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samedi 8 avril 2017

Syrie : le retour de la tarte à la crème des attaques chimiques

Pierre Olivier

La coalition nationale syrienne a fait état, mardi 4 avril, de 80 morts et de 200 blessés dans une attaque chimique dans la province d’Idlib, imputant cette attaque aux forces gouvernementales syriennes. Les agences de presse du monde entier ont rapporté qu’au cours d’un raid mené par des « avions appartenant à la Russie ou au gouvernement syrien » des munitions contenant du « gaz toxique » auraient été utilisée contre la ville de Khan Cheikhoun. Et cet incident a provoqué une vague d’indignation en Occident, où certains ont commencé à accuser Assad de tous les faits sans prendre la peine d’apporter des preuves…

Mais plusieurs éléments permettent quand même de douter des accusations formulées :

– les images diffusées montrent des cratères formés par des obus alors que les bombes aériennes chargées de substances chimiques explosent généralement à proximité du sol et ne laissent pas de cratères…



– sur les images on voit des « sauveteurs » intrépides qui touchent les blessés sans gants – et sans aucune conséquence -, certains arrosant d’eau les victimes pour laver les produits toxiques, d’autres faisant du bouche-à-bouche à des victimes…



– les premiers témoignages ont parlé d’attaque au chlore avant de se raviser et de pointer l’utilisation de gaz sarin, avant même que quelques analyses aient pu être faites…

Malgré le démenti catégorique de l’armée syrienne d’avoir eu recours à toute substance chimique, Damas a immédiatement été pointée du doigt par les chancelleries occidentales qui entendaient soumettre un projet de résolution afin de diligenter une enquête conjointe des Nations-Unies et de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques)…



C’est oublier un peu vite qu’en janvier 2016, cette même OIAC avait annoncé la destruction totale des arsenaux chimiques syriens. La Syrie avait adhéré à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques après une vaste attaque chimique en août 2013 dans la Ghouta, banlieue orientale de Damas. Et les stocks d’armes chimiques avaient été évacués de Syrie. Et même en août 2014, la destruction en Méditerranée des armes chimiques les plus mortelles possédées par Damas avait été annoncée : dans un communiqué, le président Barack Obama avait lui-même assuré que les armes avaient été détruites par « des professionnels civils et militaires en utilisant un mécanisme américain unique en son genre »



On apprenait encore jeudi 6 avril que les premières informations sur l’attaque chimique du 4 avril ont commencé à affluer quelques heures avant la frappe réalisée par les Forces aériennes syriennes. Le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, lors d’une conférence de presse à Damas, a déclaré que « l’annonce de ce qui s’est passé à Khan Cheikhoun est arrivée à 6h00, alors que la première frappe des Forces aériennes syriennes sur un entrepôt de munitions du groupe terroriste Front al-Nosra, contenant des armes chimiques, a été effectuée à 11h30 ».

Enfin, on voit mal à ce stade du conflit l’intérêt de Damas et de Bachar el-Assad a réactiver le « concert des pleureuses » appelant au départ du président pour régler le conflit alors même  que les États-Unis ont infléchi leur position à ce sujet dans les dernières semaines. La chute du régime ne faisait plus partie des priorités selon les déclarations mêmes de la diplomatie américaine.



L’attaque survient exactement une semaine après la fin d’un cinquième round de négociations entre l’opposition et le gouvernement syrien à Genève, lui-même rendu possible par la conférence Astana III, qui s’est déroulé il y a deux semaines. Les deux premières conférences dans la capitale Kazakhe ayant permis — sans le concours des occidentaux — d’établir et de consolider un fragile cessez-le-feu, en vigueur depuis la fin décembre en Syrie.

Et en ce moment se tient à Bruxelles un sommet, organisé sous la présidence conjointe de l’Union européenne (UE) et des Nations unies, réunissant depuis mardi 70 pays et organisations internationales afin de parler de la Syrie de demain. Ce bombardement tombe à point, non pas pour le gouvernement légitime syrien, mais bel et bien contre ses intérêts.



Le commandement de l’armée syrienne a rejeté les accusations et a reporté la responsabilité sur les jihadistes et leurs protecteurs. Le ministère russe de la Défense a communiqué que l’aviation syrienne avait attaqué à Khan Cheikhoun un entrepôt de munitions des terroristes contenant des arsenaux d’armes chimiques destinés à des combattants en Irak. Et face à l’emballement médiatico-politique occidental, Moscou a appelé à ne pas faire confiance à ces ONG qui ont à plusieurs reprises colporté de fausses informations.
« Tous les rapports falsifiés sur ces sujets proviennent uniquement des fameux Casques blancs et de cet Observatoire syrien des droits de l’homme. Il ne faut faire confiance ni aux Casques blancs, ni à l’Observatoire syrien. Ils ont à maintes reprises sapé leur crédibilité par des vidéos truquées et par une information qui a été ensuite démentie par toutes les parties » a rappelé la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova.

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