur le sujet. Mise à part l’Irlande les pays où
la pratique religieuse reste significative ou importante : Espagne,
Italie, Pologne sont aussi ceux qui ont des taux de natalité
particulièrement bas, entre 1,3 et 1, 5 enfants par femme. On aura du
mal à croire que ces chiffres sont la conséquence d’une maîtrise
particulièrement remarquable des méthodes de régulation naturelle des
naissances promues par l’encyclique de Paul VI Humanae Vitae à l’exclusion de l’avortement et de la contraception artificielle…
Une expérience à suivre
Il semble donc que le redressement de la natalité
française, condition de la survie de la France, soit à la conjonction de
deux facteurs. D’une part des soutiens financiers qui permettent à
chaque naissance de ne pas se concrétiser, comme aujourd’hui, par une
baisse de l’ordre de 20% du niveau de vie de la famille concernée.
D’autre part un climat général de valorisation de la maternité mais
aussi de stabilisation des unions. Pour des raisons évidentes
l’instabilité des couples ne facilite pas la transmission de la vie. La
seule expérience d’envergure aujourd’hui menée dans ce domaine a lieu
dans la Russie de Vladimir Poutine. Il sera intéressant d’en observer
les résultats. Quant à la France ce sujet ne semble guère intéresser les
actuels prétendants à la magistrature suprême.
Jean-Pierre Maugendre