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mercredi 11 janvier 2017

Comment un diplomate israélien a travaillé au cœur du Parti travailliste pour mettre à mal Corbyn



Les enregistrements secrets vus par Middle East Eye ont révélé comment un diplomate israélien a cherché à créer des organisations et des groupes de jeunesse pour promouvoir l’influence israélienne au sein du Parti travailliste, dans le cadre d’un effort visant à mettre à mal le leadership de Jeremy Corbyn au sein du parti d’opposition.
Dans des conversations secrètes filmées par un journaliste infiltré, Shai Masot, agent politique de haut rang à l’ambassade d’Israël à Londres, a décrit son projet de création d’une branche de jeunesse de l’organisation Labour Friends of Israel (LFI – « Amis travaillistes d’Israël ») et a révélé qu’il avait mis en place d’autres organisations par le passé.

Masot a émis l’idée de faire participer des délégations de membres du Parti travailliste à des voyages en Israël et a indiqué à Joan Ryan, présidente des LFI, qu’il s’était vu accorder 1 million de livres (environ 1,15 million d’euros) pour financer d’autres visites.
Il a également affirmé avoir créé un groupe appelé « City Friends of Israel » en collaboration avec l’AIPAC, une organisation de lobbying pro-israélien influente aux États-Unis.

Qualifiant le leader travailliste Jeremy Corbyn de « fou », Masot a expliqué qu’il avait créé une branche pour les jeunes des Conservative Friends of Israel (« Amis conservateurs d’Israël ») en 2015 et qu’il souhaitait en faire de même au sein du Parti travailliste, mais qu’il n’y était pas parvenu en raison de la « crise » qui a entouré l’élection de Corbyn à sa tête.

Masot a également qualifié les partisans de Corbyn de « tarés » et d’« extrémistes ».

Corbyn est considéré comme favorable au mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), que Masot explique avoir été chargé de discréditer et de mettre à mal à un autre moment des enregistrements.

Shai Masot, le Machiavel israélien pris la main dans le sac

 

Le mandat de Corbyn au pouvoir a été marqué par une révolte de députés contre sa présidence et par un déclin du parti dans les sondages, tandis qu’il a également présidé un différend au sein du parti portant sur la prétendue présence – et tolérance – d’opinions antisémites parmi les membres.

Les conversations ont été filmées secrètement par un journaliste infiltré d’Al-Jazeera se faisant passer pour un activiste pro-israélien, qui a gagné la confiance de Masot et infiltré son cercle si efficacement qu’il a lui-même été chargé de créer Young Labour Friends of Israel, la branche de jeunesse des Amis travaillistes d’Israël.

Dans une conversation ultérieure, Masot a souligné que l’organisation devait rester indépendante mais a réitéré que l’ambassade d’Israël pouvait aider.

Interrogé quant à savoir s’il avait créé d’autres groupes au Royaume-Uni, il a déclaré : « Rien que je puisse partager, mais ouais. »

Il a ensuite poursuivi : « Ouais, parce qu’il y a des choses qui se passent, tu sais, mais c’est une bonne chose de laisser ces organisations indépendantes. Mais nous les aidons, en fait. »
Le journaliste infiltré a également filmé des activistes travaillistes pro-israéliens qui décrivaient le soutien financier qu’ils avaient reçu de l’ambassade d’Israël.

Dans une conversation filmée à l’extérieur d’un pub londonien, Michael Rubin, agent parlementaire pour LFI et ancien dirigeant de Labour Students (« Étudiants travaillistes »), a indiqué : « Shai m’a parlé et m’a dit que l’ambassade israélienne pouvait aussi avoir un peu d’argent, ce qui est une bonne chose… Il a dit qu’il était heureux d’aider en quelque sorte à financer quelques événements pour faciliter les choses, donc je ne pense pas l’argent doive vraiment être un problème. »

Rubin a également expliqué que Masot et lui « travaill[aient] de manière vraiment étroite… Mais cela se fait beaucoup en coulisses ».

Complot à l’ambassade israélienne : le gouvernement britannique pressé d’ouvrir une enquête

 

Les dernières révélations surviennent alors que le gouvernement britannique a fait face ce dimanche à des appels de plus en plus nombreux à l’ouverture d’une enquête sur les agissements de Masot, un agent politique haut placé basé à l’ambassade d’Israël à Londres qui a été secrètement filmé en train de conspirer pour « faire tomber » des ministres au gouvernement et des députés considérés comme étant source de « problèmes » pour Israël.
Parmi ces responsables figuraient notamment Alan Duncan, un ministre des Affaires étrangères, qui a été l’un des détracteurs les plus virulents du programme illégal israélien de colonisation en Cisjordanie, ainsi que Crispin Blunt, président influent de la Commission des affaires étrangères du parlement britannique.
Les enregistrements ont également révélé l’étendue de l’influence israélienne au sein du Parti conservateur au pouvoir, lorsqu’une assistante de Robert Halfon, ministre d’État rattaché au Département de l’Éducation, s’est vantée d’avoir placé des questions parlementaires et a déclaré que « presque » tous les députés conservateurs étaient membres des Amis conservateurs d’Israël.

