Plusieurs meetings politiques
turcs interdits en Allemagne et aux Pays-Bas sont la cause de fortes
tensions entre ces pays et Ankara. L’Europe paie pour les illusions de
ses dirigeants politiques à l’égard d’une Turquie restée majoritairement
islamiste. Mais aussi de leurs errements en matière d’immigration.
Nous assistons à une escalade de tensions
entre la Turquie et les pays européens, nourrie par Recep Tayyip
Erdogan. Le Président turc veut en effet renforcer un peu plus ses
pouvoirs, en changeant la constitution par référendum le 16 avril
prochain. Pour ce faire, il ne dédaigne pas les voix des importantes
communautés de migrants turcs installées en Europe, principalement en
Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en France.
Des émissaires déboutés
Dépêchés dans ces pays pour exhorter leurs
compatriotes à voter oui au projet présidentiel, certains membres du
gouvernement se sont heurtés à un refus. Dès le début du mois de mars,
plusieurs villes allemandes ont interdit les meetings prévus. Le 11
mars, Mevlut Cavusoglu, ministre des Affaires étrangères turc, et Fatma
Betül Sayan Kaya, ministre de la Famille, étaient expulsés des Pays-Bas.
La réaction des Néerlandais et de nos
cousins Germains est à la hauteur du mécontentement montant contre la
Turquie. Aux yeux de nos gouvernements, non seulement elle fricote avec
Moscou mais, de plus, elle organise un régime aux airs de parti unique
sous coloration islamiste renforcée. Qu’elle embastille du même coup
opposants et journalistes, sous prétexte de complots ourdis contre
l’État, ne fait qu’amplifier le schisme avec les pays européens.
Dans ces conditions on s’étonne qu’à Metz,
le 12 mars, le chef de la diplomatie turque ait pu participer à un
rassemblement public avec ses compatriotes. La France, il est vrai, est
très engagée en Syrie contre Daech. Suscitant l’hostilité d’Erdo?an,
elle risquait de perdre un accès essentiel au champ de bataille pour ses
services de renseignements. En clair, d’affaiblir ses soldats présents
sur le terrain.
L’impossibilité à gérer notre relation
avec Ankara est le fruit de notre inconséquence. Avoir fermé les yeux
sur les pulsions impérialistes et islamistes de la Turquie, sous couvert
de la prétendue laïcité d’une minorité et pour se donner le prétexte de
la faire entrer dans l’Europe, relevait de la folie furieuse.
Aujourd’hui, nous payons au prix fort
cette aberration qui s’ajoute à une autre, notre politique migratoire.
Ligotés par des traités et des directives européennes, nos pays ne
peuvent même plus s’opposer efficacement à des vagues migratoires non
désirées. Pour ralentir celles venant de Syrie, voire d’Irak et même
d’Afghanistan, nous avons fait appel à la Turquie. Du même coup, nous
sommes devenus les otages de ce pays.
À cela s’ajoute la présence d’au moins
trois millions et demi de Turcs sur le sol européen. Dont 800 000 en
France si l’on en croit le journal turc Zaman du 20 janvier 2014 (Le journal Zaman France et son site Internet ont cessé leur parution depuis le 29 août 2016 afin de ne « plus alimenter le prétexte d’une importation en France de la politique turque et de ses règlements de compte »
ndlr). Or, cette population apparaît très encadrée par Ankara, autant
par le personnel religieux envoyé par le ministère compétent que par les
associations nationalistes. On l’a bien vu à Rotterdam où, après
l’annulation du meeting en faveur d’Erdo?an, la police a dû intervenir
avec des canons à eau pour démanteler une manifestation d’un millier de
Turcs en colère.
Quand nous entendons Erdo?an lancer des
insultes contre l’Allemagne et les Pays-Bas, les accusant de se
comporter en nazis et d’abriter des terroristes anti-turcs, le pire est à
craindre. D’abord en raison de la sensibilité de la fibre nationaliste
turque. Ensuite parce que nous pouvons assister à une réédition de la
mobilisation islamiste organisée par l’Iran en Europe au début des
années quatre-vingt.
Or, en France, nous sommes dans un
contexte de forte tension sociale, avec toute une partie de la
population musulmane prête à descendre dans la rue pour casser. Nous
l’avons vu dans l’affaire du jeune Théo. Erdo?an peut allumer la mèche
et, au nom d’un islam sunnite identitaire, mettre en mouvement des
milliers d’Africains et de Maghrébins, nous acculant à une véritable
guerre civile.