Rédigé par un moine de Triors le
Depuis la réforme du calendrier en
1969, le premier jour de l’année est à la fois journée de la paix et
journée consacrée à la Mère de Dieu. Ce jumelage est très heureux et le Pape le rappelle à la suite de Marialis cultus
de Paul VI. D’autre part, nous devons souligner que, malgré
l’appellation de « circoncision », la liturgie romaine a toujours
célébré en ce jour Marie qui est la Mère très sainte qui « nous a mérité d’accueillir l’Auteur de la vie ».
Tout l’office de ce jour, spécialement dans ses belles antiennes,
remonte aux conciles christologiques et mariaux d’Éphèse et de
Chalcédoine établissant la foi de l’Église dans l’Incarnation : Jésus
est vrai Dieu et vrai homme.
Cette foi de l’Église s’appuie sur la mémoire de Marie elle-même « qui conservait toutes choses en son cœur ». Marie
est le modèle de l’écoute biblique parfaite en tous ses aspects :
écoute, accueil par l’obéissance de la foi, mise en pratique. Par
l’écoute, Marie apprit à être mère et du même coup à reconnaître la
tendresse maternelle de Dieu lui-même. Cette écoute de foi préservée par
son humilité l’empêche de parler plus qu’il ne faut. Elle mémorise et
apprend ainsi à être mère non seulement de son Fils, mais encore de
toute l’humanité. C’est pourquoi l’écoute de Marie, remarque le Pape,
est « porteuse d’espérance ». En effet, grâce à cette
disposition primordiale, Marie devient proche de tous et de chacun. Elle
est vraiment notre mère. C’est bien la foi du peuple fidèle qui par une
immense procession aux flambeaux accueillit, en 431 à Éphèse, la
solennelle proclamation de la Theotokos (Mère de Dieu). Grâce à Marie, Jésus a pu inaugurer en venant au monde ce que le Pape appelle fort justement « la révolution de la tendresse ».
Célébrer la maternité divine au 1er
de l’an, c’est donc rappeler une certitude absolue de tout vrai
chrétien : nous ne sommes pas des orphelins, car nous avons Marie pour
Mère. Il faudrait ici citer tout le Traité de la vraie dévotion
de saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Dès lors, insulter Marie,
c’est insulter sa propre mère. Celle qui devait s’appeler durant la
Commune Capitaine Pigère et qui tua de ses propres mains le Père
Olivaint et quatorze prêtres, garda toujours un sens profond de cette
vérité fondamentale, malgré son enfoncement dans l’incrédulité et dans
le péché. Un jour, elle envoya une gifle monumentale à un maçon qui se
moquait de Marie. Celui-ci, tout étonné de voir sa réaction qui semblait
à l’opposé de ses idées, lui dit : « De quel droit me frappez-vous ? » Elle répondit aussitôt : « Du droit que vous insultez ma mère ». Et le Pape souligne admirablement le rôle de toute mère qui « est l’antidote de toutes nos tendances individualistes et égoïstes ».
Une société sans mère a perdu toute raison d’être, car elle a perdu son
cœur qui est l’Amour. Une société sans mère est la destruction de la
famille qui est irremplaçable pour la société. C’est au souvenir de leur
mère terrestre que beaucoup de criminels se sont convertis. C’est au
souvenir de leur mère que beaucoup ont évité le péché. Là où se trouve
la mère, là se trouve la vie et là où se trouve la vie, là se trouve
Marie et là où se trouve Marie, là se trouve l’Église. Marie nous
faisant comprendre la miséricorde maternelle de Dieu, nous empêche
d’avoir un cœur narcissique qui ne regarde que lui-même. Avec Marie, en
cette nouvelle année, changeons notre cœur, regardons nos frères et
Jésus, le fruit béni de ses entrailles. Célébrons-la parce qu’elle est
notre Mère qui se penche sur ses enfants afin de leur éviter l’enfer.
C’est le sens des apparitions de Fatima, il y aura cent ans cette année.
L'homélie du Pape
«Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19). C’est ainsi que Luc décrit l’attitude avec laquelle Marie accueille tout qu’ils vivaient en ces jours.
