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mardi 10 janvier 2017

10 gestes quotidiens sur le ouèbe que la Commission européenne veut rendre illégaux



Sous peu, Günther Oettinger ne sera plus le Commissaire européen à l’économie numérique parce qu’il a été promu à la Commission du budget.Mais, avant de partir, Oettinger a présenté deux propositions qui risquent de mettre en crise deux piliers fondamentaux d’internet : links et téléchargements de fichiers. Mais si Oettinger est sur le départ, ses propositions, dictées par les lobbies, sont appelées à rester.

Ces propositions répondent aux requêtes de certains éditeurs de news qui veulent pouvoir poursuivre et faire payer les moteurs de recherche et les réseaux sociaux qui redirigent les flux vers leurs sites (oui, vous avez bien lu) et aux requêtes de l’industrie musicale qui veut être soutenue dans ses négociations avec YouTube.
Ces propositions entraîneront des dommages collatéraux de grande ampleur : elles rendront bien des habitudes quotidiennes et des services utilisés tous les jours sur le net illégaux, tarifés, ou, tout au moins, les plongeront dans une incertitude sur ce qui est légal ou non.

Nous pouvons encore stopper ces projets scandaleux, mais seulement si vous demandez à vos représentants au Parlement européen qu’ils se joignent à moi pour rejecter ces propositions.
Voici ce qui pourrait devenir illégal

