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samedi 7 janvier 2017

La Bataille de l’ONU aura-t-elle lieu ? Probablement… [1]

Autre enjeu pour Donald J. Trump : l’avenir du Conseil de sécurité & plus largement des Nations-unies. Le président sortant, Barack H. Obama, vient d’y laisser passer, sorte de colis piégé, une résolution ( la 2334) mettant le feu aux poudres à des relations israélo-palestiniennes déjà en piteux état. Mais, au-delà, c’est, sans doute le machin que méprisait de Gaulle qui pourrait y laisser plus que des plumes… – 1ère Partie.

« Dans quelques semaines, Donald Trump entrera à la Maison-Blanche ; c’est avec lui seulement que nous pourrions  »faire des affaires », à condition, bien entendu, de lui présenter une stratégie cohérente et un plan d’action dans l’intérêt des États-Unis et d’Israël ».
Freddy Eytan, ancien ambassadeur & membre du JCPA-CAPE.


Que s’est-il passé exactement ?
 
Jacques Borde. Simple : la Résolution 2334, dénonçant la colonisation israélienne a recueilli quatorze voix en sa faveur. Elle n’a pu, évidemment, être adoptée que grâce à l’abstention américaine. Pas de veto : 2334 adoptée !

Du coup, la 2334 exhorte Israël à « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est », affirmant que les colonies israéliennes « n’ont pas de valeur juridique » et sont « dangereuses pour la viabilité d’une solution à deux États ».

Et Trump n’a rien fait pour empêcher son adoption ?
 
Jacques Borde. Si, ce qu’il a pu. À l’origine, le texte avait été présenté par l’Égypte. Donald J. Trump est intervenu. Il a demandé au président égyptien, ‘Abdu l-Fattāḥ Sa‘īd Ḥusayn Khalīl as-Sīssī, de retirer le texte. Ce que as-Sīssī a fait. Du coup, quatre autres membres non permanents du Conseil de sécurité – la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela – ont pris le relais du Caire, et présenté, au mot près, le même texte.

Elle change beaucoup de choses ?
 
Jacques Borde. En fait, écoutez-moi bien : motu proprio rien ! La 2334 s’inscrit simplement dans la lignée de sa consœur : la Résolution 465, qui remonte à 1980, et dénonçait déjà l’extension des settlements comme disent les Anglo-Saxons. Qui plus est, hors du propos de fond, elle ne comporte aucune forme de sanctions à l’endroit de Jérusalem. Alors, à quel jeu insane joue Obama au comble de la ringardise ?

| Q. Pour vous, c’est un jeu ?
 
Jacques Borde. Oui, bien sûr l’éternel jeu de go entre les puissants de ce monde. Sauf que, de toute évidence, Obama n’en est plus un.
Au-delà, personne n’est vraiment dupe, c’est davantage l’administration Trump qui est visée. Bien plus que celle du Premier ministre israélien, Binyamin Nétanyahu. Quoi que concernant ce dernier, Obama essaie de régler un compte personnel, à la façon d’une gamin capricieux. Mais, là, tel un amant éconduit et maladroit, Barack Hussein fait dans l’onanisme, certes diplomatique, mais dans l’onanisme tout de même.

Comme l’a dit Dominique Moïsi, il s’agit de « paroles verbales » qui s’évanouiront lorsque Trump déplacera l’ambassade US à Jérusalem.

En tout cas, pour l’instant, la 2334 n’en finit pas de faire couler de l’encre…

Jacques Borde. Oui, effectivement, c’est bien la seule conséquence que peuvent avoir les incantations d’Obama. Mais, franchement, faut-il s’en étonner ? Tout ceci ne me rappelle rien de bon.

Que voulez-vous dire ?
 
Jacques Borde. Cela a toujours été le point faible des relations israélo-américaines. Côté Démocrates surtout : elles ont toujours été marquées par de fortes considérations de politique intérieure. Dans ce registre, Obama, analphabète géopolitique, ne vaut guère mieux que Bill Clinton qui, lui savait parfaitement ce qu’il faisait…

Dans quel sens ?
 
Jacques Borde. Je le répète et l’ai toujours dit depuis le premier jour des Accords d’Oslo : ceux-ci étaient biaisés et bons à mettre à la corbeille dès leur signature…

Vous êtes bien sévère. Pourquoi donc ?
 