Loin de vouloir comprendre ou dominer la situation, Marie est la femme
qui sait conserver, c’est-à-dire protéger, garder dans son cœur le
passage de Dieu dans la vie de son Peuple. De son sein, elle a appris à
écouter le battement du cœur de son Fils, et cela lui a appris, pour
toute sa vie, à découvrir la palpitation de Dieu dans l’histoire. Elle a
appris à être mère et, dans cet apprentissage, elle a donné à Jésus la
belle expérience de se savoir Fils. En Marie, non seulement le Verbe
éternel s’est fait chair, mais il a appris à reconnaître la tendresse
maternelle de Dieu. Avec Marie, l’Enfant-Dieu a appris à écouter les
aspirations, les angoisses, les joies et les espérances du peuple de la
promesse. Avec elle il s’est découvert lui-même Fils du saint Peuple
fidèle de Dieu.
Marie apparaît dans les Évangiles comme
une femme qui parle peu, qui ne fait pas de grands discours ni ne se met
en avant, mais qui, avec un regard attentif, sait garder la vie et la
mission de son Fils, et donc de tout ce qu’il aime. Elle a su garder les
aurores de la première communauté chrétienne, et elle a ainsi appris à
être mère d’une multitude. Elle s’est approchée des situations les plus
diverses pour semer l’espérance. Elle a accompagné les croix portées
dans le silence du cœur de ses enfants. Beaucoup de dévotions, beaucoup
de sanctuaires et de chapelles dans les lieux les plus reculés, beaucoup
d’images répandues dans les maisons nous rappellent cette grande
vérité. Marie nous a donné la chaleur maternelle, celle qui nous
enveloppe dans les difficultés; la chaleur maternelle qui permet que
rien ni personne n’éteigne au sein de l’Église la révolution de la
tendresse inaugurée par son Fils. Là où se trouve une mère, se trouve la
tendresse. Et Marie nous montre avec sa maternité que l’humilité et la
tendresse ne sont pas les vertus des faibles mais des forts, elle nous
enseigne qu’il n’y a pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir
important (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 288). Et, depuis toujours, le saint Peuple fidèle de Dieu l’a reconnue et saluée comme la Sainte Mère de Dieu.
Mère de Dieu et notre Mère
Célébrer la maternité de Marie comme
Mère de Dieu et notre mère au début d’une année nouvelle signifie
rappeler une certitude qui accompagnera nos journées: nous sommes un
peuple qui a une Mère, nous ne sommes pas des orphelins.
Les mères sont l’antidote le plus fort
contre nos tendances individualistes et égoïstes, contre nos fermetures
et nos apathies. Une société sans mères serait non seulement une société
froide, mais aussi une société qui a perdu le cœur, qui a perdu la
«saveur de famille». Une société sans mères serait une société sans
pitié, qui a laissé la place seulement au calcul et à la spéculation.
Parce que les mères, même aux pires moments, savent donner le témoignage
de la tendresse, du don de soi sans condition, de la force de
l’espérance. J’ai beaucoup appris de ces mères qui, ayant les enfants en
prison ou prostrés sur un lit d’hôpital, ou soumis à l’esclavage de la
drogue, qu’il fasse froid ou chaud, qu’il pleuve ou dans la sécheresse,
ne se rendent pas et continuent à lutter pour leur donner le meilleur.
Oh ces mères qui, dans les camps de réfugiés, ou même en pleine guerre,
réussissent à embrasser et à soutenir sans faiblir la souffrance de
leurs enfants. Mères qui donnent littéralement leur vie pour qu’aucun de
leurs enfants ne se perde. Là où se trouve la mère, se trouvent unité,
appartenance, appartenance de fils.
