Marie-Pauline Deswarte, Professeur de droit public
Non décidément, ils n’ont
rien compris ! Ils n’ont toujours pas compris, malgré les coups de
boutoir donnés à nos sociétés occidentales par l’islam. Ce,
« ils », ce sont les candidats à la présidentielle réunis par TF1, lundi
20 mars au soir. Ils n’ont pas compris qu’ils ne pourraient
éternellement ignorer ce que la bien-pensance actuelle nomme le « fait
religieux ». Ils n’ont pas compris que le Dieu des chrétiens s’invitait
peut-être dans notre société, en empruntant le chemin d’Allah pour nous
forcer à réagir.
Là n’est pas la question, me
répondrez-vous ! Grâce au progrès des Lumières, notre pays a grandi ; il
s’est émancipé de la tutelle religieuse qu’avaient connue nos ancêtres.
Pour nos candidats à la présidentielle cela ne fait aucun doute. Ce 20
mars au soir François Fillon notait avec un soulagement certain que la
République avait fait rentrer la religion dans le rang. Certes, il n’a
pas nié « les persécutions » dont furent victimes les chrétiens
depuis la Révolution, jusqu’à l’époque de la séparation de l’Église et
de l’État. Mais, nous n’en sommes plus là ! Le candidat des Républicains
observe que le catholicisme a fini par rentrer dans le modèle
républicain. Dès lors, la conclusion s’impose : si l’on veut que notre
pays vive en paix, il faudra bien que l’islam subisse la même mise au
pas. Tous semblent en convenir ; la République doit être capable
d’intégrer l’islam. Ce raisonnement souffre à notre avis d’une erreur de
perspective.
En réalité ils n’ont pas compris que si la
République avait combattu le catholicisme, c’était pour imposer une
autre « religion », pour passer, comme l’avait noté Vincent Peillon, « de la religion révélée et théocratique à la religion laïque et libérale » (V. Peillon, Une foi laÏque pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson,
Seuil, 2010, p. 50). Effectivement, la laïcité républicaine, est bien
une « religion ». Elle est la nouvelle transcendance qui fonde notre
pacte républicain. Les débats de la présidentielle montrent que,
concrètement, cette nouvelle « religion » est incapable de répondre aux
problèmes religieux qui se posent à notre société et qui la minent.
Ainsi, sur la simple question du port du burkini nos candidats du 20
mars ne savaient comment trancher entre le symbole de soumission de la
femme ou la simple menace à l’ordre public. Nos politiques oseront-ils
traiter Allah comme les républicains de la IIIe République ont traité le
Dieu des chrétiens ? Ont-ils une réponse autre que la déradicalisation à
opposer à ceux qui donnent sèment la mort au nom d’Allah ?
Notre « religion » républicaine présente
en effet certains caractères qui expliquent cette incapacité. Le premier
est le relativisme. Mettre toutes les croyances à égalité comme le fait
l’article 1er de notre Constitution, revient en effet à
ignorer la question de la Vérité sans laquelle aucune civilisation digne
de ce nom ne peut se développer. Nos aïeux qui recherchaient « la clé de la science » avaient
choisi leur Dieu, lors d’un certain baptême de Clovis, en 496. Ils
s’étaient réjouis grandement de l’avoir trouvé et s’étaient donnés à Lui
dans la « joie » et la « félicité ». En retour ils Lui avaient demandé aide et protection (Prologue de la loi salique in P. Riché, Les carolingiens, une famille qui fit l'Europe,
Paris, Hachette, 1983, p. 91). Le pacte avait été vérifié au long des
siècles. Ainsi, l’ordre naturel du Dieu Créateur auquel ils s’étaient
peu à peu soumis, leur avait permis de produire de grands fruits de
civilisation. C’est un fait. Il fait partie de notre patrimoine, voire
de notre identité. À chaque République nous avons renié ce Dieu et nous
nous trouvons à présent bien démunis. Il faut avoir un sens religieux
pour comprendre et traiter les très graves problèmes de religion qui se
posent à notre société.
Cette « religion » républicaine souffre
aussi de son individualisme. Ce caractère l’empêche de se soumettre à
l’ordre naturel qui est d’essence communautaire. Ainsi les droits de
l’homme révolutionnaires, parce qu’ils sont d’essence strictement
individualiste, s’avèrent actuellement incapables de structurer une
société solide fondée sur la réalité familiale et respectueuse de la
dignité de l’homme. Jean-Louis Harouel nous a démontré avec beaucoup de
pertinence, comment l’obsession de la non-discrimination à laquelle nos
droits actuels conduisent était une menace pour l’équilibre de notre
société. Refuser de distinguer entre les discriminations justes et
injustes aboutit finalement à privilégier l’ennemi mieux armé, par
rapport à la victime. Les droits de l’homme se retournent contre le
peuple qu’ils sont censés protéger (J. L. Harouel, Les droits de l'homme contre le peuple, Desclée
de Brouwer, 2016). Prolongeant cette démonstration, nous osons affirmer
qu’un peuple qui ne croit pas en Dieu est incapable de se défendre
contre un peuple qui veut lui imposer une religion contraire à ses
racines.
Emmanuel Macron est la suite logique de
cette dérive idéologique. Le candidat d’En Marche !, qui ne cessait le
20 mars de revendiquer son « pragmatisme », avait cependant démontré le contraire dans les colonnes du Figaro du 17 mars. Il y affirmait que le « fondement de la culture française » c’est « une ouverture sans pareil ». Puis, aussitôt il exigeait que cette culture cesse d’être accolée à « l’identité française » car, selon lui, l’identité « exclut ».
Nous sommes bien dans l’idéologie qui, elle, exclut le réel. Notre
société française, communauté lentement formée au cours des siècles, est
sommée de disparaître. L’IVG et le suicide assisté que le candidat
Jean-Luc Mélenchon appelait de ses vœux le 20 mars, dans une future VIe République, confirment la pente suicidaire dans laquelle nous sommes engagés.
Quand comprendrons-nous la nécessité de
retrouver le sens du sacré qui a si longtemps inspiré notre pays ? C’est
le passage obligé du retour à l’ordre naturel et à ses principes
civilisateurs dont nous avons tant besoin.
Marie-Pauline Deswarte est l'auteur de La République organique en France. Un patrimoine constitutionnel à restaurer, Via Romana, 262 p., 22 €.
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