
Interview de Pirmin Schwander, conseiller national, UDC
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 La question de la souveraineté des Etats se pose aujourd’hui avec 
acuité. Les grands Etats tentent constamment de mettre les petits sous 
pression et de les faire chanter. En regardant l’histoire suisse, on se 
rend compte qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil et qu’il faut savoir
 résister afin que celui qui se croit le plus fort se rende compte de 
ses limites. La Suisse en a apporté de nombreuses preuves au cours des 
temps.
L’accord FATCA avec les Etats-Unis est lui aussi une tentative de mise sous pression, comme cela est révélé dans l’interview de l’Américain Jim Jatras. Nous devrions reprendre le droit américain qui n’a strictement rien à voir avec notre propre conception du droit, mais qui est l’image du despotisme américain. Etant donné que le système juridique américain n’a rien à voir avec la conception européenne, et donc helvétique du droit, il est indéfendable de reprendre ce droit étranger dans notre propre droit.
En Suisse nous avons cet avantage énorme, dû à notre démocratie directe, que c’est le peuple qui est appelé à défendre sa liberté et son indépendance ainsi que la souveraineté étatique quand les représentants politiques se soumettent presque tous, absolument sans raisons, aux exigences étrangères. Le référendum contre l’accord FATCA fait partie de cette résistance. Le conseiller national Pirmin Schwander soutient ce référendum et explique les dessous de cet accord désastreux.
Horizons et débats:
 Pourquoi la Suisse se trouve-t-elle aujourd’hui placée devant la 
question de reprendre du droit étranger? Pourquoi le Parlement ne s’y 
est pas opposé? Lors de la session d’été, on avait pris des décisions 
très différentes.
Pirmin Schwander:
 C’est vrai. Le Conseil national a, lors de sa session d’été, refusé par
 126 voix contre 67, l’accord fiscal entre la Suisse et les Etats-Unis, 
ce qui signifie que nous avons refusé cet accord et l’avons enterré 
définitivement.
De quoi s’agissait-il dans cet accord?
Il s’agissait d’abroger temporairement notre propre droit, donc le droit suisse.
Est-ce différent avec l’accord FATCA?
Quelques
 semaines plus tard, nous avons obtenu, au Parlement, le projet de 
l’accord FATCA. La même Chambre a accepté cet accord à une grande 
majorité, il me semble 112 voix contre 51, alors même qu’il va beaucoup 
plus loin que l’accord fiscal avec les Etats-Unis et s’immisce bien plus
 dans la souveraineté de notre pays. FATCA ne signifie rien d’autre que 
d’accepter un droit étranger dans notre pays, dans notre jurisprudence, 
et de devoir l’appliquer sans limitation de durée. L’accord fiscal 
demandait la même chose – c’est pourquoi il fallait le refuser – mais 
seulement temporairement et dans quelques cas précis. L’accord FATCA 
nous contraint à reprendre du droit étranger sans limitation de durée. 
Personne ne sait si cette décision sera un jour annulée, tout comme pour
 beaucoup d’autres accords internationaux.
Comment comprendre cette affaire?
Pour
 moi, il s’agit d’un poids, deux mesures. D’une part, le Parlement 
refuse dans un concert d’exclamations un accord limité dans le temps et 
de portée réduite – peut-être pour jouer un sale tour aux Américains ou 
pour leur marquer notre opposition; d’autre part, nous sommes tout 
disposés à accepter des Etats-Unis un accord bien plus étendu et portant
 gravement atteinte à notre pays et à notre souveraineté.
Quelles seraient les conséquences d’une acceptation de FATCA?
Nous
 devrions accepter non seulement un système de droit qui n’a rien à voir
 avec le nôtre, mais aussi les modifications ultérieures qu’il faudrait 
appliquer. Nous devrions réaliser tout ce que les Etats-Unis nous 
dicteraient, sans la moindre possibilité de participation aux décisions.
Y a-t-il un retour de droit? Que nous offrent les Etats-Unis en contrepartie?
Rien.
 On laisse les Etats-Unis mettre leur nez dans les données, non 
seulement des citoyens américains vivant dans notre pays, mais aussi 
dans celles des citoyens suisses ayant une relation avec les Etats-Unis.
Est-ce que les Etats-Unis exigeront ces données également de leurs propres citoyens ?
On
 ne sait pas encore si ce sera le cas, mais en attendant, c’est nous qui
 livrerons toutes nos données aux Etats-Unis. Nous avons connu la même 
situation en 2009 déjà, lorsque nous avions livré des données de clients
 bancaires, alors que les Etats-Unis n’exigeaient rien au sein de leur 
pays.
Mais, c’est absurde.
Oui,
 nous respectons nos décisions et appliquons le droit au profit d’un 
Etat étranger, lequel n’applique pas chez lui ce qu’il exige de nous. En
 fait, c’est inouï.
Que reste-t-il de la souveraineté d’un Etat qui accepte le droit étranger?
Il
 faudrait poser la question aux Etats-Unis. Je ne pense pas qu’ils 
accepteraient cela chez eux. Ce qu’ils exigent des autres Etats est 
l’expression d’une prétention au pouvoir mondiale. Je doute que la Chine
 ou la Russie accepteraient cela. Il faudrait attendre d’avoir la preuve
 que d’autres grandes puissances accepteraient cette manière de faire.
Il est inadmissible que les Etats-Unis dictent aux autres pays leur comportement. La Russie et la Chine devraient alors avoir le même droit de s’immiscer dans le système législatif des autres pays. L’accepterions-nous sans autre? J’en doute fort.
Il s’agit donc une fois de plus d’un poids, deux mesures.
Oui.
 Au niveau du droit international, on déclare constamment que la 
souveraineté de chaque Etat reste garantie. Mais en réalité, les grands 
Etats agissent à leur guise et mettent les petits sous pression, les 
clouant parfois au pilori. Quelle est alors la différence entre la 
Russie et les Etats-Unis en ce qui concerne l’Etat de droit et la 
démocratie?
Qu’entendez-vous par là ?
Nous
 ne pouvons pas comparer notre démocratie, avec ses droits populaires, à
 celle des Etats-Unis. Il n’est pas non plus possible d’établir une 
comparaison entre l’Etat de droit américain et la conception européenne 
de l’Etat de droit. Nous avons une vision totalement différente du 
droit et de la jurisprudence.
Cet aspect est souvent totalement occulté.
Il
 ne faut pas croire que tout va pour le mieux quand on a conclu un 
accord avec les Etats-Unis. Lorsqu’on envisage un accord de libre 
échange avec la Chine ou la Russie, on entend des cris et des 
hurlements, mais jamais quand il s’agit des Etats-Unis. 
Non, au sujet de ce pays, on ne parle pas de violations des droits de l’homme.
On ne dénonce la peine de mort que pour la Chine, pas pour les Etats-Unis. Il semble que ce sont deux choses différentes.
Je
 n’arrive pas à comprendre pourquoi la gauche se montre toujours et 
encore si américanophile, comme si le capitalisme lui tenait à cœur.
J’ai
 le sentiment que la gauche participe volontiers quand il s’agit de s’en
 prendre aux banques suisses, sans se préoccuper de savoir d’où viennent
 les coups et du pourquoi.
Il ressort donc clairement que cet accord ne doit pas être ratifié.
Oui, nous devons l’empêcher si nous voulons garder notre souveraineté.
Monsieur le conseiller national, nous vous remercions pour cet entretien.    
Interview réalisée par Thomas Kaiser.