Jacques Borde. Parce qu’ils ont été écrits – et bâclés de bout en bout, en fait, ne contentant aucune des parties les plus concernées : Israéliens et Palestiniens – à des fins et des préoccupations électorales strictement américano-américaines : donner une (fausse) caution d’homme d’État international à William J. Clinton.
Or, cet ensemble de discussions menées en secret, en parallèle de celles publiques consécutives à la Conférence de Madrid de 1991, entre négociateurs israéliens et palestiniens à Oslo en Norvège pour poser les premiers jalons d’une résolution du conflit israélo-palestinien, ne pouvait pas marcher !.

Pourquoi ?
 
Jacques Borde. Parce que ce que vont signer Arafat et Rabin, c’est, in fine, un bout de papier vide (ou presque) de sens !

Rappelons, qu’il ne contient pas grand-chose et ne comporte que trois éléments :

1- la fameuse Déclaration générale de principes qui « reconnaît » aux signataires « leurs droits politiques mutuels et légitimes » et établit « un cadre pour la période intérimaire » en vue de l’autogouvernement (self-government) des deux régions de la Bande de Gaza et de Jéricho (puis étendu à d’autres villes de Cisjordanie) ;
2- quatre annexes ;
3- des minutes explicatives.

En fait, en bonne fripouille politique, William J. Clinton nous a vendu sa Déclaration de principes1 comme un traité en bonne et due forme ! Et comme personne n’était d’accord sur quasiment rien, le soufflé ne pourra jamais prendre. C’est aussi simple que ça !
Dès le 10 mai 1994, Yasser Arafat affirme que « le djihâd continuera (…). Je vois cet accord comme n’étant pas plus que l’accord signé entre notre Prophète Muhammad et les Qurayshites à La Mecque ». Une référence, Arafat a fait ses classes sur les bancs du Jamiat al-Ikhwan al-Muslimin2, à un accord conclu, puis révoqué par Mahomet.

Côté,israélien, Yitzhak Rabin déclare le 5 octobre 1995, lors de son dernier discours à la Knesset, que « la frontière de sécurité de l’État d’Israël sera située dans la vallée du Jourdain, dans le sens le plus large du terme ».

Ce qui enferme des territoires palestiniens dont les Accords d’Oslo devaient établir la future autonomie. Dès cette date, on peut dire qu’Oslo a vécu. Ce marché de dupes, car c’est bien de cela qu’il s’agit a pavé, le présent du Levant tel qu’il se présente à nous aujourd’hui.

Et, aujourd’hui, Barack H. Obama nous ressert le même brouet géopolitique indigeste à une seule et unique fin : semer des embûches sur la voie que vont devoir emprunter Donald J. Trump et Binyamin Nétanyahu.

C’est à la fois imbécile et abject. Et, surtout, cela ne servira à rien ! Ce que prépare son US Secretary of State, John F. Kerry, sur la reconnaissance anticipée d’un État palestinien, en revanche serait plus embarrassant pour l’administration Trump, car cela impliquerait des réactions plus immédiates donc une gestion du dossier sans beaucoup de recul. Ce qui n’est jamais bon pour ces questions de grande géopolitique…

Pourquoi ?
 
Jacques Borde. Parce que si, Israéliens et Palestiniens veulent un jour arriver à la paix – les Égyptiens l’ont bien fait – il leur faut trouver des terrains d’entente et non rajouter des points de discorde à leurs décennies de désaccords.

Or, c’est bien une bassine d’eau glacée qu’Obama vient de jeter au visage de ceux qui, au Misrad Ha’Hutz3, au US Department of State et à la tête de l’Autorité palestinienne tentent de trouver des pistes praticables pour l’avenir.

D’ailleurs, l’ampleur des réactions en Israël et en Diaspora montre assez bien que l’initiative de l’administration Obama est surtout porteuse de perspectives plus houleuses. Citons en une : celle de Jacques Kupfer pour qui « Il est temps de déclarer fermement qu’il n’y aura aucun État palestinien ni aucune partition de la Terre d’Israël libérée et qu’en conséquence de la mer jusqu’au Jourdain seul le drapeau d’Israël doit flotter. Il est temps d’étendre la Souveraineté juive sur tout Eretz Israël »4.

[à suivre] 
 Notes

1 Signée à Washington le 13 septembre 1993 en présence de Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, de Yasser Arafat, Président du Comité exécutif de l’OLP et de… Bill Clinton. 2 Ou Association de la Confrérie des musulmans, autrement dit les Frères musulmans (FM), 3 Ministère israélien des Affaires étrangères. 4  LDJ.

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