L’équipe rebelle d’Europe Maxima, votre site préféré, vous adresse tous ses meilleurs vœux de Joie, de Grande Santé et de Force pour 2017 !
Que cette nouvelle année poursuive le grand renversement du monde !
La rédaction
*
**
Depuis
bientôt trente ans, Arnaud Guyot-Jeannin mène de front un combat à la
fois littéraire, culturel et journalistique en faveur de la Tradition
qui « n’incarne […] pas le seul passé (p. 23) ». Pour lui, « la
Tradition renvoie à la perpétuation d’une religion, d’une identité,
d’une culture, d’un art à travers le temps. Elle représente
l’immuabilité de la vie, non le changement mortifère véhiculé par
l’idéologie du progrès depuis plus de deux siècles. La Tradition est
intemporelle, c’est-à-dire qu’elle couvre toutes les temporalités :
celles du passé, du présent et de l’avenir dans une certaine mesure (p.
24) ». Opposée à la Modernité, au Progrès et à la Raison desséchante, la
Tradition n’est toutefois pas un ensemble monolithique; elle s’organise
en diverses facettes dont douze font ici l’objet d’une étude soignée.
Avec
didactisme et pédagogie, Arnaud Guyot-Jeannin évoque des personnes qui,
chacune à leur manière, transmettent leur message de la Tradition. Il
s’agit de Simone Weil, de Vladimir Soloviev, de Henry Montaigu, de
Salvador Dali, de J.R.R. Tolkien, de G.K. Chesterton, de Georges
Bernanos, de René Guénon, de Gustave Thibon, de Charles Maurras, de Paul
Sérant et d’Albert Camus. Toutes se réclament du christianisme, même si
Guénon passa à l’islam, Simone Weil était d’origine juive, Maurras
plutôt agnostique, Soloviev orthodoxe et Camus humaniste.
La
présence de Salvador Dali surprend dans cette liste, sauf que l’auteur
rappelle que « proche des idéaux spirituels et des valeurs du
national-syndicalisme (p. 54) » de José Antonio Primo de Rivera,
l’Espagnol louait l’Inquisition. Ses incessantes provocations reposaient
« sur une défense de l’aristocratie face à la bourgeoisie (p. 55) ».
À l’Est de l’avant-garde…
L’étude
de Soloviev conduit Arnaud Guyot-Jeannin à élargir son sujet à la vaste
et complexe pensée slavophile puisqu’il évoque Alexandre Soljénitsyne,
Ivan Kireïevski, Alexis Khomiakov, Constantin Léontiev et Nikolaï
Danilevski. Dans cette mouvance très hétérogène, Soloviev s’en démarque
par des prises de position tranchées. Il « souhaite la fusion de
l’orthodoxie oriental avec le catholicisme occidental (p. 31) », affiche
son entière hostilité « au nationalisme chauvin et à toute forme
d’ethnocentrisme (p. 30) » et « considère que les revendications
panorthodoxes et russo-centrées des slavophiles manquent d’universalité
spirituelle et par conséquent d’ouverture à la vérité chrétienne (p. 30)
». Son œcuménisme anagogique
– tout le contraire de l’œcuménisme conciliaire en cours – ne peut que
plaire à l’auteur qui en profite pour évoquer Léontiev, « figure à part
au sein du courant slavophile (p. 36) ». En effet, « pour Léontiev, la
Russie orthodoxe, agraire et décentralisée, doit être au service d’un
nouveau Byzance, en constituant un Empire oriental réunifiant les Turcs,
les Tibétains et les Hindous. Une vision géopolitique continentale
eurasiatique où Orient et Occident se réconcilient et où l’Islam joue un
rôle non négligeable. Des vues audacieuses, mais un peu déroutantes où
le syncrétisme le dispute à l’utopie (p. 36) ».
La
conciliation de l’Orient et de l’Occident renvoie à René Guénon. «
Empruntant la voie sèche – pour reprendre la formulation alchimique –
avec un style littéraire froid, désincarné et hautement classique,
Guénon se caractérise par un orgueil et un constructivisme intellectuel
que d’aucuns pourront juger incapacitants pour la contemplation comme
l’action. Il reste que toute sa vie et toute son œuvre ont été guidées
par une pensée solide, cohérente, rigoureuse et, à certains égards,
prophétique, irriguée par une connaissance vertigineuse du symbolisme
sacré (p. 104). »
Le
parcours intellectuel de Guénon est étudiée par l’écrivain français
non-conformiste d’après-guerre Paul Sérant qui, « recherchant la Vérité à
travers les petites vérités, […] se distinguait par une intransigeance
de principe qui n’emprunta jamais la voie d’une intolérance
existentielle (p. 139) ». Ce « formidable enquêteur métaphysique,
historique, idéologique, politique et littéraire (p. 139) » s’éleva «
contre le mythe tout à la fois libéral et collectiviste d’une croissance
infinie et du bonheur technoscientifique (pp. 142 – 143) ». Un bel
exemple d’esprit libre européen, français, régionaliste et ethniste !
Deux autres grands écrivains français
On pourrait évoquer tour à tour les autres personnalités présentes dans cette avant-garde culturelle de la permanence.
Attachons-nous en particulier sur deux auteurs précis. Le premier est
d’origine guénonienne : Henry Montaigu. « Seul représentant d’un
royalisme traditionaliste effectif (p. 45) » qu’il animait par le biais
de ses livres et de sa revue La Place royale, « il poétisait la Tradition (p. 49) ». Si Arnaud Guyot-Jeannin cite son bel essai d’histoire symbolique, La Couronne de Feu, il semble ne pas connaître son extraordinaire Fin des féodaux
en deux volumes qui décrit avec subtilité le passage de la France
médiévale à une France pré-moderne sous le règne des derniers Valois
dont celui de François Premier…
Le
second est Gustave Thibon, « le penseur français […] le plus clair, le
plus profond et le plus édifiant (p. 115) ». Ami de Simone Weil, le
viticulteur de Saint-Marcel-d’Ardèche réalisa une œuvre « qui synthétise
– avec cohérence et souplesse, sans esprit de système – tous les
traditionalismes et touche à quelques vérités essentielles :
catholicisme traditionaliste, traditionalisme contre-révolutionnaire,
traditionalisme maurrassien, traditionalisme intégral et traditionalisme
populaire enraciné. Il s’agit bel et bien alors d’un traditionalisme
anthropologique (p. 26) ». Considéré à tort comme le thuriféraire de la
Révolution nationale dont il approuva cependant certaines orientations,
Gustave Thibon peut être légitimement considéré comme le « grand-père »
de l’« écologie intégrale » : sa hauteur de vue et ses réflexions
tangibles devraient inspirer les travaux de quelques jeunes «
écolo-cathos » guère prêts toutefois à s’en revendiquer, ce qui les
limite quelque peu…
Cet
ouvrage roboratif constitue un formidable cadeau pour des adolescents
en quête de repères intellectuels et spirituels solides. Ils y
découvriront un monde foisonnant d’idées passionnantes qui, s’ils se
sentent rebelles ou anticonformistes, les pousseront à rejoindre cette
magnifique « avant-garde de la Tradition ».
Georges Feltin-Tracol
• Arnaud Guyot-Jeannin, L’avant-garde de la Tradition dans la culture, préface de Pierre Le Vigan, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 154 p., 22 €.