Par Jean-Yves Camus
Tous ceux qui étudient la pensée de
droite devraient aller assister à un concert de Jean-Pax Méfret. En
effet, qui d’autre peut, à 73 ans, remplir deux jours de suite le Casino
de Paris (plus de 1500 places), s’apprêter à tourner en province et
attirer un public dans lequel les familles et les jeunes sont plus
nombreux que ses contemporains ? Qui d’autre peut faire se lever son
public à l’unisson pour respecter la Sonnerie aux Morts à la fin d’une
chanson (« Le vieux soldat », sous-titré « Respect »), puis faire
applaudir les chefs de la Vendée militaire quand il égrène leurs noms en
terminant un hymne aux Chouans ? Réponse : personne, mis à part
l’ancien journaliste et grand reporter passé par le « Minute » des
années 70, puis par « L’Aurore » et le « Figaro-Magazine » et qui a
choisi depuis le début des années 70 d’être aussi un chanteur engagé, le
« chanteur de l’Occident ».
Tout l’intérêt d’un tour de chant de
Jean-Pax Méfret est de permettre une vaste rétrospective des combats qui
ont mobilisé sa génération et que d’autres poursuivent : patriotisme
éprouvé par la défaite d’Indochine et la perte de l’Algérie, opposition
aux valeurs de Mai 68, anticommunisme viscéral, soutien aux chrétiens
d’Orient, hier ceux du Liban et aujourd’hui ceux victimes de l’islam
radical. Ces engagements pleinement assumés et revendiqués, mis en
musique sur le mode d’une chanson de variété de bonne facture et
interprétés avec une vraie voix, sont toutefois servis par des chansons
plus subtiles qu’un simple répertoire militant. L’homme a du recul, une
vraie sensibilité et ne cède jamais aux très rares excès de spectateurs
qui veulent davantage d’agressivité (il lance à l’un deux, « ce n’est
pas un meeting »), de même qu’il chante son « pays perdu », l’Algérie,
avec bien plus de subtilité qu’aurait eu une apologie en bonne et due
forme d’une OAS dont il a été proche.
D’extrême-droite, Jean-Pax Méfret ?
C’est un peu simpliste. Il entame sa prestation par une chanson sur les
chrétiens d’Orient qui reflète une réalité constatée par tous (et
propose à la fin une profession de foi catholique, « La Force »). Il
continue par un de ses classiques, « Sainte Mère l’Eglise », qui raconte
le débarquement allié en Normandie et invite, dans une intervention
parlée, à ne jamais oublié l’engagement des américains pour nous libérer
du nazisme. Continue par « Veronika », hommage aux allemands de l’est
et à leur lutte pour se libérer de la prison qu’étaient le secteur
oriental de Berlin en particulier et la RDA en général. Il reprend en
fond de scène la photo célèbre du président Kennedy et son « Ich bin ein
Berliner ». Il chante les victimes du goulag soviétique et les
refuzniks juifs d’URSS. Puis les harkis. Dans le coffret de ses CDs paru
en 2015, tout ceci est présenté sous deux intitulés : « années
froides », époque de la guerre du même nom et « Nostalgérie ».
Il existe un troisième volet à son
œuvre : l’hommage à l’armée. Méfret a été un baroudeur, un reporter de
guerre. Il a côtoyé les « soldats perdus ». Le plus gros succès du
concert auquel j’ai assisté s’appelle « Dien Bien Phu » et entraine une
partie de l’assistance à reprendre en chœur un célèbre chant
légionnaire : « Contre les Viets, contre l’ennemi ». Puis vient
« Camerone » aussi consacré à la Légion, puis un titre intitulé « Les
oies sauvages », qui n’est pas le chant traditionnel des parachutistes
et des légionnaires, mais un hommage aux soldats disparus et par
extension, à tous les camarades de combat, y compris politiques, qui ont
quitté ce monde. D’autres chansons se rapportent à ce monde militaire
que Méfret connait pour avoir suivi leur engagement sur le terrain (un
titre a été composé un soir d’OPEX).
Tout ceci, ajouté à une solide
détestation de la gauche qui s’exprime entre autres dans « Solidarité »
(titre écrit en 1982), tendrait à faire passer Jean-Pax Méfret non
seulement pour un chanteur « pas politiquement correct », ce qu’il
revendique, mais pour un « réac » façon Philippe Clay, le gaullisme en
moins. Ou Michel Sardou première manière, mais le vécu en plus. L’énorme
différence est que Méfret incarne une contre-culture qui a su traverser
plusieurs décennies et ne se résume pas, loin s’en faut, à une
caricature de « fana-mili » bas du front. Indispensable pour comprendre
la sensibilité de droite1.