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samedi 29 avril 2017

« Suis-je le gardien de mon frère ? »



Antoine Besson s'interroge sur son travail chez Enfants du Mékong et sur la part de chacun dans la souffrance des autres.

Il m’arrive souvent de vous parler de ces êtres merveilleux que mon travail chez Enfants du Mékong me fait rencontrer. Parfois j’en viens à m’interroger : est-ce que je n’en fais pas trop ? Semaine après semaine je vous parle des pauvres d’Asie avec toute la subjectivité que cela implique et vous pourriez à raison me rétorquer qu’il n’y a pas que l’Asie dont il faut se préoccuper. Ils sont nombreux les pauvres qui nous édifient et poussent notre intelligence à mieux penser le monde et notre implication.

« Suis-je le gardien de mon frère ? » Cette question taraude notre humanité chaque fois que nous croisons l’un de ces petits, l’un de nos égaux, qui souffre, qui s’est perdu ou qui a eu moins de chance que nous. Mais qui suis-je moi pour être responsable de la misère du monde ?

Si la question de Caïn est aussi la notre c’est sans doute parce que, comme l’a montré Victor Hugo dans La Légende des siècles, elle est l’émanation de notre conscience. La conscience du monde et ses souffrances nous obligent. Nous ne pouvons passer notre chemin comme si de rien n’était.

Fanny rentre de Birmanie. Partie faire un reportage sur les programmes d’Enfants du Mékong, elle a été bouleversée par les jeunes qu’elle a rencontrés sur place. Hier encore elle me parlait émue de la vie incroyable de Noja, jeune Kachin abandonné par son père, devenu l’homme d’une famille nombreuse à à peine 7 ans. Très tôt, Noja a senti que seule l’éducation lui permettrait d’acquérir ce qu’il n’a pas eu par sa naissance. Mais sa soif de revanche sur la vie n’est pas une soif égoïste. Noja n’accumule pas pour lui. Il ne thésaurise pas. Il ne cherche pas à faire du business. Noja dispense le savoir comme une richesse gratuite. Il est devenu professeur et préfère enseigner aux plus pauvres. À sa manière, il incarne la sagesse acquise auprès des plus pauvres par notre ami le père Ceyrac qu’il résumait en une phrase : « Tout ce qui n’est pas donné est perdu ».

Avec Caïn, notre conscience nous poussait à une réaction d’orgueil. Noja et le père Ceyrac nous font inverser notre perspective. Il n’est pas question de qui je suis mais de ce que je peux faire pour mon prochain. De ce que vous pouvez faire !

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