Flamby ou flambeur ?
♦ L’habitude a été prise, à droite, de se moquer de notre Flamby national, c’est-à-dire de François Hollande : Flamby l’indécis ; Flamby le looser ; Flamby la risée de l’étranger, etc. Juste retour des choses puisque certains humoristes avaient déjà appliqué ce surnom à un Valery Giscard d’Estaing vieillissant. Il est vrai que notre président de la République n’en impose pas : un petit gros au sourire figé et au regard absent, qui ne semble nulle part à sa place ; et qui dégringole dans les sondages. Néanmoins ce serait se méprendre gravement sur le personnage que de croire que ce surnom le caractérise réellement.
Le méchant look
D’abord, ce look médiocre explique en partie sa victoire à la
présidentielle de 2012, face à l’hyper-président sortant Sarkozy, dont
l’omniprésence brouillonne lassait la majorité des électeurs. François
Hollande a transformé son handicap en avantage quand il a revendiqué la
stature de président « normal », a contrario de son prédécesseur. Ce qui prouve, mine de rien, son habilité politique.
Prendre ses désirs pour des réalités
Mais la droite a le travers habituel de prendre ses désirs pour des
réalités : par exemple de croire, quand elle a perdu le pouvoir, que
celui-ci lui reviendra rapidement. Dans les années 1980 elle croyait
ainsi dur comme fer que Mitterrand, malade (c’est un secret, bien sûr),
n’irait pas au bout de son mandat. Aujourd’hui elle croit que Hollande
est un Flamby qui va s’en aller au premier coup de tabac venu.
Pourtant Flamby fait preuve d’une détermination qui devrait déconcerter les rieurs de droite.
Mitterrand, tout père de l’union de la gauche qu’il était, a cédé sur
l’école libre devant l’ampleur de la mobilisation populaire. Flamby,
lui, n’a cédé ni sur le mariage homosexuel, ni sur le féminisme, ni sur
la théorie du genre. Au contraire, on a vu, lors des manifestations
contre « le mariage pour tous », une mobilisation des forces de l’ordre
et de l’appareil d’Etat d’une partialité sans précédent. Il faut
remonter à la Guerre d’Algérie pour trouver pareille attitude,
illustrant la coupure violente entre l’Etat et le peuple français.
Premier avertissement.
Flamby plie mais ne rompt pas
Les humoristes de droite se trompent de qualificatif car rien n’a
prise sur Flamby : ni la rue, ni les sondages, ni les sifflets, ni la
grogne de la majorité socialiste. Ni ce qui reste de la droite, bien
entendu.
Le prétendu Flamby applique donc son programme avec une fermeté qui
n’exclut pas le pragmatisme. Il sait infléchir sa trajectoire quand il
rencontre des oppositions – comme en Bretagne ou vis-à-vis du patronat,
par exemple – mais garde le cap. Il sait être dur avec les faibles et
doux avec les forts.
Flamby reste un apparatchik de gauche, ce que semblent ignorer les fins humoristes de droite.
Il augmente donc les impôts et les transferts sociaux. Il réduit les
dépenses militaires et augmente celles de l’Education nationale. Il
favorise l’immigration car là réside son réservoir électoral. Comme
atlantiste et soutien sans faille de la politique israélienne, il reste
aussi fidèle à la ligne ancestrale du parti socialiste. Dans tous ces
domaines il ne faiblit pas.
Flamby s’entoure de ministres médiocres ? Certes, mais cela le
renforce encore car il n’y a pas de guerre des chefs à gauche, à la
différence de la droite toujours aussi calamiteuse dans l’opposition
comme dans la majorité.
Le pouvoir sans le peuple
Une certaine droite redécouvre les délices de la rue et reprend à son
compte le mythe du grand soir tricolore. Mais Flamby n’en a cure. Car
Hollande n’est ni De Gaulle ni Mitterrand : il ne se fait ni une
certaine idée de la France ni une certaine idée de l’homme d’Etat. Et il
peut d’autant plus gouverner contre la majorité du peuple
français qu’il a déjà été élu en 2012 sans l’obtenir !
Flamby incarne ainsi à merveille la présidence post-démocratique dont
rêve l’oligarchie. Il n’hésitera pas à s’appuyer, pour durer, sur la
police, la justice, les médias et sur toutes les puissances qui ont
intérêt au statu quo actuel. Au besoin il donnera le droit de vote aux étrangers pour mieux museler ces factieux et ces racistes de Français.
A la différence de la droite, la gauche n’a jamais eu de complexe à se passer du peuple lorsque celui-ci votait mal, en effet.
Flamby ou flambeur ?
Quand ils se moquent de Flamby, les humoristes de droite n’analysent donc pas lucidement les forces en présence.
Ils feraient bien mieux de méditer ce qu’il est advenu de la Grèce,
patrie de la démocratie en Europe. La troïka a mobilisé la police
anti-émeute pour museler les manifestants ; Aube dorée a été décrété
« organisation criminelle » et ses députés ont été arrêtés pour briser
son élan électoral. L’ordre règne désormais à Athènes, afin que les
banques puissent continuer de flamber à l’ombre de l’euro.
Flamby, le président « normal », a encore beaucoup de ressource.
Michel Geoffroy