Il n'est donc pas étonnant que nos sociétés souffrent d'un très haut taux de maladies psychologiques comme l'anxiété, l'insomnie et la dépression
Par Piero San Giorgio
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Il
est amusant d'observer une population composée essentiellement
d'employés de bureau bien dociles, qui suit massivement des modes issues
de cultures qui étaient dans le temps marginales. Tatouages tribaux et
censés être impressionnants pour les hommes. Petits coeurs, dauphins,
fleurs, caractères chinois pour les femmes, quand ce n'est pas une sorte
de flèche sur le bas du dos ou au-dessus des fesses pointant vers
l'anus (probablement voulant dire entrez ici ?). Tatouages donc, piercings, fringues, sorties, vacances originales, appartenance à des tribus... Il faut être différent, comme tout le monde !
Tout est fait pour le divertissement immédiat : amusement constant,
pornographie, drogues. La culture de la consommation nous focalise sur
l'avoir au lieu de l'être, sur la possession au lieu des relations, sur
les apparences au lieu du bien-être. Cela pousse à l'égoïsme, à
l'égocentrisme, à la concurrence constante. Dans tous les domaines, on
se compare toujours au niveau le plus haut, idéalisé, impossible à
atteindre. La confusion et la frustration engendrées sont considérables.
Résultat : des problèmes comme les maladies mentales, le taux de
divorce, l'addiction aux drogues et à d'autres substances, et même les
taux de criminalité n'ont fait qu'augmenter partout en Occident depuis
les années 1950.
En 1970, 79% des étudiants américains avaient comme objectif une vie
qui ait plus de sens. En 2005, ce même sondage montre que l'objectif de
75% des étudiants était de bien gagner leur vie, mais 81% de ceux-ci
avouaient ressentir un vide existentiel. 30% des travailleurs admettent être des workaholics,
accoutumés à leurs emails, blackberry, iphones et autres gadgets
électroniques censés les rendre plus productifs. 50% des travailleurs
disent ne pas passer assez de temps avec leurs enfants et leur famille
et 40% disent ne pas avoir assez de temps pour eux-mêmes et leurs
loisirs.
Il n'est donc pas étonnant que nos sociétés souffrent d'un très haut
taux de maladies psychologiques comme l'anxiété, l'insomnie et la
dépression. Un ami médecin m'a bien résumé le problème : "Nous
sommes prisonniers d'un cercle vicieux : nous faisons un travail
aliénant et sans sens, créant un état dépressif chez le travailleur ; un
médicament permet au travailleur de continuer à travailler ; le travail
permet au travailleur d'avoir les moyens de se payer ce médicament ; le
docteur qui prescrit le médicament est obligé de le faire et de rester
dans le système, car il doit rembourser l'emprunt qu'il a fait pour
financer ses études de médecine, sans parler de sa cotisation annuelle
au club de golf."
Les médias zappent d'un sujet sensationnel à l'autre, sans arrêt,
sans jamais faire une analyse de fond ou donner le temps de réfléchir.
Si pour la plupart des téléspectateurs, à l'esprit émoussé, voire
lobotomisé depuis longtemps, ce divertissement suffit, l'esprit aiguisé
perçoit de manière évidente l'influence de qui possède le média en
question : marchand d'armes, groupe industriel d'un Etat. Dans ce monde
matérialiste où l'on vénère l'argent, la moindre critique du système
marchand-consumériste et de l'accumulation de la richesse à outrance est
devenue une forme d'hérésie. Tout politicien, professeur ou citoyen
parlant contre la société de consommation met sa carrière en danger et
doit s'attendre à être chahuté, accusé d'extrémisme, ridiculisé et
ignoré. Les rares résistants ou dissidents travaillent hors du système
des médias, comme un Beppe Grillo en Italie, par exemple.
Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique