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mardi 10 janvier 2017

Obamexit ! Fin d’un monde ou d’une parenthèse sans grand intérêt ? [2]



Rarement le départ d’un locataire de la Maison-Blanche aura fait couler autant d’encre. &, par opposition, celle de son successeur, à la fois, suscité autant de craintes & d’espoir. Épitaphe grinçante sur une fin de règne aussi décevante que l’homme qu’elle concerne. 2ème partie.

« Ni oubli, ni pardon, ni reconnaissance diplomatique, ni négociations. Destruction du pseudo-État islamique. Totale. Partout. Maintenant ».

Une amie Internaute sur Facebook. Dorénavant, cette phrase sera notre Delenda Carthago est1.



Et que va-t-il rester des combinazione de dernière minute d’Obama sur le dossier israélo-palestinien ?

 
Jacques Borde. De l’écume. Qui, in fine, ne touchera pas grand-monde !
Côté républicain, on prépare le terrain à la nouvelle administration. Ainsi, le sénateur du Texas, Rafael Edward Ted Cruz, a appelé Premier ministre israélien, Binyamin Nétanyahu, pour lui souhaiter une bonne fête de Hanoucca, mais, surtout lui dire qu’Israël pourra compter le soutien massif du Congrès américain quant aux suites du vote de la 2334. Cruz a également promis que « Lorsque l’Administration américaine aura changé, nous proposerons que le Congrès annule l’aide financière américaine à l’ONU jusqu’à ce que la Résolution 2334 soit annulée ».
Là, Cruz brode sans doute un peu. La 2334 – qui, encore une fois, ne comporte aucun élément contraignant d’aucune nature vis-à–vis de Jérusalem – n’a pas vraiment besoin d’être abrogée pour sombrer dans l’oubli. En revanche, ce qui tout à fait du domaine du possible, ce sont les représailles financières de l’administration Trump contre le machin. Représailles qui passeront d’autant mieux suite aux attaques au camion-bélier qui ont touché, à la fois, Israéliens à Jérusalem et Égyptiens à El-Arish. Donc autant les communautés américano-israélienne que américano-arabe. Au bout du compte, on peut supposer peu d’Américains manifesteront pour dénoncer les décisions de l’administration Trump.
Avant El-Arish et Jérusalem, les sénateurs américains, Ted Cruz, Marco A. Rubio et Dean A. Heller ont proposé un projet de loi pour déplacer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Et cerise sur le gâteau pour Trump et son staff : il se pourrait bien que dans la dernière ligne droite Obama se fasse lâcher par son US Secretary of State, John F. Kerry.


Comment cela ?

 
Jacques Borde. Kerry vient de se fendre d’une longue déclaration ou, prenant pour ainsi dire le contre-pied des mantras d’Obama en la matière, il admet que, par son intervention musclée en Syrie, Moscou avait bien pour but d’empêcher DA’ECH & co. de prendre le pouvoir et que la Russie a, donc, atteint ses objectifs. Ce qui, en passant, contredit la thèse inverse défendue par US Secretary of Defense, Ashton Baldwin Ash Carter,
« Quand le président Poutine s’y est impliqué, il l’a fait en partie pour soutenir le président Assad, mais aussi parce que l’État islamique y gagnait du terrain. Les extrémistes radicaux étaient en train de gagner du terrain face à Assad et celui-ci se trouvait en l’occurrence dans une position politique très fragile. Ainsi, l’Iran et la Russie étaient tenus de lui donner un coup de pouce [à Assad, NdlR] et de le protéger en vue d’une éventuelle prise du pouvoir par les extrémistes », a confié Kerry aux media.
Et le US Secretary of State sortant de reconnaître qu’à présent, le seul moyen de régler le conflit syrien était de mener des négociations « à Genève ou à Astana, peu importe où elles auront lieu ». Donc, de passer par les fourches caudines diplomatiques de… Moscou !
Tout ça pour ça ! En tout cas, la possibilité que Kerry propose une reconnaissance de la Palestine (en tant qu’État), conformément aux plans d’Obama, s’amenuise probablement.


C’est tout de même étrange cette volte-face de Kerry ?

 
Jacques Borde. Je ne suis pas dans la tête du US Secretary of State sortant. Mais, il est fort probable que John F. Kerry qui, lui aussi, n’aura pas réussi grand-chose à son poste tient à ne pas trop insulter l’avenir.


Que voulez-vous dire par là ?

 
Jacques Borde. Passons sur l’avenir judiciaire de la Fondation Clinton qui a de fortes chances de bénéficier de toute l’attention des équipes du nouvel Attorney general2 Jefferson B. Jeff Sessions III, Kerry n’est pas embarqué dans cette galère. Mais la manière dont Barack H. Obama gère sa fin de mandat commence à un agacer plus d’un.
Du coup, Kerry – qui n’a ni l’entregent du couple Obama, ni le cash flow des Clinton – n’a sans doute pas très envie de couler à pic avec le Titanic démocrate.
Pour plagier la devise officieuse de la CIA3 – Cover Your Ass (protège tes fesses) – le précieux et mondain Kerry tente, semble-t-il, de donner des gages. Humain, trop humain…


Et, là, vous trouvez qu’Obama en fait un peu trop ?

 
Jacques Borde. Oui. Mais que moi je le pense n’a pas une très grande importance, vous savez. En revanche, des voix de plus en plus nombreuses, et non des moindres surtout, se font entendre pour reprocher à Obama sa conduite aux limites du supportable.


Qui donc ?

 
Jacques Borde. L’ex-maire de New York, Rudolph Giuliani, qui, sur Fox News, a affirmé que « Ce que fait Barack Obama, je le trouve sans précédent (…). Je n’ai jamais vu de président au pouvoir créer tant d’obstacles pour le futur ».
Le très francophone et très écouté Charles Krauthammer, célèbre pour ses chroniques politiques4 dans le Washington Post, Time Magazine et Fox News, a écrit un édito cinglant où il s’interroge sur la possibilité qu’Obama ait un jour des comptes à rendre à la justice sur ses deux mandats successifs.
Le ciel commence sans doute à se couvrir pour certains…


Sinon, sur ce sujet, ça n’est pas un peu le foutoir dans le camp occidental ?

 
Jacques Borde. (Sourire) Si. Et pas qu’un peu. Mais l’Orient compliqué !…
La fin de règne se confirme pour Obama, mais, franchement, à quoi d’autres vouliez-vous vous attendre, sauf à vous vautrer dans les fantasmes de nos media germanopratins ? :

Signe qui ne trompe pas (alors que Londres a bien voté la 2334) : le Premier ministre britannique, Theresa M. May5, a dépêché son porte-parole pour se démarquer des positions de l’administration Obama. Ce en réponse aux propos du US Secretary of State, John F. Kerry, affirmant que c’est « la colonisation israélienne », qui met en péril selon lui le règlement du conflit israélo-palestinien.


Et qu’on dit les Britanniques ?

 
Jacques Borde. Tout simplement deux choses :
1- que « La paix entre Israël et la Palestine ne peut être négociée en se focalisant uniquement sur la colonisation israélienne dans les territoires. La Grande-Bretagne soutient une solution à deux États et considère comme illégale la construction par Israël de colonies dans les territoires palestiniens. Mais il est clair que la colonisation est loin d’être le seul problème dans ce conflit. En particulier, le peuple d’Israël mérite de vivre sans craindre la menace terroriste, à laquelle il est confronté depuis trop longtemps. Nous ne pensons donc pas que la meilleure façon de négocier la paix est de se concentrer sur un seul problème, dans ce cas-ci la construction de colonies, alors que le conflit entre Israël et la Palestine est infiniment plus complexe ».
2- que Londres ne pense pas « qu’il soit opportun d’attaquer un gouvernement allié et démocratiquement élu. Notre gouvernement estime que les négociations peuvent réussir uniquement si elles sont menées par les deux parties, avec le soutien de la communauté internationale ».
À noter qu’à peu près au même moment, le ministre australien des Affaires étrangères, Julie Bishop, a expliqué au Sydney Morning Herald que son pays n’aurait pas rejoint les rangs de son voisin néo-zélandais en faveur de la Résolution 2334 (2016). « L’Australie n’est pas actuellement membre du Conseil de sécurité de l’ONU et n’a donc pas le droit de voter sur les résolutions du Conseil (…). Mais dans le passé, le gouvernement s’est toujours opposé aux résolutions unilatérales de l’ONU contre Israël »6.


Mais que doit-on déduire de ce pataquès diplomatique ?

 
Jacques Borde. Oh, une chose et une seule. Les alliés les plus traditionnels de Washington sont en train de tourner la page de l’ère Obama. En d’autre termes, la Trumpisation des chancelleries et des esprits est en marche. Et, d’une manière générale, c’est une excellente chose.


Et, toujours pas de signe de changement de cap de la part de Trump ?

 
Jacques Borde. Pas du tout. Pour le moment, Donald J. Teflon Trump reste droit dans ses bottes. Il vient même de renouveler ses bonnes dispositions envers Moscou, affirmant sur son compte Twitter, qu’« Avoir de bonnes relations avec la Russie est une chose positive (…). Nous sommes confrontés à assez de problèmes à travers le monde et n’avons pas besoin d’un autre (…). Quand je serai président, la Russie nous respectera bien plus qu’aujourd’hui, et nos deux pays pourront peut-être travailler conjointement pour résoudre certains des grands et pressants problèmes mondiaux ».
D’ailleurs, pourquoi changerait-il d’avis ou de méthodes ? Les deux lui réussissent assez bien, avant même de mettre les pieds à la Maison-Blanche, Trump ne vient-il pas :
1- de faire plier l’un à la suite de l’autre Ford, GM et Fiat-Chrysler ;
2- d’obtenir des promesses de baisse des prix pour les si coûteux F-35 Lightning II et les Boeing 747-8 présidentiels (qui devraient entrer en service avant 2023). Rappelons que le 7 janvier 2009, le Materiel Command de l’US Air Force émettait un Request For Proposals (RFP) pour un avion de remplacement qui rentrerait en service vers 2017, suivi par deux autres exemplaires. Le 29 janvier 2015, l’US Air Force confirmait que le futur avion présidentiel sera bien un Boeing 747-8. Le 6 décembre 2016, Donald J. Trump, évoquant sur Twitter un coût de 4 Md$US, demandait l’annulation de la commande. Boeing assurait alors que le contrat en cours avec l’Air Force était de 170 M$Us et non de 4 Md$US.
3- de voir le Mexique nommer au poste de Secretarío de Relaciones Exteriores (chef de la diplomatie mexicaine), Luis Videgaray Caso, une de ses relations.
Alors comment mieux démarrer un mandat présidentiel avant l’heure ?


Notes


1 En français : Il faut détruire Carthage, ou plus littéralement : Carthage est à détruire). Selon la tradition, Caton l’Ancien prononçait cette formule à chaque fois qu’il commençait ou terminait un discours devant le Sénat romain, quel qu’en fût le sujet. 2 Ministre de la Justice. 3 L’officielle nous vient de la Bible : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres ». Jean 8-32. 4 Favorable à l’interventionnisme américain en politique étrangère, l’utilisation de la torture dans ses situations d’exception et à la construction d’une barrière le long de la frontière américano-mexicaine. 5 Qui fut une aussi redoutable que discrète Secretary of State for the Home Department. 6 Sydney Morning Herald (29 décembre 2016).

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