Le Bangladesh a approuvé, mercredi 26 avril, la construction sur son sol de 560 mosquées, financées par Riyad à hauteur de près d’un milliard d’euros.
Depuis 50 ans, cette stratégie de dons pour la construction d’édifices religieux à l’étranger permet au royaume du Golfe de diffuser, partout dans le monde, une doctrine sectaire qui alimente et inspire l’extrémisme sunnite.
Une nouvelle mosquée pour chaque grande ville du pays. Les autorités bangladaises ont confirmé, mercredi 26 avril, la construction sur leur sol de 560 édifices religieux, presque entièrement financés grâce à un don saoudien de 1,07 milliard de dollars.
Dans ce pays d’Asie à très large majorité musulmane, le projet inquiète les défenseurs de la laïcité et les représentants de diverses minorités religieuses. Ils craignent que ces mosquées ne deviennent de nouveaux supports de diffusion de l’islam très rigoriste prôné par la pétromonarchie du Golfe.
« Les financements saoudiens sont inquiétants. [Les autorités
saoudiennes] pourraient se servir de leur argent pour promouvoir le
wahhabisme », a ainsi déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Rezaul Haq
Chandpuri. Ce membre d’une fédération de musulmans soufis se dit
sceptique quant au discours tenu par le gouvernement de Sheikh Hasina,
qui soutient que ces édifices serviront « à répandre une véritable
connaissance de l’islam » et permettront de mieux surveiller l’émergence
de l’extrémisme islamiste, qui frappe depuis plusieurs années ce pays
de 160 millions d’habitants.
Une large diffusion du wahhabisme
Le Bangladesh est loin d’être le premier pays à bénéficier des faveurs financières de l’Arabie saoudite pour ce type de chantier. Depuis plus de cinquante ans, celle-ci cherche, en soutenant la construction de centaines de mosquées, d’écoles ou de centres culturels islamistes tout autour du monde – de Bruxelles aux Yvelines, du Kosovo à la Chine, en passant par le Royaume-Uni, l’Afghanistan, ou encore l’Afrique –, à diffuser le wahhabisme, une doctrine sectaire qui alimente l’extrémisme sunnite.
« L’Arabie saoudite est une terre de prédication et, bien sûr, ce pays ne renoncera jamais à son credo, qui est de financer et soutenir une action islamique partout où la communauté islamique est présente », explique à la Croix Fatiha Dazi-Héni, politologue spécialiste de la péninsule arabique, chercheuse à l’institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) et auteur de l’ouvrage l’Arabie saoudite en 100 questions (1).
Plus de 70 milliards de dollars de dons
Fondée vers 1745 par Mohammed-Abd el-Wahhâb, l’idéologie whahhabite s’est répandue, en dehors de l’Arabie saoudite, en suivant les principales routes commerciales de l’époque, notamment en Afrique. La dynamique s’est intensifiée entre les années 1970 et 1980, lorsque la pétromonarchie a commencé à installer – au motif de l’aide humanitaire – des ONG, ou encore des écoles véhiculant, sur plusieurs continents, cette idéologie.
D’après l’historien britannique Charles Allen, l’un des rares universitaires à s’être penché sur l’aspect économique de la diplomatie religieuse saoudienne, la monarchie du Golfe aurait versé, depuis 1979, plus de 70 milliards de dollars (environ 65 milliards d’euros) pour financer ces chantiers à l’étranger.
Des terrains fragiles
Les zones sinistrées, ou pauvres, sont des terrains particulièrement propices à l’implantation du wahhabisme. Au lendemain de la guerre pour l’indépendance du Kosovo, l’Arabie saoudite a par exemple soutenu l’édification, au sein de la petite république balkanique, de 240 mosquées, et instauré un système de bourses permettant aux prêcheurs kosovars de partir étudier plusieurs mois en Arabie saoudite.
Revenus dans leur pays d’origine, ces imams transmettent aussi dans les villages la vision rigoriste du Coran qui leur a été enseignée. « D’après mes chiffres, 30 000 personnes ont été formées dans ces universités islamiques saoudiennes : on va les retrouver ensuite dans toute la bande sahélienne, au Mali, au Niger, en République centrafricaine », expliquait, dans une interview accordée au Point en septembre, l’ancien haut fonctionnaire à la Défense Pierre Conesa. « Chaque année, les Saoudiens dépensent 7 à 8 milliards de dollars pour leur diplomatie religieuse », a-t-il également estimé.
