Gabrielle Cluzel cliquez ici
« La semaine où “Me Too” et la “liberté d’importuner” se sont écharpés », titrait, lundi matin, Madame Figaro pour résumer le pugilat de gynécée des jours passés.
Et
il faudrait donc que toute femme choisisse son camp ? Catherine Millet
ou Caroline De Haas ? Caroline De Haas ou Catherine Millet ? Merci bien,
mais ça ne fait pas rêver. Permettez que je tire ma révérence, ciao,
salut, je retourne au pays des femmes ordinaires, celles de la vraie
vie, avec de vrais soucis, celles qui ne se demandent pas, toute la
sainte journée, avec des postures de vestale, si elles aiment être un
peu, beaucoup, pas du tout importunées, et si frôler n’est pas frotter.
Mesdames,
ôtez-moi un doute : vous ai-je jamais élues, cooptées, désignées,
déléguées, missionnées, pressenties pour me représenter ? Alors, de quel
droit prétendriez-vous parler en mon nom ? Comme le dit Élisabeth Lévy,
il n’y a pas de « parti unique des femmes », et je revendique le droit d’avoir une pensée propre, dont l’alpha ne serait pas mon ovaire gauche et l’oméga mon ovaire droit.
Dans Le Deuxième Sexe,
Simone de Beauvoir dénonçait l’essentialisation de la femme, et
s’indignait que l’on réduise celle-ci à ses organes génitaux. Comme on
peut voir, son combat a porté ses fruits : à quoi la philosophe
féministe Olivia Gazalé, dans son livre Le Mythe de la virilité, réduit-elle la femme, décrite en tant que « pénétrée » (sic), opprimée par les « pénétrants » (re-sic) ? Et à quoi le hashtag #BalanceTonPorcréduit-il les hommes ? Pas à leur cerveau, si ?
Évidemment,
dans ce contexte, l’autre parti, celui des cent signataires, nous
paraît sympathique, ne serait-ce – après la volée de bois vert que ces
dames viennent de ramasser – que par solidarité entre taulards face à un
maton commun.
Mais
la vérité force à dire que, comme dans tout divorce – car c’est bien
une tempête dans le verre d’eau de l’entre-soi parisien qui a eu lieu -,
les torts sont partagés.
Si le #BalanceTonPorc
rencontre un certain écho auprès des jeunes femmes, c’est bien que
celles-ci perçoivent un climat d’agressivité sexuelle qui n’existait pas
avant, né de la jonction de deux phénomènes :
Celui
de la libération sexuelle portée par la génération Mai 68 – peu ou prou
celle des signataires – qui a dérégulé les relations hommes-femmes,
écrasant les étapes intermédiaires, promouvant dans le cinéma, la
littérature, la presse, la pub et jusque dans l’éducation sexuelle
dispensée à l’école un « amour libre » très entreprenant, assorti d’un
vocabulaire plus que direct, tellement obnubilée par son interdit
d’interdire que, même face à la pornographie, elle n’a rien trouvé à
redire. Il suffit, pour s’en convaincre, de faire un test simple.
Demandez donc à vos grands-mères si l’une d’elles, jadis, s’est entendu
dire dans la cour de récréation : « Eh, meuf, t’es qu’une salope ! (ou une p…) », lot commun, aujourd’hui, des collégiennes.
Celui
de l’arrivée massive, en Occident, d’une population qui,
culturellement, ne porte pas le même regard sur la femme, avec cette
fâcheuse propension à jauger, avec son curseur propre, la vertu d’une
femme à sa façon de se vêtir.
À
quel moment ces deux points cumulés, qui sont une évidence pour madame
Tout-le-Monde même si elle n’a pas toujours les mots pour le dire,
ont-ils été évoqués par l’un ou l’autre camp ? Quelle solution
espère-t-on trouver si l’on n’a pas posé les hypothèses ? Quel débouché
concret pourrait avoir ce dialogue de sourdes et d’aveugles patentées ?
Un
jour prochain, la femme ordinaire, exaspérée d’être prise en main comme
une éternelle fillette par des représentantes autoproclamées, se lèvera
enfin. Non pour revenir à l’âge d’or d’une autre époque – qui
n’existait pas, sinon Mai 68 ne serait pas arrivé -, mais pour rendre
justice à une altérité bien comprise et, sur un terrain ainsi apaisé,
retrouver le chemin du respect réciproque. Nombreuses, d’ailleurs, sont
celles qui le vivent déjà. Mais ce ne sont pas elles, penses-tu, que
l’on fait témoigner.