Commencer l’année en faisant mémoire de
la bonté de Dieu sur le visage maternel de Marie, sur le visage maternel
de l’Église, sur le visage de nos mères, nous protège de la maladie
corrosive qui consiste à être «orphelin spirituel», cette réalité que
vit l’âmequand elle se sent sans mère et que la tendresse de Dieu lui
manque. Cette condition d’orphelin que nous vivons quand s’éteint en
nous le sens de l’appartenance à une famille, à un peuple, à une terre, à
notre Dieu. Cette condition d’orphelin, qui trouve de la place dans le
cœur narcissique qui ne sait regarder que lui-même et ses propres
intérêts, et qui grandit quand nous oublions que la vie a été un don –
dont nous sommes débiteur des autres –, vie que nous sommes invités à
partager dans cette maison commune.
Cette condition d’orphelin autoréférentielle est ce qui porta Caïn à dire: «Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère?»
(Gn 4, 9), comme à déclarer: il ne m’appartient pas, je ne le reconnais
pas. Une telle attitude d’orphelin spirituel est un cancer qui use et
dégrade l’âme silencieusement. Et ainsi, nous nous dégradons peu à peu, à
partir du moment où personne ne nous appartient et que nous
n’appartenons à personne: je dégrade la terre, parce qu’elle ne
m’appartient pas, je dégrade les autres parce qu’ils ne m’appartiennent
pas, je dégrade Dieu parce que je ne lui appartiens pas, et finalement
nous nous dégradons nous-mêmes parce que nous oublions qui nous sommes,
quel «nom» divin nous portons. La perte des liens qui nous unissent,
typique de notre culture fragmentée et divisée, fait que ce sens d’être
orphelin grandit, et même le sens de grand vide et de solitude. Le
manque de contact physique (et non virtuel) cautérise peu à peu nos
cœurs (cf. Let. enc. Laudato si’, n. 49) leur faisant perdre la
capacité de la tendresse et de l’étonnement, de la pitié et de la
compassion. Être orphelin spirituel nous fait perdre la mémoire de ce
que signifie être fils, être petits-fils, être parents, être
grands-parents, être amis, être croyants; nous fait perdre la mémoire de
la valeur du jeu, du chant, du rire, du repos, de la gratuité.
Célébrer la fête de la Sainte Mère de
Dieu nous fait surgir de nouveau sur le visage le sourire de se sentir
être un peuple, de sentir que nous nous appartenons; de savoir que
seulement dans une communauté, une famille, les personnes peuvent
trouver le «climat», la «chaleur» qui permettent d’apprendre à grandir
humainement et non pas comme de simples objets invités «à consommer et à
être consommés». Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous
rappelle que nous ne sommes pas des marchandises d’échange ou des
terminaux récepteurs d’informations. Nous sommes des fils, nous sommes
une famille, nous sommes Peuple de Dieu.
Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous
pousse à créer et à préserver des espaces communs qui nous donnent un
sens d’appartenance, d’enracinement, de nous sentir à la maison dans nos
villes, dans des communautés qui nous unissent et nous soutiennent (cf.
ibid., n. 151).
Jésus Christ, au moment du don le plus
grand de sa vie, sur la croix, n’a rien voulu garder pour lui, et en
remettant sa vie il nous a remis aussi sa Mère. Il dit à Marie: voici
ton fils, voici tes fils. Et nous voulons l’accueillir dans nos maisons,
dans nos familles, dans nos communautés, dans nos villages. Nous
voulons croiser son regard maternel. Ce regard qui nous empêche d’être
orphelins; ce regard qui nous rappelle que nous sommes frères: que je
t’appartiens, que tu m’appartiens, que nous sommes de la même chair. Ce
regard qui nous enseigne que nous devons apprendre à prendre soin de la
vie de la même manière et avec la même tendresse que lui en a pris soin:
en semant l’espérance, en semant l’appartenance, en semant la
fraternité.
Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous
rappelle que nous avons la Mère; nous ne sommes pas orphelins, nous
avons une mère. Professons ensemble cette vérité! Et je vous invite,
debout, à l’acclamer trois fois, comme le firent les fidèles d’Ephèse:
Sainte Mère de Dieu, Sainte Mère de Dieu; Sainte Mère de Dieu.
SourceCet article a eu un coût, de sa rédaction à sa mise en place sur ce site. Merci d’aider à le financer en faisant un don.