Payées pour porter le voile
Et dans de nombreux pays, les représentants saoudiens n’hésitent pas à tenter de convertir ou de convaincre, directement, la population locale. « Avec plusieurs de mes amies, nous avons été approchées, au début de l’année, par une association saoudienne qui nous a proposé de l’argent si nous acceptions de porter le voile intégral », témoigne à la Croix Erina B., une jeune étudiante musulmane kosovare de 21 ans, originaire de Mitrovica, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Pristina, où elle vit désormais. « J’ai refusé, et les membres de l’association n’ont pas insisté, mais certaines personnes autour de moi ont accepté l’an dernier… »
(article de Malo Tresca, paru dans La Croix du 27 avril 2017 – Lu sur Eglises d’Asie)
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Une large diffusion du wahhabisme
Le Bangladesh est loin d’être le premier pays à bénéficier des faveurs financières de l’Arabie saoudite pour ce type de chantier. Depuis plus de cinquante ans, celle-ci cherche, en soutenant la construction de centaines de mosquées, d’écoles ou de centres culturels islamistes tout autour du monde – de Bruxelles aux Yvelines, du Kosovo à la Chine, en passant par le Royaume-Uni, l’Afghanistan, ou encore l’Afrique –, à diffuser le wahhabisme, une doctrine sectaire qui alimente l’extrémisme sunnite.
« L’Arabie saoudite est une terre de prédication et, bien sûr, ce pays ne renoncera jamais à son credo, qui est de financer et soutenir une action islamique partout où la communauté islamique est présente », explique à la Croix Fatiha Dazi-Héni, politologue spécialiste de la péninsule arabique, chercheuse à l’institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) et auteur de l’ouvrage l’Arabie saoudite en 100 questions (1).
Plus de 70 milliards de dollars de dons
Fondée vers 1745 par Mohammed-Abd el-Wahhâb, l’idéologie whahhabite s’est répandue, en dehors de l’Arabie saoudite, en suivant les principales routes commerciales de l’époque, notamment en Afrique. La dynamique s’est intensifiée entre les années 1970 et 1980, lorsque la pétromonarchie a commencé à installer – au motif de l’aide humanitaire – des ONG, ou encore des écoles véhiculant, sur plusieurs continents, cette idéologie.
D’après l’historien britannique Charles Allen, l’un des rares universitaires à s’être penché sur l’aspect économique de la diplomatie religieuse saoudienne, la monarchie du Golfe aurait versé, depuis 1979, plus de 70 milliards de dollars (environ 65 milliards d’euros) pour financer ces chantiers à l’étranger.
Des terrains fragiles
Les zones sinistrées, ou pauvres, sont des terrains particulièrement propices à l’implantation du wahhabisme. Au lendemain de la guerre pour l’indépendance du Kosovo, l’Arabie saoudite a par exemple soutenu l’édification, au sein de la petite république balkanique, de 240 mosquées, et instauré un système de bourses permettant aux prêcheurs kosovars de partir étudier plusieurs mois en Arabie saoudite.
Revenus dans leur pays d’origine, ces imams transmettent aussi dans les villages la vision rigoriste du Coran qui leur a été enseignée. « D’après mes chiffres, 30 000 personnes ont été formées dans ces universités islamiques saoudiennes : on va les retrouver ensuite dans toute la bande sahélienne, au Mali, au Niger, en République centrafricaine », expliquait, dans une interview accordée au Point en septembre, l’ancien haut fonctionnaire à la Défense Pierre Conesa. « Chaque année, les Saoudiens dépensent 7 à 8 milliards de dollars pour leur diplomatie religieuse », a-t-il également estimé.
Payées pour porter le voile
Et dans de nombreux pays, les représentants saoudiens n’hésitent pas à tenter de convertir ou de convaincre, directement, la population locale. « Avec plusieurs de mes amies, nous avons été approchées, au début de l’année, par une association saoudienne qui nous a proposé de l’argent si nous acceptions de porter le voile intégral », témoigne à la Croix Erina B., une jeune étudiante musulmane kosovare de 21 ans, originaire de Mitrovica, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Pristina, où elle vit désormais. « J’ai refusé, et les membres de l’association n’ont pas insisté, mais certaines personnes autour de moi ont accepté l’an dernier… »
(article de Malo Tresca, paru dans La Croix du 27 avril 2017 – Lu sur Eglises d’Asie)
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