1. Partager ce qui est arrivé il y a 20 ans
Partager des extraits d’articles de journaux, par exemple sur un blog ou sur un site web, sans autorisation de la part de l’éditeur constituera une violation de la loi, même à 20 ans de distance de la publication de l’article original.
La Commission de l’UE n’a proposé aucune exception, pas même pour les petits fragments de texte, ou pour les individus, ou pour des fins non lucratives. Et peu importe qu’on fasse un lien vers la source ou non.
2. Twitter un titre de journal créatif
« Wir sind Papst » (Nous sommes le Pape) est une célèbre une du tabloïd allemand Bild. Twitter ce titre de trois mots constituerait une violation des droits d’auteur, à moins que vous ne vouliez payer la licence d’utilisation à l’éditeur du journal.
Twitter lui-même pourrait s’en occuper, peut-être en chargeant une société extérieure d’obtenir cette licence, vous libérant ainsi de l’obligation de négocier avec les éditeurs. Dans tous les cas, il faudra trouver un accord.
3. Publier un post d’un blog sur les réseaux sociaux
L’image de prévisualisation et le fragment de texte que Facebook, Twitter, Reddit et autres services génèrent automatiquement quand vous partagez un lien seraient soumis à l’obligation d’obtenir une licence, si le lien concerne une « publication de presse » – notion qui inclut les sites web de distraction mis à jour régulièrement. Si Facebook et Twitter ne veulent pas se mettre à payer pour les liens, ils pourraient devoir désactiver cette fonction, rendant ainsi leurs interfaces moins attractives pour l’utilisateur.
4. Épingler une photo sur une liste de courses en ligne (online shopping list)
Des sites comme Pinterest vous permettent de prendre des images sur les pages web et de les sauvegarder de façon organisée, par exemple en réalisant une liste des courses ou une collection qui vous apporte de l’inspiration. Ce faisant, ces services copient et republient le titre, l’image et un fragment du texte de la page où ils ont trouvé l’image elle-même ; et ce sera là une violation des droits d’auteur à l’égard des éditeurs, si la Commission de l’UE fait passer cette loi.
5. Un moteur de recherche qui indexe le ouèbe pour vous
Pour permettre aux utilisateurs de faire des recherches sur le ouèbe, un moteur de recherche doit d’abord « lire » tous les sites en utilisant un robot, et créer une base de données où est indiqué l’endroit où se trouve chaque contenu. Pour être utile, une telle base de données doit inclure des copies de matériel soumis au copyright.
La loi proposée menace de rendre illégale la réalisation de copies de publications de presse sans licence de la part des éditeurs. Le simple fait d’emmagasiner une copie des données suffira pour rendre obligatoire la demande d’une licence : peu importe que personne ne puisse en lire le contenu ou que le moteur de recherche montre ou non aux utilisateurs des fragments de ce texte sauvegardé quand ils cherchent des informations parmi les résultats.
Bing, Google, Seznam.cz devront obtenir des licences de tous les sites journalistiques – ou une licence globale à travers une société tierce qui pourrait être mise sur pied à cette fin – ou bien ils devront les enlever de leurs résultats de recherche. Étant donné que les sites ouèbe d’information doivent une grande partie de leur activité à Google, ils vont probablement bientôt s’activer pour donner à Google une licence gratuite de façon à pouvoir continuer d’apparaître dans ses résultats de recherche, mais les moteurs de recherche moins importants pourraient ne pas être aussi chanceux.
6. Un site d’hébergement de photos qui ne surveille pas vos téléchargements
FotoCommunity est un réseau social allemand pour photos qui héberge des millions d’images chargées par ceux qui en détiennent les droits. Aujourd’hui, quand quelqu’un effectue le chargement d’une image qui enfreint les droits d’auteur d’un des utilisateurs, FotoCommunity a l’obligation de la supprimer. Par contre, la société ne peut être considérée comme responsable de l’infraction. Avec la réforme proposée, voici ce qui changerait :
FotoCommunity serait obligée d’empêcher activement les utilisateurs de charger quelque type que ce soit de matériel déjà identifié comme illégal. C’est là un défi énorme dans le domaine de l’ingénierie informatique : le site devrait développer un filtre capable de contrôler toute image chargée, et le confronter à une base de données protégées par le copyright. YouTube, qui applique un filtre de ce genre aux vidéos chargées identifiées comme musique ou clip sous copyright, dit avoir dépensé plus de 60 millions de dollars pour la mise au point d’une telle technologie.
Pire encore, on demanderait à FotoCommunity de repérer tout type de violation de copyright dans les photos chargées. Le cas le plus simple serait celui du chargement d’une copie identique d’une photo protégée. Mais une photo peut aussi violer les droits d’auteur d’un sculpteur ou d’un architecte, s’il s’agit d’une photo de leurs œuvres. Examiner la photo d’une œuvre en trois dimensions sous tous les angles est beaucoup plus difficile que de comparer les images chargées avec les images protégées – sinon impossible.
7. GitHub qui accepte des contributions non contrôlées
L’obligation d’examiner tous les téléchargements pour violation des droits d’auteur s’appliquerait à tout type de service qui héberge « de grandes quantités d’œuvres », pas seulement des photos. Étant donné que la Commission de l’UE n’a prévu aucune exception, les services populaires qui ne sont pas associés à une violation massive des droits d’auteur, comme le service d’hébergement pour projets software GitHub, seraient pourtant obligés de mettre en œuvre la même technologie de filtrage pour traiter un problème inexistant ; il faudrait au plus tard le traiter dès que le propriétaire d’un code-source identifie un code qu’il ne veut pas voir apparaître sur le site. Même des startups européennes comme Musescore, qui permettent de charger des partitions musicales, pourraient devoir développer des technologies pour découvrir du matériel protégé par copyright – en l’occurrence des partitions ou des mélodies. Une telle obligation mettrait probablement en danger leur existence même.
8. Wikipedia qui accepte des téléchargements non contrôlés
L’obligation d’examiner tous les téléchargements ne s’appliquerait pas seulement aux sites commerciaux, mais aussi aux projets non lucratifs comme Wikipedia, et qui ne permettent expressément que des chargements d’images avec licence de réutilisation publique. Au cas où ils seraient responsables d’ »offrir un accès à de grandes quantités d’œuvres chargées par leurs utilisateurs », ils devraient de toute façon « empêcher la disponibilité d’œuvres identifiées par ceux qui en détiennent les droits ». Sur Wikipedia, les volontaires pourraient examiner les images chargées récemment, mais il est douteux que cette procédure puisse satisfaire à la nouvelle loi. Il est probable qu’ils devront mettre en œuvre « des technologies efficaces de reconnaissance de contenus ».
9. Entraîner votre propre intelligence artificielle
OK, peut-être ne serez-vous pas capable de le faire aujourd’hui… mais vous voudrez bientôt le faire. Avec l’intelligence artificielle qui devient omniprésente, on voit même changer la façon dont les utilisateurs obtiennent que leurs ordinateurs mènent à bien leurs tâches. Traditionnellement, pour obtenir qu’un ordinateur mène à bien une tâche, on le programme, en rédigeant des instructions pas à pas. Une intelligence artificielle, de toute façon, n’est pas programmée, mais entraînée. On l’entraîne en lui donnant des ordres multiples qui représentent ce qu’on veut qu’elle fasse, et en la laissant mettre en œuvre, de façon autonome, les ordres donnés. Entraîner une intelligence artificielle impliquera probablement la copie de données dont beaucoup sont sous copyright.
La proposition de réforme des droits d’auteur présente, pour la première fois, une exception valide pour toute l’Europe concernant l’exploration de textes et de données, c’est-à-dire l’analyse d’une grande quantité de données – mais seulement pour des « instituts de recherche », et « à des fins de recherche scientifique ». Ce qui n’inclut ni vous, ni d’innombrables autres passionnés, hackers, programmateurs et chercheurs amateurs qui pourraient faire des découvertes et apporter des contributions importantes… ou simplement utiliser la technologie pour apprendre et jouer.
+ Non touché : MegaUpload
Malgré toutes les nouvelles restrictions sur les hyperliens et les téléchargements, des sites comme MegaUpload, célèbre pour avoir été fermé par les autorités états-uniennes pour ses infractions systématiques des lois sur les droits d’auteur, ne seront pas touchés. La preuve : cette loi ne concerne pas les sites qui jouent avec le copyright, aux limites de la légalité ; elle est conçue pour amener les réseaux sociaux et les moteurs de recherche à donner de l’argent aux industries culturelles européennes en difficulté économique.
Ce que vous pouvez faire :
Le Parlement européen et le Conseil (composé des 28 gouvernements nationaux de l’UE) ont tout juste commencé à délibérer au sujet de la proposition d’Oettinger.
Demandez-leur de rejeter le copyright en plus pour les éditeurs (article 11) et le contrôle  obligatoire du téléchargement (article 13).

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Traduit par  Rosa Llorens

Source  | 28.12.16

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