Des enregistrements secrets révèlent l’influence israélienne sur le Parti conservateur britannique

 

Masot a déploré que le Parti travailliste sous Corbyn – qui a décrit le groupe palestinien du Hamas et la milice libanaise du Hezbollah comme des « amis » lors d’une rencontre avec des activistes en 2009 – s’est révélé plus difficile à influencer, en dépit de ses liens historiques avec Israël.

« Peu de gens veulent être affiliés, explique Masot dans l’enregistrement vidéo. Évidemment, quand ils deviennent députés, ils ne sont pas affiliés et puis c’est tout, la chaîne est terminée. Parce que pendant des années, la première chose que chaque député faisait en rejoignant le parlement était de rejoindre les LFI. »
Dans des images filmées lors de la conférence travailliste en septembre dernier à Liverpool, Masot est aperçu en train de discuter avec Joan Ryan, députée d’Enfield North, une circonscription du Grand Londres, en vue d’une prochaine visite de membres des LFI en Israël.

« Qu’est-il arrivé avec les noms que nous avons mis à l’ambassade, Shai ?, a demandé Ryan.

– Nous avons l’argent à l’instant même, c’est plus d’un million de livres, cela fait beaucoup d’argent, a répondu Masot.
– Je le sais, cela doit être le cas, a affirmé Ryan.
– Et maintenant, j’ai l’argent d’Israël, alors… Pas l’argent physique, mais une approbation, a poursuivi Masot.
– Je ne pensais pas que vous l’aviez dans votre sac ! », a plaisanté Ryan.

Suite à cet échange, Hugo Swires, député conservateur qui préside le Conseil conservateur pour le Moyen-Orient (CMEC), a demandé à ce que les organisations d’Amis d’Israël liées à tous les principaux partis du Royaume-Uni divulguent leurs arrangements en matière de financement.

« Il y a des questions sérieuses à poser, a déclaré Swires à MEE. Cela soulève un tas de problématiques à un tas de niveaux différents. Le Conseil conservateur pour le Moyen-Orient est une organisation dûment affiliée au Parti conservateur. Nous devons donc respecter les paramètres des dons des sociétés et des dons individuels comme le fait le parti lui-même. »

« Si l’on compare cela aux CFI, aux LFI, aux Amis libéraux-démocrates d’Israël, nous avons toujours pensé que cela était entouré de mystère – car ils ne sont pas officiellement accrédités auprès de leur parti respectif. Je pense que le moment est venu pour ces organisations de se dévoiler au public et de révéler comment elles sont financées et d’où elles sont financées. »

Ce dimanche, le Parti travailliste a demandé une enquête approfondie sur les agissements de Masot, après que le gouvernement a déclaré ce samedi qu’il considérait que l’affaire était « close » suite aux excuses présentées à Duncan par Mark Regev, l’ambassadeur israélien.

« La révélation de discussions d’un agent de l’ambassade d’Israël cherchant à faire tomber ou à discréditer un ministre au gouvernement et d’autres députés en raison de leurs opinions sur le Moyen-Orient est extrêmement inquiétante », a déclaré Emily Thornberry, ministre des Affaires étrangères du cabinet fantôme travailliste.

« Toute ingérence inappropriée d’autres États dans notre politique démocratique est inacceptable quel que soit le pays concerné. Il n’est tout simplement pas suffisant que le Foreign Office déclare que l’affaire est close. C’est une question de sécurité nationale. »
« L’agent de l’ambassade concerné devrait être écarté et le gouvernement devrait lancer une enquête immédiate sur l’étendue de cette ingérence inappropriée et exiger que le gouvernement israélien y mette fin. »

L’appel du Parti travailliste à la tenue d’une enquête a été appuyé par le Parti nationaliste écossais (SNP) ainsi que par plusieurs députés conservateurs de haut rang.

« Nous ne pouvons pas voir Israël agir au Royaume-Uni avec la même impunité que celle dont il jouit en Palestine », a déclaré Crispin Blunt à MEE.

« Il s’agit clairement de l’ingérence la plus obscure et déshonorante dans la politique d’un autre pays. »

« C’est une affaire aussi sérieuse que celles impliquant les services du renseignement soviétiques, qui se permettaient de suborner la démocratie et de s’immiscer dans son processus de fonctionnement normal », a indiqué Nicholas Soames, un autre député conservateur, dans des propos accordés à Peter Oborne de MEE.

Écrivant de manière anonyme dans le journal Mail On Sunday, un ancien ministre du gouvernement de l’ancien Premier ministre David Cameron a déclaré que la politique étrangère britannique était « prise en otage par l’influence israélienne au cœur de notre politique ».

« Depuis des années, les CFI et les LFI travaillent avec – et même pour – l’ambassade d’Israël pour promouvoir la politique israélienne et contrecarrer la politique du gouvernement britannique et les actions des ministres qui tentent de défendre les droits des Palestiniens. »

L’ambassade d’Israël a tenté de minimiser l’importance de Masot en le qualifiant d’« employé subalterne de l’ambassade » dont les propos étaient « totalement inacceptables »

Elle a précisé qu’il allait « terminer très prochainement son contrat de travail à l’ambassade ».

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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